Les jeux de Rio, reflet du monde moderne

mardi 23 août 2016.
 

Restaurés à la fin du XIXème siècle par le baron réactionnaire et raciste Pierre de Coubertin, les jeux olympiques sont désormais l’occasion d’un gigantesque show planétaire. Les olympiades de Rio dont les stades sont plutôt dégarnis - car inaccessibles financièrement par le peuple brésilien - sont à l’image du monde d’aujourd’hui qui méprise l’effort et le dépassement de soi s’ils n’aboutissent pas à la réussite ; la compétition sert avant tout un business alimenté par quelques vedettes médaillées et médiatisées. Seuls les champions victorieux nourrissent l’imaginaire collectif et stimulent la consommation de leur sport et des équipements qui accompagnent sa pratique. Les jeux ignorent les seconds rôles et mettent uniquement en lumière les vainqueurs.

D’une certaine façon, cette conception du sport rejoint celle de Pierre de Coubertin qui entendait faire de l’éducation sportive un instrument de discrimination supplémentaire entre les forts et les faibles : « Il y a deux races distinctes : celle au regard franc, aux muscles forts, à la démarche assurée et celle des maladifs, à la mine résignée et humble, à l’air vaincu. Eh ! bien, c’est dans les collèges comme dans le monde : les faibles sont écartés, le bénéfice de cette éducation n’est appréciable qu’aux forts »

Mais Pierre de Coubertin n’avait pas prévu que les enjeux financiers générés par les jeux olympiques finiraient par déformer et hystériser la pratique sportive jusqu’ à la rendre inhumaine.

Pour paraphraser la devise bien connue, l’important est désormais moins de participer que de gagner. La médaille accrochée au cou, l’hymne national exécuté, l’athlète peut rentrer dans l’arène commerciale et politique. Ce sont les contrats publicitaires, les retombées commerciales pour les sponsors, l’exaltation du sentiment patriotique, qui rendent son exploit si important et le transforment, à son corps défendant, en produit médiatique vendeur. La France récompense d’ailleurs par une prime de 50.000 € tous ses médaillés d’or ; cette offrande aux dieux du stade même si elle est marginale par rapport aux gains futurs des athlètes est malgré tout symbolique : elle signifie bien qu’il n’y a plus de place pour l’amateurisme dans les jeux modernes. Les sportifs de notre époque doivent être des professionnels et des gagneurs à l’image de Florent Manaudou qui avouait sans fausse pudeur dans son autobiographie sortie en 2014 : "Je n’ai jamais aimé nager".

Les JO sont l’évènement de l’été car ils sont l’emblème de notre monde mercantile axé sur la compétition et la réussite individuelle.

A l’autre bout du continent américain, le Forum social mondial vient de se terminer dans l’indifférence générale, 3500 délégués venant d’une centaine de pays étaient réunis à Montréal pour tenter de promouvoir un monde de coopération respectueux des limites humaines et de son environnement. Les média n’en ont pratiquement pas parlé, le gigantisme et la démesure des jeux de Rio sont bien plus spectaculaires.

Il reste beaucoup de chemin à parcourir pour que le sport cesse d’être un instrument de domination pour redevenir une source d’épanouissement individuel et collectif.

Jean-Luc GASNIER


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message