Turquie : Echec du coup d’état militaire ! Erdogan renforcé

jeudi 21 juillet 2016.
 

Une tentative de putsch militaire a fait au moins 200 morts et 1150 blessés en Turquie. Alors que l’armée est entrée dans les principales villes du pays et a bombardé le parlement cette nuit, le gouvernement a annoncé que la « situation était sous contrôle » dans la matinée. Ankara et Istanbul n’avaient pas connu de telles scènes de guerre depuis des décennies.

- > D) Le coup d’Etat en Turquie a bien réussi (par Djordje Kuzmanovic, secrétariat exécutif national du PG)

- > C) Turquie : Vague d’arrestations parmi les militaires

- > B) Turquie. Après le putsch déjoué, Erdogan promet le nettoyage de l’armée

- > A) Putsch manqué en Turquie (Le Monde)

C) Le coup d’Etat en Turquie a bien réussi ((par Djordje Kuzmanovic, secrétariat exécutif national du PG)

(par Djordje Kuzmanovic, secrétariat exécutif national du PG)

B) Turquie. Après le putsch déjoué, Erdogan promet le nettoyage de l’armée

A) Putsch manqué en Turquie (Le Monde)

D) Le coup d’Etat en Turquie a bien réussi

(par Djordje Kuzmanovic, secrétariat exécutif national du PG)

https://blogs.mediapart.fr/djordje-...

Comme on l’annonce partout, hier la Turquie a vécu un coup d’Etat. Comme on l’annonce ; le coup d’Etat a avorté et l’ordre constitutionnel est revenu. La réalité est peut-être toute autre et Erdogan avance dans son projet de modification constitutionnelle en sa faveur.

Après observation des événements survenus en Turquie hier soir 15 juillet et les avoir recoupés avec des informations glanées ici et là je vous soumets quelques éléments d’analyse à chaud et une conclusion qui en découle :

Le coup d’Etat a été très court – factuellement moins de 6 heures.

Durant le coup d’Etat, aucun responsable politique du régime d’Erdogan ni aucun chef de la police n’a été arrêté par les putschistes. Seul a été arrêté le commandant en chef de l’armée.

Un seul coup (missile lancé d’un avion) a été tiré sur le lieu supposé où se serait trouvé Erdogan.

Les chars n’étaient pas appuyé par une infanterie conséquente et de facto ne représentent presque aucune menace en ville.

Les militaires ont peu de pertes (2 morts apparemment de leur côté – 47 du côté des forces spéciales). Ils ont globalement très peu combattu et se sont rendus très vite.

La « population » est descendue dans la rue spontanément en pleine nuit pour défendre le régime.

Depuis trois jours, les ambassades de France, des Etats-Unis, du Royaume-Uni sont fermées ou au ralenti. Sans que cela ait été justifié.

Déjà dans la nuit, la police – fidèle au régime – arrêtait des militaires (près de 3000 pour le moment). 5 généraux d’importance et 29 officiers supérieurs qui comptent ont également été arrêtés.

A 15h aujourd’hui, les divers responsables des partis politiques de Turquie passeront les uns à la suite des autres pour dénoncer le coup d’Etat et appuyer Erdogan et la « démocratie ». Toute contestation ou formulation de doute à ce moment sera bien entendu très dangereuse (Erdogan a plusieurs fois été près de lever l’immunité parlementaire des députés, en particulier ceux du HDP).

Bref, pour un coup d’Etat, en particulier de la très sérieuse armée turque, il n’est ni fait ni à faire. Pour le moins, c’est un coup d’Etat mal préparé et frappé d’amateurisme.

La base en ce domaine est de décapiter la tête du régime que l’on veut renverser. En général, avant de sortir les chars et les avions (et de se faire repérer), avec les conjurés les plus fidèles, les putschistes tentent d’arrêter un maximum de ministres, de décideurs, de commandants militaires et de police que l’on sait fidèles au régime.

Depuis ce matin, les communiqués de soutien pleuvent du monde entier en appui à Erdogan : « la démocratie est sauvée », préservation de l’ordre constitutionnel », « le chaos est évité dans la région », etc.

Mon analyse à chaud est que tout cela profite à Erdogan :

Il élimine la tête d’une armée traditionnellement kémaliste, qui ne lui est pas acquise et qui a laissé paraître cette année des velléités d’autonomie par rapport au régime en particulier depuis l’affaiblissement d’Erdogan sur la scène internationale.

Il met au pas l’opposition interne dans un contexte de vives tensions intérieures (sociales, économiques, politiques et même de guerre civile avec les Kurdes).

Il redore son blason au niveau international et s’offre à bon compte une image de défenseur de la démocratie (c’est mieux que celle de dictateur en herbe, d’associé de Daesh ou d’instigateur d’une guerre civile avec les Kurdes).

En conclusion, pour ma part il s’agit d’un faux coup d’Etat orchestré par Erdogan, l’AKP et les durs du régime.

Cela lui permettra de relancer son projet de modification constitutionnelle telle qu’il le rêve depuis longtemps mais ne parvient pas à réaliser en raison des résultats électoraux du HDP lors des deux scrutins législatifs.

Avoir relancé la guerre civile avec les Kurdes depuis l’attentat de Suruc n’aura pas suffit. Erdogan devrait maintenant pouvoir faire suffisamment pression et trouver le nombre de voix manquantes à son projet tout en continuant sa guerre contre les Kurdes au risque de déstabiliser encore un peu plus la région.

En fait, un putsch a bien eu lieu hier en Turquie... et il a réussi.

C) Turquie : Vague d’arrestations parmi les militaires

par Etienne Copeaux

http://www.susam-sokak.fr/2016/07/v...

Au total dans toute la Turquie 1576 militaires ont été arrêtés, 29 officiers et cinq généraux ont été démis de leurs fonctions.

Le détail des arrestations permet de mesure l’étendue du soulèvement. Ils est fourni par l’agence DHA, via bianet.org.

Au lycée militaire de Kuleli (situé sur le Bosphore, à Istanbul), 80 étudiants ont été arrêtés, soupçonnés de participation au coup. Une partie s’était rendue à la police dans la nuit, les autres ont été appréhendés au Lycée.

A Polatlı (près d’Ankara), le général Murat Aygün, commandant la 58e brigade d’artillerie, a été arrêté en même temps que 118 gradés.

A Izmir, arrestation de treize gradés, officiers, sous-officiers ainsi que le général Memduh Hakbilen, chef d’état-major de l’armée de l’Egée. Ils ont été confiés à la direction de la lutte anti-terroriste de la Sûreté d’Izmir.

Kocaeli (ouest de la Turquie, base navale très importante) : arrestation de 23 chefs de chars et 13 marins. Deux amiraux qui avaient été faits prisonniers par les putschistes ont été libérés par la police.

Hatay (Antakya, centre-sud de la Turquie, à la frontière syrienne) : six militaires se trouvant dans un avion-cargo en provenance de Kayseri ont été arrêtés. Le général Hasan Polat, commandant du 39e régiment d’infanterie mécanisée, a été également arrêté.

Kayseri (centre Anatolie) : on apprend que le colonel d’aviation Erhan Baltacıoğlu, qui faisait partie du commandement de la 12e unité de transports aériens de Kayseri, et qui était responsable de l’exécution du putsch dans cette ville, avait, à l’insu de ses supérieurs, fait décoller six avions de transport. On rapporte que, alors que les choses tournaient mal, il s’était enfermé dans sa chambre et avait donné l’odre de ne pas le frapper à ses subordonnés venus l’arrêter.

Mersin (côte sud, près d’Adana) : arrestation de l’amiral Nejat Attila, commandant de la garnison de Mersin et de la région militaire Méditerranée. L’ancien directeur de la sûreté Hasan Basri Dağdelen est également parmi les arrêtés ; il avait le visage en sang lors de son appréhension.

Adana (côte sud) : arrestation de deux colonel et deux hommes de troupe.

Bursa (ouest) : arrestation du colonel Yurdakul Akkuş, commandant de la gendarmerie du département de Bursa, d’un lieutenant, quatre sous-officiers, et deux sergents spécialistes.

Hakkari (sud-est, Kurdistan turc) : arrestation du colonel Demiray Demirci, commandant de la gendarmerie du département de Hakkari, sur demande du ministère de l’Intérieur.

Urfa : arrestation d’ « un gradé » et du général commandant la 20e brigade blindée d’Urfa.

De même à Bitlis (Kurdistan turc), arrestation du général Arif Serdar Afşar, comandant de la 10e brigade de commandos spécialisés.

Erzincan (sud-est, Kurdistan turc) : arrestation du général Ekrem Çağlar, chef d’état-major de la 3e armée.

Ardahan (extrême est) : général Erdem Kargın, commandant de la 25e brigade de protection des frontières.

Trabzon (est de la côte pontique) : arrestation du colonel Bahadır Dalgıç, commandant en second de la 4e brigade motorisée.

B) Turquie. Après le putsch déjoué, Erdogan promet le nettoyage de l’armée

Des militaires, avec des chars d’assaut et des avions de chasse, ont tenté un coup d’Etat pendant la nuit de vendredi à samedi dans les villes d’Istanbul et d’Ankara en Turquie. Erdogan semble avoir repris le contrôle, les autorités ont arrêté plus de 1500 membres des forces armées. Au moins 104 personnes ont été tuées et plus de 1150 blessées, au cours de véritables scènes de guerre. Les putschistes accusent le président de porter atteinte à la démocratie et à la laïcité.

Des putschistes de l’armée ont tenté de prendre le pouvoir en Turquie avec des avions de chasse et des chars, entraînant samedi une violente riposte d’Ankara et le retour précipité de vacances du président Recep Tayyip Erdogan, qui semble avoir repris la main. Les groupes de soldats qui avaient pris position dans des endroits stratégiques déposent un à un les armes et se rendent.

Les affrontements, qui ont donné lieu à des scènes de violences inédites à Ankara et Istanbul depuis des décennies, ont fait au moins 90 morts, dont de nombreux civils, et plusieurs centaines de blessés a annoncé un responsable turc. 1500 militaires ont été arrêtés, dont cinq généraux et 29 colonels, selon l’agence progouvernementale Anadolu. Après que son Premier ministre Binali Yildirim a assuré que tout était "largement sous contrôle", le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré samedi avant l’aube qu’il "y a en Turquie un gouvernement et un président élus par le peuple" et que "si Dieu le veut, nous allons surmonter cette épreuve".

Accueilli à l’aéroport d’Istanbul en provenance de Marmaris (ouest) par une foule compacte de sympathisants, Erdogan a adopté une attitude de défi, prédisant l’échec de la rébellion et assurant qu’il continuerait à assumer ses fonctions "jusqu’à la fin". "Ceux qui sont descendus avec des chars seront capturés car ces chars ne leur appartiennent pas", a ajouté le président. Il a félicité les Turcs pour être descendus "par millions" dans les rues, notamment sur l’emblématique place Taksim à Istanbul, noire de manifestants conspuant les putschistes.

Dans la nuit, des militaires ont fait irruption au siège de la TRT, la télévision publique, dont un présentateur a lu un communiqué accusant le gouvernement de porter atteinte à la démocratie et à la laïcité. Le pays sera dirigé par un "conseil de paix" qui garantira la sécurité de la population, a-t-il poursuivi, annonçant l’instauration d’un couvre-feu national et de la loi martiale.

La TRT a ensuite cessé d’émettre mais les émissions ont repris aux premières heures de samedi après ce que le personnel a qualifié de prise d’otages.

Des scènes de guerre

La situation était toutefois loin d’être réglée au petit matin, huit heures environ après l’annonce de la tentative de coup d’Etat. Un avion a largué tôt samedi une bombe près du palais présidentiel à Ankara, et des avions de chasse F-16 ont bombardé des chars de rebelles aux abords du palais présidentiel, a indiqué la présidence.

Samedi matin, des élus étaient toujours retranchés dans le Parlement, sur lequel des chars ont ouvert le feu. Selon l’un d’eux, le bâtiment a été touché par trois tirs, qui ont fait plusieurs blessés. D’après un officier, l’aviation a abattu un hélicoptère utilisé par les putschistes à Ankara et l’agence de presse Anatolie fait état de 17 policiers tués dans l’attaque de leurs locaux, toujours dans la capitale. D’autres appareils pris par les rebelles continuaient en outre à tirer et des avions ont été dépêchés pour les intercepter, selon le Premier ministre Binali Yildirim.

La tentative de coup d’Etat a débuté avec l’arrivée d’hélicoptères et d’avion de chasse dans le ciel d’Ankara, tandis qu’à Istanbul, des militaires fermaient l’accès aux deux ponts qui enjambent le Bosphore, dont l’un est toujours illuminé en bleu, blanc, rouge, en hommage aux victimes de l’attentat commis jeudi soir à Nice. Selon l’agence de presse Anatolie, le quartier général des services de renseignements a été visé.

Le trafic aérien a été momentanément interrompu dans tous les aéroports et les réseaux sociaux étaient inaccessibles. L’agence de presse Anatolie a par ailleurs annoncé que le chef d’état-major avait lui aussi été pris en otage au quartier général de l’armée, avant d’être libéré ce samedi matin.

Appel au calme

L’Union européenne (UE) a appelé samedi à un "retour rapide à l’ordre constitutionnel en Turquie", après la tentative de putsch, le président du Conseil européen Donald Tusk martelant que les difficultés persistantes du pays "ne pouvaient être résolues par les armes". Face à la tentative de coup d’Etat en Turquie, "l’UE soutient totalement le gouvernement démocratiquement élu, les institutions du pays et l’Etat de droit", ont asséné dans un communiqué commun Donald Tusk, le président de la Commission Jean-Claude Juncker, et la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini. Ces déclarations ont fait écho à d’autres responsables comme le président américain Barack Obama ou le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg, mais également à celles de plusieurs chefs d’Etat ou de gouvernement des 28. Le porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel a ainsi affirmé que "l’ordre démocratique doit être respecté en Turquie".

John Kerry a téléphoné à son homologue turc pour lui exprimer "le soutien absolu (des Etats-Unis) au gouvernement civil démocratiquement élu et aux institutions démocratiques". A Paris, le ministère des Affaires étrangères a plaidé pour le respect de "l’ordre démocratique". Le quai d’Orsay a en outre invité les Français présents en Turquie à ne pas sortir de chez eux.

L’Humanité

A) Putsch manqué en Turquie (Le Monde)

Qui sont les putschistes ? Combien sont-ils ? Que sait-on d’eux ?

Marie Jégo : on ne sait pas grand-chose des putschistes sinon que leur noyau dur était composé d’une cinquantaine d’officiers, pour la plupart issus de la gendarmerie et de l’armée de l’air. Selon le premier ministre, Binali Yildirim, 265 personnes ont perdu la vie lors de la tentative de putsch, dont 104 insurgés.

Une purge est en cours dans l’armée. 2 800 militaires ont été arrêtés samedi 16 juillet, dont 5 généraux et 29 colonels.

Le président Recep Tayyip Erdogan, lors de son retour à Istanbul à l’aube, a dit reconnaître la main de l’« Etat parallèle » dans le soulèvement, une expression qui désigne la confrérie religieuse du prédicateur Fethullah Gülen, un ancien allié de M. Erdogan devenu son pire ennemi.

Qui est Fethullah Gülen ? Qui sont les gülenistes ? Pourquoi sont-ils cités par Erdogan ?

Marie Jégo : Fethullah Gülen est le chef de la confrérie des Fethullahci (adeptes de Fethullah), un courant affilié au mouvement religieux sunnite Nurcu (« adeptes de la lumière »). Depuis l’époque ottomane, les confréries religieuses ou tarikat constituent un puissant maillage de la société civile. Démantelées par Atatürk en 1925, elles se sont maintenues dans la clandestinité pour resurgir sur le devant de la scène à la fin des années 1950.

Avec l’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002, ces ordres mystiques ont gagné un poids considérable, négociant leur soutien aux partis pendant les élections, réclamant des privilèges, se frayant un chemin au sein des institutions.

Appelés parfois « les jésuites de l’islam » , les Fethullahci à leur apogée ont créé des milliers d’écoles partout dans le monde (Afrique, Balkans, ex-URSS). L’enseignement n’était pas religieux, aucune tenue religieuse n’était exigée des enseignants.

En Turquie, le mouvement de Fethullah Gülen était très puissant, jusqu’à sa disgrâce en 2013. Longtemps, il a constitué une formidable réserve de voix pour le Parti de la justice et du développement (AKP) fondé par M. Erdogan. Grâce aux écoles, dortoirs, cours de renforcement, bourses créées par la confrérie, celle-ci n’a pas eu de mal à infiltrer les institutions étatiques, telles que la justice, la police, l’armée.

Le 17 décembre 2013, la brouille a éclaté entre les deux alliés avec le scandale dit des « écoutes téléphoniques ». La divulgation des conversations privées de plusieurs hauts responsables – dont M. Erdogan, à l’époque premier ministre – jeta une lumière crue sur la corruption au plus haut niveau de l’Etat. Suivie attentivement par les médias, l’affaire mit le gouvernement dans l’embarras. Le numéro un turc vécut cet épisode comme un coup de poignard dans le dos. Un peu à raison, car les conversations avaient été dévoilées avec la complicité de policiers membres de la confrérie. La justice se dépêcha de clore le dossier des écoutes et jeta son dévolu sur les lanceurs d’alerte. Ce fut le début du grand nettoyage contre les gülenistes, lequel n’a jamais faibli depuis. La confrérie a perdu ses écoles, ses holdings, ses médias et le prédicateur Gülen, réfugié aux Etats-Unis depuis 1999, a vu récemment la Turquie réclamer son extradition, en vain.

Les autorités turques parlent d’un « groupe de gülenistes ». Pourra-t-on réellement savoir si c’est bien le cas ou s’il s’agit plutôt d’utiliser un bouc émissaire commode ?

Difficile à dire dans le contexte d’étranglement des libertés. Des gülenistes dans l’armée ? Cela veut dire qu’ils auraient échappé à la vaste purge en cours contre ce courant religieux, mais c’est tout à fait possible. Il faut espérer que toute la lumière soit faite sur ce soulèvement mais pour l’heure “l’Etat parallèle” (le nom donné à la confrérie de Gülen par les partisans d’Erdogan) est accusé de tous les maux.

En avril, un haut gradé avait publiquement réclamé que l’armée soit nettoyée de ses éléments gülenistes. A la suite de cet appel, l’état-major avait publié un communiqué inédit puisque les militaires y disaient qu’ils n’allaient pas fomenter de putsch, qu’ils ne souhaitaient pas se faire instrumentaliser par le pouvoir politique. A l’époque, ce communiqué semblait totalement hors de propos. Il faut dire que les putschs de l’armée en Turquie sont une vieille habitude (1960, 1971, 1980), mais qu’à chaque fois l’armée était unie dans son désir de renversement des gouvernements en place. Cette fois-ci, les militaires sont apparus divisés, les putschistes étaient en minorité.

Comment l’armée, qui dispose a priori d’un pouvoir logistique certain, n’a-t-elle pas réussi ce coup : y a-t-il eu des soutiens aux putschistes dans la population ? Ou au contraire, un soutien massif pour Erdogan ?

Marie Jégo : les insurgés ont échoué car ils n’étaient qu’une minorité, certes dotée de moyens importants mais visiblement très mal préparés. Comme certains d’entre eux venaient de l’armée de l’air, ils avaient accès aux hélicoptères de combat dont ils ont fait usage pour mitrailler les bâtiments officiels, surtout à Ankara. Mais très vite, ils ont perdu les pédales, se sont déchaînés dans la violence.

En publiant leur communiqué sur le site de l’état-major vendredi soir 15 juillet aux premières heures du putsch, les insurgés disaient que l’armée avait pris le contrôle du pouvoir politique, laissant entendre que l’armée dans son intégralité était impliquée. Les Turcs ont alors pensé qu’il s’agissait d’un putsch comme en 1980, quand les militaires étaient unis derrière leur chef pour renverser le gouvernement. Lors du soulèvement qui a duré sept heures dans la nuit de vendredi à samedi, les putschistes ont eu recours à la violence aveugle, tirant sur une foule qui manifestait en faveur d’Erdogan sur un des ponts qui enjambe le Bosphore ou encore tuant 17 policiers des forces spéciales à Ankara. Les gens ont dit non au bain de sang.

Peut-on penser que cette tentative de coup d’Etat va d’abord servir à renforcer le président Erdogan ? Et qu’il pourrait avoir orchestré cette opération ?

Marie Jégo : de fait, Recep Tayyip Erdogan ressort auréolé de cette tragique tentative de putsch mais il n’a pas besoin de ça pour légitimer sa présidence, la moitié de l’électorat lui est favorable. Les kémalistes du Parti républicain du peuple (CHP) mais aussi le parti prokurde HDP, qui forment l’opposition et que l’on ne peut soupçonner de sympathie pour l’homme fort de Turquie, se sont tous deux prononcés contre le putsch. Comme en Turquie les partisans de la théorie du complot sont légion, cette lecture des événements sera certainement évoquée.

12 septembre 1980 : Coup d’état militaire en Turquie


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