1er décembre 1972 Premier rassemblement pour le Programme Commun

mardi 9 août 2016.
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Programme commun, la victoire à l’horizon

1er décembre 1972, plus de 100 000 personnes se rassemblent porte de Versailles, à Paris, autour des représentants des trois principales formations de gauche. Espoir de changement.

Quatre ans se sont écoulés depuis Mai 68. Après de nombreux détours, sans aucun doute l’immense rassemblement à Paris du 1er décembre 1972, au parc des expositions de la porte de Versailles, en présence de ­Robert Fabre, de Georges Marchais et de François Mitterrand, exprime l’engagement et l’espoir d’une victoire enfin possible. Le Programme commun de gouvernement a été signé en juin entre les trois formations principales de la gauche. Un aboutissement qui semble marquer la réussite de la stratégie déployée par les communistes depuis dix ans, surmontant tant de réticences et tant d’obstacles, sous l’impulsion de Waldeck Rochet, puis de Georges Marchais. La stratégie du PCF  : rompre l’isolement

Un événement vécu comme une revanche sur la déception ressentie lors du grand mouvement de Mai 68. Les manœuvres de ­Mitterrand et autres avaient alors contribué à boucher toute issue politique, à faciliter le maintien de la droite au pouvoir.

Pourtant, opposant au coup d’État qui voit le retour du général de Gaulle, et face au naufrage de la SFIO, les convictions et l’ambition d’un homme avaient rencontré, en 1964, la stratégie du Parti communiste français  : rompre l’isolement, évolution de la doctrine vers un socialisme démocratique, union populaire autour d’un programme de gouvernement.

Un premier accord permet une candidature unique aux élections présidentielles de 1965 et des résultats prometteurs aux législatives de 1967. Fin 1968, il a fallu patiemment sur le métier remettre l’ouvrage, précisant la conception d’un socialisme démocratique aux couleurs de la France, celle du manifeste de Champigny, adopté.

Un débat public d’une haute tenue quant au contenu des réformes à opérer, dans le domaine de la démocratie politique et de l’économie, traverse l’opinion. Il se nourrit d’une large diffusion des propositions communistes via le petit livre orange Changer de cap, pour un gouvernement d’union populaire, à l’automne 1971. Le Parti socialiste se sent obligé d’y répondre en publiant, au printemps 1972, Changer la vie, programme de gouvernement du Parti socialiste. Les discussions finales se déroulent dans la nuit du 26 au 27 juin 1972 entre communistes, socialistes et radicaux de gauche. Il me souvient qu’à l’aube, nous étions réunis avec une trentaine de responsables parisiens à la fédération de Paris du PCF, attendant le retour de Paul Laurent, l’un des principaux négociateurs, et l’enthousiasme devant l’heureuse conclusion. Les communistes, dont le peuple sait qu’ils ont été les initiateurs de l’accord, gagnent en confiance. Leur stratégie marque des points, en dépit des rudes combats, d’un côté pour disputer la direction de la colère sociale aux idées du gauchisme, de l’autre pour donner conscience du niveau des transformations à accomplir afin de réussir le changement dans la société française. Des réformes comme celle des nationalisations irriguent le débat d’idées dans tout le pays. La diffusion des ouvrages édités par les Éditions sociales s’envole. Le Parti communiste s’ouvre à de nombreuses adhésions et étend son implantation dans les quartiers, les villages, les entreprises  : légitimation du dévouement de ceux que chante Jean Ferrat dans Ma France, alors interdite à l’ORTF  : Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien/

Du journal que l’on vend le matin d’un dimanche/

À l’affiche que l’on colle au mur du lendemain.

François Mitterrand, tel un caméléon, peut déclarer lors du congrès d’Épinay de juin 1971, où il prend le contrôle du nouveau Parti socialiste  : « Violente ou pacifique, la révolution c’est d’abord une rupture… Celui qui ne consent pas à la rupture avec l’ordre établi… avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, il ne peut pas être adhérent du Parti socialiste. » Mais il dévoile ses objectifs au congrès de l’Internationale socialiste  : « Notre objectif fondamental, c’est de refaire un grand Parti socialiste sur le terrain occupé par le PC, afin de faire la démonstration que, sur cinq millions d’électeurs communistes, trois millions peuvent voter socialiste. » Faute tactique lors des législatives de 1978 

Quoi qu’il en soit, un immense espoir de changement se développe dans le pays, où militants communistes, syndicalistes portent les propositions du Programme commun. Cette mobilisation réelle achoppe cependant sur l’idée de délégation, et sans doute pèse également un retournement dans les conditions de l’affrontement idéologique international. À l’attractivité du « socialisme réel » dans le peuple, augmenté de la victoire des Vietnamiens, succède un rejet de la gérontocratie soviétique, d’une société immobile, de l’intervention en Tchécoslovaquie, venue après le différend soviéto-chinois.

Les communistes français, bien qu’engagés avec retard dans la voie d’un socialisme ­démocratique, en font les frais. Leur influence ne tire pas profit de leur rôle moteur dans le processus unitaire. Dénonciation peu habile du Programme commun et certainement faute tactique lors des législatives de 1978  : majoritaires au premier tour du scrutin, les deux partis ne jouent pas la victoire possible au deuxième tour, Georges Marchais et les communistes, avec l’objectif de modifier un rapport de forces où, pour la première fois depuis 1945, les socialistes passent en tête  ; François Mitterrand, pour ne pas dépendre d’un contrat politique avec une majorité parlementaire où les communistes, malgré tout, sont presque à égalité. L’élection présidentielle de 1981 est son horizon

TEL QUEL. Dans l’Humanité du 2 décembre 1972 Par Nelly Feld « Union populaire  ! Union populaire  ! La gauche unie au gouvernement  ! » Il est 20 h 45, interminablement, les cris résonnent. Les représentants de la gauche prennent place à la tribune (…) La présidence déclare ouverte « la plus grande assemblée jamais réunie par la gauche » (…) Parfaite compréhension de ce qu’est l’alliance nouée autour du Programme commun dans l’égalité des droits et des devoirs et le respect des engagements pris. Ambition de construire le socialisme par un chemin nouveau dont le Programme commun est un étage, « ce programme que nous lisons, dit Georges Marchais, à la lumière du ciel français, sur le sol de France, avec les yeux des travailleurs français. »

Nicolas Devers-Dreyfus

L’Humanité


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