Hausse des Bourses : drogue artificielle et anesthésiante

mercredi 28 septembre 2016.
 

Le rebond suspect des Bourses mondiales

Alors que fin juin l’inquiétude régnait sur les marchés financiers, cet été aura été marqué par un rebond des principales Bourses. Si le CAC 40 ne progresse pas à Paris, les trois principaux indices américains – Dow Jones, Nasdaq et Standard & Poor’s – ont battu leurs records historiques. L’indice japonais Nikkei gagne 13 % depuis janvier. Les places financières des pays émergents, après cinq ans de marasme, et grâce au retour des capitaux étrangers, redressent la tête. La Bourse de Londres, jouant de la dévaluation de la livre britannique suite au Brexit, gagne quant à elle près de 11 %  !

Rien ne laissait a priori présager ce rebond. La valeur des actions que déterminent les Bourses ne semble plus en phase avec l’évolution de l’économie réelle. La conjoncture est marquée par le ralentissement de l’économie chinoise, par la chute du prix du pétrole, par le risque d’une nouvelle crise bancaire et surtout par une reprise économique très molle aux États-Unis et bien fragile en Europe. Quelles sont alors les causes de ce rebond des indices boursiers  ? Et, question essentielle  : sur quoi cette embellie financière peut-elle déboucher  ?

La hausse des Bourses depuis deux mois est largement artificielle. Elle s’explique avant tout par la politique monétaire mise en œuvre par les banques centrales. De bas taux d’intérêt associés à l’octroi massif et permanent de liquidités au secteur financier. De l’argent à placer, il y en a donc à profusion. Reste que du fait des taux d’intérêt bas, parfois négatifs, les placements en titres obligataires d’État ne rapportent plus rien, voire coûtent puisque les gestionnaires d’épargne acceptent a priori une décote sur ces placements considérés comme ne comportant pas de risques. Les financiers se retournent alors vers les actions susceptibles d’apporter, au prix d’un peu plus de risques, un rendement positif. La demande d’actions croît. La valeur des actions grimpe donc au mépris des aléas intrinsèques de ce type de placements. La politique monétaire agit comme une drogue anesthésiant complètement les investisseurs. Au point de ne plus mesurer les risques.

Pour nombre d’experts, les résultats des entreprises ne justifient pas de telles valorisations atteintes par les actions. Il faudrait à leurs yeux une nouvelle déformation du partage de la valeur ajoutée en faveur des profits pour justifier les espoirs de rendement. Difficile à envisager alors que s’amplifient un peu partout les actions pour défendre les revenus du travail. Les analystes les plus sérieux n’anticipent d’ailleurs pas cette nouvelle déformation.

C’est donc une véritable bulle spéculative qui se constitue. Elle se concentre autour d’actifs sur-évalués. À Wall Street, les GAFAM – acronyme de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – sont devenus les cinq plus grandes capitalisations mondiales devant tous les groupes industriels, laissant supposer qu’il est possible de transformer, de manière permanente, leur nombre considérable d’usagers en flux direct de profit. Une configuration qui n’est pas sans rappeler celle qui prévalait au début de l’année 2000. Un record boursier à Wall Street, en 1999, porté par les valeurs Internet qui allait se traduire quelques mois plus tard par le krach de mars 2000 dû à l’effondrement des valeurs technologiques.

N’est-ce pas un scénario analogue qui se prépare aujourd’hui dans les arrière-cuisines de la finance  ?

Jean-Christophe Le Duigou, L’Humanité Dimanche


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