Le Front unique, par Léon Trotsky

dimanche 15 avril 2007.
 

Face au fascisme... Qu’est-ce que le front unique

par Léon Trotsky

La formule fascisme ou communisme est absolument juste, mais seulement en dernière analyse. La politique fatale de l’Internationale Communiste soutenue par l’autorité de l’Etat ouvrier a non seulement compromis les méthodes révolutionnaires, mais encore donné à la social-démocratie, souillée de crimes et de trahisons, la possibilité de lever de nouveau au-dessus de la classe ouvrière le drapeau de la démocratie comme celui de son salut.

Des dizaines de millions d’ouvriers sont alarmés jusqu’aux tréfonds de leur conscience par le danger du fascisme. Hitler leur a montré de nouveau ce que signifiait l’écrasement des organisations ouvrières et des droits démocratiques élémentaires. Les staliniens affirmaient, au cours des dernières années, qu’entre le fascisme et la démocratie, il n’y a aucune différence, que le fascisme et la démocratie sont des frères jumeaux. Les ouvriers du monde entier se sont convaincus, par l’expérience tragique de l’Allemagne, de la criminelle absurdité de tels discours. D’où le déclin prochain des partis staliniens dans des conditions exceptionnellement favorables pour l’aile révolutionnaire. D’où, aussi, les aspirations des ouvriers à se cramponner à leurs organisations de masse et à leurs droits démocratiques. Grâce à dix années de politique criminelle de l’Internationale Communiste stalinisée, le problème se pose devant la conscience de millions d’ouvriers, non sous la forme de l’antithèse décisive : dictature du fascisme ou dictature du prolétariat, mais sous la forme de l’alternative beaucoup plus primitive et beaucoup moins nette : fascisme ou démocratie.

Nous, bolchéviks, nous pensons que, pour se sauver réellement du fascisme et de la guerre, il faut la prise révolutionnaire du pouvoir et l’instauration de la dictature prolétarienne. Vous, ouvriers socialistes, vous n’êtes pas d’accord pour vous engager dans cette voie. Vous espérez non seulement préserver l’acquis, mais encore progresser par les voies de la démocratie. Bien. Tant que nous ne vous aurons pas convaincus et amenés vers nous, nous serons prêts à faire avec vous cette route jusqu’au bout. Mais nous exigeons que la lutte pour la démocratie, vous la meniez, non en paroles, mais en actes. Tous reconnaissent -chacun à sa manière- que, dans les conditions actuelles, il faut un pouvoir "fort". Forcez donc votre parti à engager la lutte véritable pour un Etat démocratique fort. Pour cela, il faut avant tout extirper les restes de l’Etat féodal. Il faut donner le droit de vote à tous les hommes et femmes de plus de dix-huit ans, soldats compris. Concentration complète des pouvoirs exécutif et législatif dans une Chambre unique !

Que votre parti lance une sérieuse campagne sur ces mots d’ordre, qu’il dresse sur leurs jambes des millions d’ouvriers, que, par la poussée des masses, il prenne le pouvoir ! Ce serait en tout cas une tentative sérieuse pour lutter contre la guerre et le fascisme. Nous, bolchéviks, nous conserverions le droit d’expliquer aux ouvriers l’insuffisance des mots d’ordre démocratiques, nous ne pourrions prendre sur nous de responsabilité politique pour le gouvernement social-démocrate, mais nous vous aiderions honnêtement dans votre lutte pour un tel gouvernement, et avec vous, nous repousserions toutes les attaques de la réaction bourgeoise. Plus encore, nous nous engagerions devant vous à ne pas entreprendre d’actions révolutionnaires qui sortiraient des limites de la démocratie (de la véritable démocratie), tant que la majorité des ouvriers ne se serait pas mise consciemment du côté de la dictature révolutionnaire.


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