La France doit investir massivement dans la recherche sur le cerveau.

mardi 11 février 2020.
 

Jean-Luc Mélenchon a raison de dire qu’il faut à la France, notamment pour ses jeunes, des projets novateurs, ouvrant de nouveaux horizons et créateurs d’emplois. Il mentionne la mer, l’espace, la transition énergétique ; nous proposons ci-dessous un espace encore peu connu : celui de notre cerveau.

Nous devons engager tous les moyens de la force de la pensée pour le connaître.

Avec ses 30 à 100 milliards de neurones (autant que d’étoiles dans notre galaxie) et 1 million de milliards de connexions synaptiques, le cerveau humain est l’être matériel le plus complexe connu que la connaissance scientifique a entrepris de connaître. Les sciences du cerveau (neurologie, neurologie biomoléculaire, neuropsychologie, instruments d’investigation pour photographier et analyser son fonctionnement) ont certes fait des progrès considérables depuis un siècle, mais la science est encore loin d’avoir compris la totalité de son fonctionnement et comment la pensée émerge par des processus complexes du fonctionnement neuronal.

Le célèbre neurobiologiste Jean-Pierre Changeux avait publié en 1983 (Éd. Odile Jacob) un livre qui a eu beaucoup de retentissement et qui a permis à un large public d’accéder à un état des connaissances sur le fonctionnement de notre cerveau : "L’homme neuronal".

On peut se référer à une vidéo fort intéressante : L’homme neuronal 30 ans après. Deux vidéos s’enchaînent, la deuxième actualisait l’état des des connaissances sur le cerveau en 2015. Dans sa première intervention (vers la 20e minute), JP Changer confirme l’article des Échos reproduit ci-dessous (mars 2014) qui explique l’insuffisance notoire des crédits investis par le gouvernement français et plus généralement par les gouvernements européens pour la recherche sur le cerveau.

Pour accéder aux vidéos cliquez sur les deux liens suivants :

https://www.youtube.com/watch?v=vY3...

Neurobiologie de la personne humaine. https://www.youtube.com/watch?v=RnV...

Les connaissances sur le cerveau ont des conséquences considérables :

– compréhension et traitement des maladies neurologiques (Alzheimer, Parkinson, épilepsie, …)

– compréhension et traitement des conséquences des lésions cérébrales causé es par un traumatisme crânien, un AVC, une maladie neuro – dégénérative y compris dans le domaine sensoriel.

– compréhension et traitement des pathologies psychiatriques

Le coût de ces pathologies au niveau européen est de l’ordre de 400 milliards d’euros

Mais cet investissement pour la recherche sur le cerveau a aussi d’autres conséquences :

– Compréhension des mécanismes d’apprentissage pouvant avoir des retombées en pédagogie

– Compréhension de phénomène psychosociologiques pouvant même avoir des incidences sur le droit pénal.

– Retombées en informatique et notamment en intelligence artificielle.

– Philosophie : par quels mécanismes cérébraux le réel est-il compréhensible, pour n’ aborder qu’une question

[Une question, qui à ma connaissance n’a jamais été abordée : on a coutume de considérer que la formalisation abstraite de la physique avec l’aide des mathématiques, de la chimie constituerait des reflets, des représentations mentales d’un monde objectif obéissant à certaines lois. Mais en quoi ces formalismes [portent-t-il la trace de notre fonctionnement neuronal ? ]

Or les responsables politiques plus aptes à favoriser l’enrichissement des actionnaires et des rentiers que de favoriser l’innovation scientifique et la connaissance au service de l’humain, sont loin d’être à la hauteur de leurs responsabilités.

Le premier article fait un bilan les maladies neurologiques et psychiatrique.

Source Inserm

http://www.inserm.fr/layout/set/pri...

Le texte est accompagné d’une petite vidéo. André maire de Unité Inserm 862 "Physiopathologie de la plasticité neuronale". Institut François Magendie, Bordeaux. Les films unité, production Inserm/La Prod. 2008. Durée : 3 min 35.

Siège de la perception, de l’action et de la cognition, le système nerveux central et périphérique peut être l’objet de déficits, de dysfonctionnements et de pathologies représentant de graves problèmes de santé publique, voire de grandes questions de société.

Les maladies neurologiques (Alzheimer, Parkinson, démences et autres maladies neuro dégénératives, épilepsie, sclérose en plaques, accidents vasculaires cérébraux), les maladies psychiatriques (anxiété, dépression, addiction, schizophrénie, autisme, troubles obsessionnels compulsifs) et les déficits des organes des sens (déficiences visuelles ou auditives) frappent de nombreux patients et leurs familles. L’importance et la fréquence de ces troubles ont été progressivement reconnues à mesure que nos connaissances sur leurs symptômes et leur étiologie se précisaient.

Parmi les affections neurologiques, les maladies neurodégénératives occupent une place prépondérante en raison de leur gravité et de leur fréquence croissante liée au vieillissement de la population. En France, plus de 860 000 personnes souffrent de la maladie d’Alzheimer et 100 000 de la maladie de Parkinson.

D’autres pathologies ont une incidence ou prévalence importante : accidents vasculaires cérébraux (150 000 nouveaux cas par an), épilepsie (500 000 patients) ou sclérose en plaques (60 000 cas). Les plus jeunes sont touchés par les troubles liés au développement comme la dyslexie, les troubles de l’attention, la dyspraxie ou la dyscalculie (6 % des enfants souffrent de dyslexie ou de troubles apparentés). Et l’on compte par centaines les maladies rares, comme le syndrome de l’X fragile, le syndrome de Gilles de la Tourette ou l’ataxie de Friedreich.

Les troubles psychiatriques sont encore plus fréquents et touchent un adulte sur 4, soit 27 % de la population : 10 millions de dépressifs, 600 000 maniaco-dépressifs, 600 000 schizophrènes, 4 millions avec des troubles anxieux, 60 000 autistes, 1,5 million de personnes avec une addiction pour ne citer que les troubles les plus fréquents.

Enfin, 4 millions de personnes souffrent de déficit de l’audition et 2 millions de troubles visuels d’origine rétinienne, particulièrement la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Certaines de ces affections bénéficient d’un engagement spécifique comme en témoigne le Plan Alzheimer et maladies apparentées, annoncé par le président français en 2007 et mis en œuvre depuis 2008.

Les enjeux économiques sont à la mesure de la fréquence de ces maladies, du handicap associé et des dépenses hospitalières engendrées. Ainsi, le coût des maladies du cerveau est de 387 milliards d’euros en Europe, dont plus de 60 % pour les maladies mentales, qui constituent le deuxième motif d’arrêt de travail et la première cause d’invalidité en France. Le coût des déficits auditifs dépasse 100 milliards d’euros en raison de l’éducation spécialisée et des appareillages nécessaires. À elles seules, les pathologies du système nerveux représentent un tiers du coût humain des maladies en Europe.

Fin du premier article

Le cerveau, parent pauvre de la recherche biomédicale

Source : Les Échos http://www.lesechos.fr/11/03/2014/L...

Entre maladies psychiatriques et neurodégénératives - le plus souvent liées à l’âge - 3 personnes sur 10 sont concernées par les pathologies du cerveau. Ces dernières restent pourtant délaissées par notre recherche biomédicale.

Quelque chose ne tourne pas rond dans le système français de recherche biomédicale. Chaque maladie grave est une tragédie personnelle et une priorité médicale pour qui en est atteint, mais regardons froidement les chiffres. La France consacre environ 20 % de sa recherche biomédicale à la lutte contre le cancer, véritable fléau qu’il ne s’agit pas de minimiser. Mais comment expliquer que seuls 2 % de ce budget aillent aux maladies psychiatriques ? Cet écart de 1 à 10 est-il justifié ?

Selon le réseau de coopération scientifique FondaMental, les maladies psychiatriques touchent pourtant, en France comme ailleurs, pas moins d’une personne sur cinq ! Et cette proportion est appelée à augmenter, ne serait-ce que parce que ces pathologies, si elles sont pour partie génétiques, sont aussi liées à notre environnement et nos modes de vie, le stress étant bien souvent un facteur aggravant. C’est ainsi que, parmi les dix pathologies qu’elle juge les plus préoccupantes pour le XXIe siècle, l’OMS retient cinq maladies psychiatriques : schizophrénie, trouble bipolaire, addiction, dépression et troubles obsessionnels compulsifs. Ajoutons que les maladies psychiatriques étant chroniques et très invalidantes, elles représentent un coût pour la société supérieur à leur prévalence dans la population. Ce n’est pas un hasard si elles constituent la deuxième cause des arrêts de travail en France. Globalement, leur coût annuel (direct et indirect) pour notre économie est estimé à 110 milliards d’euros.

A ces maladies psychiatriques s’ajoutent les maladies neurodégénératives, qui sont le plus souvent liées à l’âge et provoquent une détérioration du fonctionnement des neurones : maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, sclérose en plaques... Au total, en combinant ces deux grandes familles de maladies du cerveau, ce sont 3 personnes sur 10 qui sont concernées. Et, là encore, malgré les progrès de la recherche, la situation ne risque pas de s’améliorer. « Etant donné que l’avancée en âge est le principal facteur de risque pour la plupart des maladies neurodégénératives, leur proportion ne va faire que croître dans les années qui viennent avec l’allongement de l’espérance de vie », prévient le professeur André Nieoullon, président du conseil scientifique de la Fédération pour la recherche sur le cerveau (FRC). Lors d’un récent colloque qui s’est tenu à Londres sur les démences (ou neurodégénérescences : réduction des capacités cognitives liées à l’âge), les experts ont annoncé que leur nombre allait doubler entre 2020 et 2040, et tripler d’ici à 2050 !

La France distancée

Face à cette lame de fond, les moyens débloqués par les pays européens, et tout particulièrement le nôtre, sont très insuffisants. En l’absence d’études récentes (faute d’argent pour les réaliser !), on ne peut que s’en remettre aux données publiées il y a huit ans par l’European Brain Council : celles-ci montraient que le montant engagé pour les recherches sur le cerveau et les maladies cérébrales en Europe se chiffrait à 4,1 milliards d’euros (dont 78 % provenaient des industriels), soit 3,5 fois moins que les Etats-Unis (14,5 milliards d’euros). Malgré quelques initiatives récentes comme le Human Brain Project (un projet européen d’envergure qui a inspiré à l’administration Obama son plan Brain Initiative, lancé l’an dernier), ce rapport de force n’a pas fondamentalement changé - aujourd’hui comme hier, plus du quart des publications scientifiques en neurosciences sont américaines. Quant à la France, non seulement elle ne contribue pas à tirer ses voisins européens vers le haut, mais elle se laisse même distancer par eux. C’est du moins le constat qui a été fait par les magistrats de la Cour des comptes dans un rapport daté de juin 2013, « Le financement public de la recherche, un enjeu national ».

A l’occasion de la 16e Semaine du cerveau qui s’est ouverte hier en France comme dans une soixantaine d’autres pays, la nouvelle campagne nationale du Neurodon permettra aux chercheurs français de collecter quelques centaines de milliers d’euros supplémentaires. Ce ne sera évidemment pas suffisant pour redresser la barre. D’autant que les dernières décisions en la matière n’incitent guère à l’optimisme. Dévoilé en juillet dernier, le nouveau plan stratégique de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui répartit les subsides entre laboratoires et thématiques, concentre les critiques des associations membres de la FRC. « Il s’agit d’un document d’une trentaine de pages dans lequel le mot "neurosciences" n’apparaît même pas. Le système nerveux est relégué à un sous-axe de l’axe "santé-bien-être" », fulmine Christophe Mulle, président de la Société des neurosciences.

Qu’ils soient neurologues ou psychiatres, tous les spécialistes du cerveau s’accordent à dire que cet organe ne doit pas être étudié sous le seul angle de ses maladies, c’est-à-dire de la recherche clinique. Le cerveau « sain », objet de la recherche fondamentale, mérite lui aussi toute notre attention : mieux comprendre le cerveau sain aujourd’hui est un passage obligé pour mieux soigner le cerveau malade demain.

Mais il semble dans notre pays que nous voulions mettre la charrue avant les boeufs. « Notre système de financement est tel que, si les chercheurs veulent avoir une infime chance de décrocher un crédit pour poursuivre leurs recherches, ils n’ont pas d’autre choix que de "survendre" la dimension pathologique de leurs travaux », note Christophe Mulle.

Organe de très loin le plus complexe du corps humain, le cerveau doit rester au coeur de la recherche fondamentale. A quand un grand « plan Cerveau » qui soit aussi ambitieux que nos plans Cancer successifs ?

Les points à retenir

La France consacre environ 20 % de sa recherche biomédicale à la lutte contre le cancer, mais seulement 2 % aux maladies psychiatriques.

Ces dernières constituent la deuxième cause des arrêts de travail en France. Globalement, leur coût annuel (direct et indirect) pour notre économie est estimé à 110 milliards d’euros.

Avec le stress inhérent à nos modes de vie mais aussi le vieillissement de la population, les maladies du cerveau sont appelées à toucher de plus en plus de monde.

Journaliste en charge de la rubrique « Science " aux « Echos " Yann Verdo

Fin du deuxième article.

Les crédits consacrés à la recherche sur la santé mentale en psychiatrie, deux fois moins que pour les maladies neurologiques, sont scandaleusement insuffisants. Voir article du Point Ici

Rappelons que 38 à 42 % des détenus dans les prisons sont atteints de troubles psychiatriques. Voir rapport du Sénat Prison et troubles mentaux, comment remédier aux dérives du système français . IciIl est bien évident que si un investissement beaucoup plus important dans la recherche sur le cerveau est nécessaire, les moyens d’encadrement et de suivi médical, les moyens d’insertion sociale devraient être aussi largement majorés Et c’est probablement là que se situerait le coût le plus élevé.

À partir de ces constatations, on aura du mal à admettre que l’humain ait été la préoccupation prioritaire des gouvernements précédents au-delà des effets d’annonce.

Nous invitons donc le lecteur à intervenir sur la plate-forme JML2017.fr pour que cette question soit largement prise en compte dans l’Humain d’abord.

Hervé Debonrivage


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