QUAND J’ENTENDS PARLER CULTURE J’APPELLE LA POLICE (sur l’évolution de France Culture)

jeudi 12 avril 2007.
 

Antoine Lubrina, auteur de cet article, était présent à Firmi ce 31 mars 2007. Il nous a présenté lors des ateliers les propositions et les difficultés de l’association des Auditeurs de France Culture.

Depuis juin 1940, en France, l’occupant allemand diffusait sur les ondes, sans retenue toute la propagande nazie. En 1944 le CNR, (Comité National de la Résistance) qui voulait sauvegarder la liberté du pays par rapport aux influences nord américaines, imposa le contrôle démocratique, c’est à dire la nationalisation. Il n’y eut plus aucune radio commerciale en France.

De suite se dessina la nécessité d’une radio purement culturelle, dans la diversité des programmes nationaux. Une chaîne spécifique fut mise en place qui prit le nom de France Culture en 1963.

Cette chaîne culturelle jouait un grand rôle avec en plus des émetteurs autonomes en province. Chaque région avait ses propres productions (théâtre, fictions, documentaires). L’objectif de France Culture a été de construire une véritable université populaire. Dans des domaines aussi divers que la philosophie, la littérature, l’histoire, dans toutes les sciences, la médecine, la musique ; tout le patrimoine de l’humanité était mis à la disposition des auditeurs. Ce qu’il y avait de remarquable, c’est que l’animateur convoquait autour des micros les meilleurs spécialistes. Il mettait toujours le discours à la portée d’un public, non pas d’érudits, mais de tous ceux qui ont l’esprit ouvert, qui ont soif de connaissance.

Nous l’avons constaté, des artisans, des paysans, des ménagères, tous ces gens très simples écoutaient France Culture aussi bien que les universitaires, les étudiants et les lycéens

Le premier coup contre ce service public fut le démantèlement de l’ORTF (l’Office de Radiodiffusion Télévision Française.) En 1974 la télévision va la première devenir la proie des prédateurs financiers.

France Culture résistera jusqu’en 1997. Il se faisait là un travail extraordinaire, les producteurs et réalisateurs avaient l’équivalent du statut d’intermittents du spectacle, ce qui paraît un désavantage parce qu’on pouvait les remercier à tout moment. Mais en même temps ils avaient la faculté de refuser les émissions de complaisance, la promotion des produits commerciaux, le parisianisme, les mondanités. Ils n’étaient pas les exécutants passifs des ordres de leur hiérarchie.

N’oublions pas l’immense travail hors antenne des réalisateurs et producteurs. C’étaient des artistes, très peu payés. Il était impossible d’interviewer Gide à l’antenne. Il bafouille, crachouille, c’est inaudible. Cependant, avec deux heures d’enregistrement, on sort, grâce à un montage soigné, vingt minutes parfaitement audibles.

Des feuilletons comme Guerre et Paix de Tolstoï avec Jean Topor, Le Père Goriot de Balzac, Le Rouge et le Noir de Stendhal avec les meilleurs acteurs, vous aviez tout. Et surtout le théâtre.

Le grand changement commence avec Patrice Gélinet. Gélinet était tellement brutal qu’il y a eu un incident avec Michel Bydlowski, cet homme fragile et très consciencieux qui a tellement été harcelé. Il ne s’est pas suicidé par hasard en se jetant de la fenêtre de son bureau à France Culture. Il dirigeait le Panorama après Jacques Duchateau. Dans cette émission de critique littéraire remarquable, c’était des auteurs de qualité peu connus qu’on allait chercher chez de petits éditeurs. Il y avait un vrai débat contradictoire : deux intervenants pour défendre le livre, deux pour le critiquer et un modérateur. A la place on a maintenant la promotion des best-sellers dont tout le monde parle, les productions de Grasset, Hachette, Gallimard, toutes les grandes maisons d’édition. La chaîne a été également affermée aux organes de presse privés, comme le journal « le Monde ».

Colombani vient avec son équipe le samedi matin. Il occupe l’antenne pendant une heure. Des créneaux sont donnés aussi à l’Express, au Figaro, etc. Le patrimoine a quasiment disparu au profit des Républiques bananières de la presse et de l’édition.

« Les Chemins de la Connaissance » étaient animés par dix producteurs permanents et plusieurs dizaines de producteurs tournants, tous de très grande qualité. On pouvait alors se forger là, des outils pour comprendre le monde actuel.

Pour dominer un peuple il ne suffit pas de le précariser, il faut aussi le décerveler.

Ce gâchis, ce saccage, sont inacceptables.

Nous avons créé une association le RACCFC (Rassemblement des Auditeurs contre la Casse de France Culture.) Avec une banderole, on a aussitôt organisé nos propres manifestations devant le théâtre de l’Odéon et le ministère de la Culture place du Palais Royal. Avec nos tables nous nous sommes placés sur le bord de toutes les grandes manifestations (retraites, CPE, NON au référendum). Nous avons été deux fois, une semaine entière, au festival d’Avignon et aussi cinq années de suite en louant un stand à la fête de l’Humanité.

On a été reçu par le chef de cabinet de Mme Tasca et aussi par l’actuel directeur de France Culture, M. David Kessler.

Les anciens directeurs de France Culture comme Yves Jaigu étaient avant tout des hommes de grande culture. On a maintenant des politiciens issus des gouvernements dissous.

Nous avons distribué nos tracts et caricatures deux fois à tout le personnel aux portes de Radio France. Nous avons soutenu toutes les grèves du personnel et sommes invités chaque année à la reprise des cartes du syndicat CGT qui vient de nous verser 100€ pour les frais du procès.

Apparemment toute contestation gêne. C’est sans doute pour cela que Radio France et Mme Laure Adler nous intentent un procès, 17ème Chambre Correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris, vendredi 11 mai 2007 à 13h30. C’est la même chambre qui a jugé les caricatures de Charlie Hebdo sur Mahomet. Le motif de la plainte : « injure public » pour une caricature représentant Mme Laure Adler portant une pancarte avec le titre du livre de Gilles Châtelet édition Folio « Vivre et Penser comme des Porcs. » Il est très important que la salle d’audience pour ce procès public soit pleine. Toute aide financière pour les frais d’avocat (2400€) est la bienvenue.

Antoine Lubrina

Raccfc BP 90166 75 623 Paris cedex 13

CCP La Source 38 770 60 L


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