La résistance s’organise aux Etats-Unis contre Donald Trump

dimanche 20 novembre 2016.
 

Manifestations, pétitions et démonstrations de soutien aux minorités, les manifestants contre Donald Trump poursuivent leur mobilisation.

Cinq jours après l’élection de Donald Trump, à quoi sert de continuer à protester ? « Nous cherchons à montrer que nous ne sommes pas seuls », dit un ingénieur d’origine indienne venu de la Silicon Valley avec ses deux filles, participer Dimanche 13 Novembre 2016 à l’un des rassemblements organisés à San Francisco.

La résistance, selon le terme revendiqué par les intéressés, n’a pas faibli. Tout le week-end, les manifestations contre Donald Trump se sont poursuivies aux Etats-Unis. Dans les grands centres, comme à New York, avec vingt-cinq mille personnes, et Los Angeles, où près de deux cent manifestants ont été arrêtés. Et aussi dans des villes moyennes comme Erie ou Dayton. A Oakland, quelque six mille personnes ont entouré Dimanche 13 Novembre 2016 le lac Merritt en se tenant par la main, en signe de fraternité. On a même manifesté sur la plage d’Ocean Beach, à San Francisco, avec chiens et enfants, aux cris de « pas mon président ».

Les manifestants ne réclament rien et rien, surtout, que Donald Trump semble prêt à leur accorder, désavouer ses propos racistes de campagne. Ils sont surtout là pour se rassurer, se réconforter sur leurs valeurs inchangées. A un moment de « stress national », se faire entendre est une thérapie et un remède à l’anxiété qui s’est emparée d’une partie du pays depuis le Mardi 8 Novembre 2016. Beaucoup portent une épingle à nourrice sur la poitrine, symbole de la protection qu’ils s’engagent à fournir aux plus vulnérables. « Si vous êtes musulman, femme, homosexuel, personne de couleur, latino, transsexuel, immigrant ou handicapé, je suis avec vous », proclame un homme derrière une pancarte rédigée à la main.

La solidarité est une nécessité. Depuis l’élection de Donald Trump, des dizaines d’incidents xénophobes ont été signalés. Entre le Mardi 8 Novembre et le Vendredi 11 Novembre 2016, le Southern Poverty Law Center (SPLC), l’organisme de référence en matière de surveillance des extrémistes, a reçu plus de deux cent plaintes pour des faits racistes ou antisémites. Une église du Maryland, qui célèbre des offices en espagnol, a été barrée d’une inscription, « Trump Nation, Whites Only ». Des svastikas accompagnés du nom « Trump » ont été peintes sur les murs dans plusieurs universités. Des étudiants noirs ont reçu des menaces signées « Daddy Trump ».

« Les suprémacistes blancs pensent que leur homme a gagné la Maison Blanche », analyse le SPLC. Pour fêter la victoire, un groupe du Ku Klux Klan de Caroline du Nord a d’ailleurs annoncé un défilé le 3 décembre 2016 dans un lieu non encore révélé.

Pour les enfants d’immigrés, « l’élection de Donald Trump, c’est une sorte de 11 septembre 2001 », explique le journal Westword de Denver. A San Francisco, une jeune américaine d’origine assyrienne a posté sur Facebook la vidéo d’une passagère du métro qui, l’entendant parler une langue inconnue, lui assure que Donald Trump va l’expulser. A Los Angeles, les deux vedettes de la série télévisée de HBO Silicon Valley, Thomas Middleditch et Kumail Nanjiani, ont été pris à partie dans un bar par des fans du président élu. « Je ne peux pas imaginer ce que cela doit être d’être quelqu’un qui a mon physique dans d’autres endroits », s’est alarmé le jeune comédien d’origine pakistanaise.

Pétition auprès des grands électeurs

Parmi les manifestants contre Donald Trump, certains ne désespèrent pas de revenir en arrière, sur le résultat de l’élection. Une pétition sur www.change.org, intitulée « faites d’Hillary Clinton la présidente le 19 décembre 2016 », a conquis les campus. Elle appelle les grands électeurs à porter leur voix non pas sur Donald Trump lorsqu’ils décideront formellement du vainqueur de l’élection, selon le rituel prévu par la constitution, mais sur celle qui a remporté le vote populaire, avec six cent trente-huit mille sept cent cinquante voix d’avance, selon un décompte non définitif. Un scénario hautement improbable, mais réclamé par plus de quatre millions deux cent mille signataires.

D’autres mettent l’accent sur la vigilance. Dans une pleine page du New York Times, l’union américaine pour les libertés civiles (ACLU), a demandé Vendredi 11 Novembre 2016 à Donald Trump de désavouer ses promesses de candidat sur l’expulsion de onze millions de sans-papiers, la réautorisation du waterboarding, le simulacre de noyade, comme technique d’interrogatoire et toute une liste de celles qui violent le premier, le quatrième, le cinquième, le huitième et le quatorzième amendement à la constitution. « Si vous essayez de faire entrer ces promesses dans la réalité, vous vous trouverez à chaque pas confronté à la puissance de feu de l’ACLU », menace l’association, en rappelant qu’elle compte des millions de partisans et des juristes dans tous les états.

Les associations de soutien aux immigrés ont commencé à tenir des réunions pour rassurer les « dreamers », les jeunes clandestins arrivés avec leurs parents, qui ne doivent qu’à un décret de Barack Obama, facilement réversible, leur statut légal aux Etats-Unis. « S’organiser et protester contre l’administration de Donald Trump va être extrêmement différent », écrit Cesar Vargas, avocat au barreau de New York et proche de Bernie Sanders, dans l’hebdomadaire The Nation. « Mais nous allons montrer pendant les quatre prochaines années que nous sommes certes sans-papiers, mais aussi sans peur ».

Des manifestations sont déjà en préparation pour l’investiture du 20 janvier 2017 à Washington. Une marche « d’un million de femmes » est prévue le 21 janvier 2017. Une autre est organisée par la coalition antiguerre Answer. Les afro américains prévoient, eux, de manifester le 16 janvier 2017 à l’occasion du Martin Luther King Day, le jour férié marquant l’anniversaire de la naissance du pasteur. Maintenant que Donald Trump a, de fait, mis fin à la dynastie Clinton, l’aile progressiste a l’intention de prendre les rênes du parti démocrate.

par Corine Lesnes

correspondante du Monde à San Francisco


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