Turquie : Répression effroyable contre les opposants à Erdogan

mardi 26 juillet 2016.
 

B) Grande purge qui fait suite à la mascarade de coup d’état...

On commence à faire le tri entre les fausses preuves et les vraies, et il ressort de tout cela que le coup d’Etat en Turquie a été soit complètement mis en scène, soit une provocation orchestrée pour pouvoir procéder à une grande purge bien planifiée.

Des officiers subalternes impliqués dans le coup d’Etat ont pu penser qu’il était vrai, mais Erdogan et son appareil du pouvoir savaient qu’il allait y avoir un coup et ils avaient tout sous contrôle. On se demande comment on a fait pour tromper des officiers subalternes et les entraîner dans cette malheureuse tentative, hâtive et mal préparée, de coup d’état. Ont-ils eu peur d’une enquête qui devait soi-disant bientôt avoir lieu ?

Erdogan a admis aujourd’hui à la télévision qu’il savait qu’il y allait y avoir un coup :

19:47 - 17 juillet 2016 Mahir Zeynalov @MahirZeynalov

Erdogan reconnaît qu’il a eu connaissance d’une « activité militaire » au moins 7 à 10 heures avant le coup d’Etat (vidéo)

09:34 18 juillet 2016 Borzou Daragahi @borzou

Officiel turc : « Les Gulenistes (partisans de Fethullah Gülen, ndt) de l’armée sont surveillés depuis un certain temps. Le groupe a agi en urgence lorsqu’il s’en est aperçu »

Ces « Gülenistes » étaient plus probablement les Kémalistes séculiers nationalistes que le New York Times qualifie maintenant « d’extrémistes ».

Le fait qu’il s’attendait au coup explique pourquoi Erdogan a quitté l’hôtel de Marmaris, où il était en vacances, des heures avant que les soldats ne viennent l’arrêter :

21:12 - 15 juillet 2016 (((Garrett Khoury))) @KhouryGarrett

#Turquie : Erdogan confirme que les forces putschistes ont encerclé son hôtel à Marmaris ... 4 heures après qu’il l’a quitté. Quelle incompétence !

Cela explique aussi pourquoi deux avions de combat F-16, qui faisaient soi-disant partie du coup d’Etat, avaient l’avion d’Erdogan en ligne de mire mais ne l’ont pas abattu :

"Au moins deux F-16s poursuivaient l’avion d’Erdogan alors qu’il était en route vers Istanbul. Ils avaient son avion dans leurs radars ainsi que les deux F-16 qui l’escortaient », a déclaré à Reuters un ancien officier militaire, au fait des événements.

« Pourquoi ils n’ont pas tiré est un mystère, » a-t-il dit.

Ces pilotes n’étaient pas de vrais putschistes. Ils avaient dû recevoir l’ordre de ne pas tirer. Les enregistrements des radars ont montré que l’avion d’Erodgan a fait des cercles dans le ciel, au sud-ouest d’Istanbul, pendant des heures. Il aurait été très facile de l’éliminer.

Dans le même communiqué de Reuters :

L’ancien officier a déclaré que les putschistes semblaient avoir déclenché leur tentative prématurément parce qu’ils avaient réalisé qu’ils étaient sous surveillance, une information confirmée par des officiels d’Ankara.

Le colonel Pat Lang, qui a été responsable du renseignement militaire des Etats-Unis en Turquie pendant des années, a contacté de vieilles connaissances :

Je sais de source turque sûre qu’Erdogan et des officiers supérieurs qu’il avait nommés ont manipulé des officiers subalternes pour créer un « coup d’Etat » qui pouvait être facilement écrasé, dans le but de consolider son pouvoir.

Cela est déjà arrivé en Turquie :

L’incident bienvenu (ou événement) (turc : (à Istanbul) Vaka-i Hayriye « heureux incident » ; (dans les Balkans) Vaka-i Şerriyye, « Incident malheureux ») fut la dissolution forcée du corps séculaire des janissaires par le sultan Mahmud II le 15 juin 1826. La plupart des 135 000 janissaires se sont révolté contre Mahmud II, et après que la rébellion a été réprimée, ses dirigeants tués, et de nombreux membres exilés ou emprisonnés, le corps des janissaires a été démantelé et remplacé par une force militaire plus moderne. ... Les historiens pensent que Mahmud II a fomenté lui-même la révolte et ils l’ont appelée « le coup d’Etat contre les janissaires du sultan ».

Ce coup est l’incendie du Reichstag d’Erdogan, le soi-disant incendie du bâtiment du parlement allemand en février 1933 qui a été utilisé par Hitler pour se débarrasser des communistes et des autres ennemis de son pouvoir.

Le faux coup d’état est maintenant suivi d’un vrai dans lequel Erdogan abat tous ses ennemis présumés.

Quelques heures après le coup d’Etat contre Erdogan, 2 750 juges ont été relevés de leurs fonctions. Des centaines de juges, y compris des juges de la Cour suprême nommés par Gul, le prédécesseur d’Erdogan à l’AKP, ont été jetés en prison. Hier soir, 7 899 policiers et 631 gendarmes ont été relevés de leurs fonctions et leurs armes ont été confisquées. 30 gouverneurs et 47 gouverneurs locaux ont été suspendus. Le Conseil de l’enseignement supérieur a annoncé le prochain « nettoyage » des écoles et des universités. Vingt sites d’information indépendants turcs ont été fermés. Les hommes d’affaires et les banquiers qui ne soutiennent pas Erdogan sont les prochains sur la liste. Les listes utilisées pour ces grandes purges ont forcément été préparées bien avant le coup d’Etat.

3 000 conscrits qui ont reçu l’ordre de participer au coup d’État, mais aussi de nombreux officiers de haut rang ont été emprisonnés. Ils comprennent 103 généraux et amiraux, dont beaucoup n’avaient pas pris part au coup d’État et s’étaient explicitement prononcé contre lui. D’autres officiers de haut rang ont été relevés de leurs fonctions. Toutes les grandes unités de l’armée turque ont perdu certains de leurs commandants. Les soldats capturés ont été humiliés par les forces de police spéciales, les plus fidèles à Erdogan. Ils ont dû se déshabiller et ont été filmés recroquevillés au sol. Les images de ces humiliations ont été largement diffusées. Cela brisera le moral de tous les rangs de l’armée !

Les mesures prises contre l’armée rappellent la purge des officiers opérée par Staline dans l’armée soviétique en 1937-1941. Le désastre militaire soviétique de la guerre hivernale de 1939 entre l’Union soviétique et la Finlande et les terribles pertes des premières années de la guerre contre les Allemands et leurs alliés ont été le résultat de ces purges. L’armée turque, la deuxième plus grande de l’OTAN, est maintenant une coquille vide et ne sera plus en mesure de lancer une opération de grande envergure qui se tienne.

Erdogan a demandé à ses partisans de rester dans les rues une semaine entière pour « défendre l’Etat ». Les purges ne sont pas terminées.

Certains pensent que ce coup d’Etat et les purges d’Erdogan, assureront son indépendance en matière de politique étrangère et lui permettront de sortir de la sphère Etats-Unis/OTAN pour se rapprocher de la Russie, la Chine et l’Iran. Les partisans d’Erodgan accusent les États-Unis d’être derrière le coup d’Etat. La menace de bloquer la base aérienne d’Incirlik, le centre des opérations américaines en Syrie contre le flanc sud de la Russie et la principale zone de stockage d’armes nucléaires tactiques américaines au Moyen-Orient, neutralisera Washington, et empêchera toute mesure directe de « l’occident » contre lui.

L’Etat turc est maintenant mutilé. L’expérience et la connaissance de tous ceux qui ont été écartés est irremplaçable. Tout événement inattendu, militaire ou civil, recevra une réponse confuse et désordonnée. Malgré le succès actuel d’Erdogan, l’hubris va exiger son dû et le triomphe de M. Erdogan sera bientôt suivi d’une grande chute.

Quels sont les vrais amis qu’Erdogan a laissés à la Turquie au plan international ? Quelques dirigeants édentés des Frères musulmans et les dictateurs du Qatar sont les seuls qui me viennent à l’esprit. Privé de la solidarité internationale, l’économie de la Turquie sera bientôt en encore plus grande difficulté. Les islamistes radicaux, incités par Erdogan à se battre contre le peuple syrien, vont revenir mordre la Turquie. Erdogan croit peut-être qu’il peut contrôler ces extrémistes. Il sera le prochain apprenti sorcier à s’apercevoir que c’est impossible.

Ces Djihadistes radicaux qu’Erdogan a importés et ravitaillés en Syrie sont aussi la raison pour laquelle nous devons tous être heureux que le coup n’ait pas réussi. Si Erdogan avait été tué, la guerre civile n’aurait pas pu être évitée en Turquie. Des Islamistes lourdement armés auraient attaqué l’armée et d’autres forces gouvernementales. Divers groupes ethniques et religieux se seraient battus entre eux. La guerre par procuration menée par ces extrémistes dans les pays voisins de Syrie et d’Irak serait revenue en Turquie, tout comme la guerre contre les Soviétiques en Afghanistan est revenue au Pakistan.

Cela pourrait encore se produire. Mais les chances qu’un faux-pas d’Erdogan conduise à un changement moins brutal du pouvoir sont maintenant plus élevées qu’avant.

Moon of Alabama

A) Qui sont les 50000 personnes frappées par la purge ? (Le Parisien)

Médias, enseignants, policiers, fonctionnaires... 50 000 personnes ont été limogées ou suspendues en Turquie, en réaction au coup d’Etat manqué. Et au moins 25 000 sont poursuivis par la justice.

15 000 personnes arrêtées, 25 000 poursuivies par la justice, 50 000 limogées ou suspendues... Les purges opérées par le pouvoir turc depuis la tentative de coup d’Etat frappent des pans entiers de la société, de l’armée aux médias en passant par le monde de l’éducation. Ces chiffres sont provisoires, et risquent d’évoluer à la hausse dans les prochaines semaines. Mercredi, ces mesures ont été jugées « contraires » à l’Etat de droit, selon le porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel.

Alors que le président Recep Tayyip Erdogan évoque un possible rétablissement de la peine de mort, l’épuration cible des proches présumés du prédicateur musulman Fethullah Gülen, exilé aux Etats-Unis depuis 1999, accusé d’être l’instigateur du putsch.

Mercredi, le quotidien turc Hürriyet chiffrait à 48 800 le nombre de personnes limogées ou suspendues. Au moins 15 000 ont été emprisonnées, via le régime de la garde à vue ou en détention préventive. Et au moins 9 322 militaires, magistrats et policiers, auxquels il faut ajouter 15 200 employés de l’Education nationale ont fait l’objet d’une « procédure judiciaire », d’après le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus. On ignorait dans l’immédiat si ces personnes étaient comptabilisées dans les 48 800 personnes, un chiffre qui pourrait donc grimper.

Education, police, armée, et justice sont les plus durement frappés

Education. Le monde de l’éducation paye le plus lourd tribu avec 38 500 personnes limogés, dont 15 200 fonctionnaires du ministère de l’Education nationale qui font l’objet font l’objet d’une procédure judiciaire. Les missions à l’étranger des universitaires sont également interdites.

Police. La police est également durement frappée : 8 000 policiers ont été limogés et 6 000 placés en garde à vue.

Armée. L’armée, dont un groupe est à l’origine du coup d’Etat, voit 6 000 militaires placés derrière les barreaux. Sans compter les 118 généraux et amiraux placés en garde à vue, soit un tiers des 360 officiers de ces rangs.

Justice. La justice n’est pas épargnée : environ 3 000 juges et procureurs sont visés par un mandat d’arrêt. A noter que le vice-président de la Cour constitutionnelle a été également arrêté. Ce qui n’est pas anodin, lorsqu’on sait que cette Cour est censée examiner (avec le Parlement) l’éventuelle proposition de rétablissement de la peine de mort.

Médias. Enfin, dans les médias, 24 chaînes de télévision et de radio ont perdu leur licence d’émettre. Le Haut-conseil turc de la radio et de la télévision (RTÜK) a estimé que ces médias soutenaient le « FETÖ/PDY », acronymes désignant le mouvement de Gülen. 34 journalistes, considérés proches de ce religieux, ont également été privés de leur carte de presse. En mars dernier, le quotidien Zaman et l’agence de presse Cihan avaient été saisis et leur direction confiée à des administrateurs de l’Etat.

Bilan des purges (mercredi 20 juillet)

Limogées ou suspendus

Education

21 000 enseignants du secteur privé perdent leur licence et reçoivent interdiction d’exercer (Hürriyet/AFP) 15 200 employés de l’Education nationale sont renvoyés (également poursuivi par la justice, selon AFP), dont 95 rien qu’à l’université d’Istanbul (TRT) 1 577 doyens et recteurs d’universités publiques et rattachées à une fondation privée (Anadolu/AFP)

Ministères

9 000 fonctionnaires du ministère de l’Intérieur (dont 8 000 policiers) limogés (AFP) 500 fonctionnaires du ministère des Affaires religieuses (AFP) 200 (AFP) à 257 (Reuters/AP) agents des services du Premier ministre 100 agents du renseignement (Reuters)

Médias

34 journalistes ont perdu leur accréditation (Anadolu/AFP) 24 chaînes de télévision ont perdu leur licence d’émettre (Anadolu/AFP) Un nombre inconnu de journaux n’ont plus le droit d’émettre (Anadolu/AFP)

En prison

Armée : environ 6 000 militaires arrêtés

6 000 militaires (AFP) 118 généraux et amiraux (Anadolu)

Police et Justice : environ 10 000 personnes arrêtées (AFP)

6 890 policiers 2 854 juges et procureurs

Entre les mains de la justice

15 200 fonctionnaires de l’Education nationale (AFP) 9 322 (au moins) militaires, policiers ou magistrats (AFP)


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