Tribunal Pénal International pour Bush, Rumsfeld, Blair, Powell, Cheney...

samedi 9 juillet 2016.
 

A) Tribunal Pénal International pour Bush, Rumsfeld, Blair, Powell, Cheney

Le rapport Chilcot rendu public (enfin) ce 6 juillet 2016 :

- établit que les preuves avancées pour justifier l’invasion de l’Irak n’étaient pas avérées.

- dit que Blair n’avait pas épuisé les recours de résolution pacifique de la situation irakienne avant d’envoyer les troupes en collusion avec les USA.

- conclut que, ce faisant, les US et le RU ont sapé l’autorité de l’ONU.

- rejette l’excuse de Blair selon laquelle il était impossible de prévoir les conséquences de l’invasion de l’Irak (au bas mot 150000 civils tués). Et d’enfoncer le clou : "ces conséquences étaient prévues"

- Dit que Blair avait été prévenu des risques terroristes consécutifs à la dissémination d’armes dans la région.

- termine en disant qu’il n’y avait nul besoin de partir en guerre en Irak en mars 2003.

B) Rapport Chilcot : "Tony Blair est un criminel de guerre"

La guerre en Irak, de 2003, était mal préparée, pas nécessaire et uniquement au service des alliés américains. Le rapport Chilcot affirme que la base légale qui a engagé la Grande Bretagne dans la guerre, par la décision de Tony Blair, était "loin d’être acceptable".

"Nous avons conclu que le Royaume-Uni avait décidé de se joindre à l’invasion de l’Irak avant que toutes les alternatives pacifiques pour obtenir le désarmement (du pays) ne soient épuisées. L’action militaire n’était pas inévitable à l’époque", a déclaré John Chilcot, président de la commission éponyme, en présentant les conclusions de son rapport ce mercredi.

Commandé en 2009 et agrégeant les conclusions de l’audition de 120 témoins dont celle de Tony Blair et de son successeur Gordon Brown, ce rapport qui devait initialement être rendu dans un délai d’un an est lui-même devenu controversé au fil des reports.

Résumé des conclusions du rapport

Le 28 juillet 2002, soit huit mois avant l’invasion de l’Irak, Tony Blair écrit au président américain George Bush pour lui assurer qu’il serait avec lui "quoi qu’il arrive". Le premier ministre n’a pas non plus "insisté auprès du président Bush pour obtenir des assurances fermes sur les plans américains". "En 2003, il n’y avait pas de menace imminente de Saddam Hussein. La stratégie de confinement pouvait continuer pour un certain temps". "Nous avons conclu que le Royaume-Uni avait choisi de se joindre à l’invasion de l’Irak avant que les options pacifiques pour un désarmement aient été épuisées. L’intervention militaire n’était alors pas l’ultime recours". "Il est maintenant clair que la stratégie en Irak a été conçue sur la base de renseignements et d’estimations déficientes. Elles n’ont pas été critiquées, et elles auraient dû l’être". "Les conclusions sur la gravité de la menace posée par des armes de destruction massive irakiennes ont été présentées avec une certitude qui n’était pas justifiée".

Le gouvernement a échoué à prendre en compte l’ampleur de la tâche nécessaire pour stabiliser, administrer et reconstruire l’Irak et les responsabilités qui allaient incomber au Royaume-Uni". "Le gouvernement n’était pas préparé pour le rôle dans lequel le Royaume-Uni s’est retrouvé à partir d’avril 2003. La plus grande partie de ce qui s’est mal passé à partir de là a pour origine ce manque de préparation". Le rapport constate aussi que les ressources militaires engagées ont été faibles et inadaptées. "Nous avons trouvé que le ministère de la Défense s’était montré lent à répondre à la menace présentée par les engins explosifs improvisés et que les retards enregistrés pour fournir les engins de patrouille blindés adéquats n’auraient pas dû être tolérés".

Vers une action en justice ?

Le nom des 179 soldats britanniques morts pendant l’intervention britannique, entre 2003 et 2009, au cours de laquelle 45.000 Britanniques au total ont été engagés, ont été égrenés lors de la présentation du rapport. "Blair a menti, des milliers de personnes sont mortes", criaient les manifestants rassemblés à l’appel de la coalition Stop the War devant le bâtiment. Certains avaient enfilé un masque à l’effigie de l’ancien Premier ministre et s’étaient peint les mains en rouge. "Tony Blair est un criminel de guerre", Michael Culver, un retraité de 78 ans qui appelle à la tenue d’un procès de "Nuremberg" pour les responsables politiques britanniques. Plus tôt, des manifestants avaient déjà brandi une grande banderole proclamant "Blair doit être poursuivi pour crimes de guerre", devant le domicile de l’ancien Premier ministre.

Les avocats des familles de 29 des soldats morts en Irak ont indiqué qu’ils allaient éplucher le rapport. "Il pourrait servir de base à une action en justice contre Blair, ses ministres ou le gouvernement en général".

L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair a exprimé mercredi sa "peine", ses "regrets" et ses "excuses". "C’était la décision la plus difficile que j’ai jamais prise (...) je l’ai prise de bonne foi. J’en endosse l’entière responsabilité. J’exprime ma peine, mes regrets et mes excuses", a déclaré l’ex-chef du gouvernement, visiblement ému, lors d’une conférence de presse à Londres.

C) Tony Blair rattrapé par ses mensonges sur la guerre en Irak

par Thomas Lemahieu, L’Humanité

Après une enquête longue de sept ans, la commission dirigée par John Chilcot a rendu hier un rapport de 6 275 pages qui dresse l’acte d’accusation de l’ex-premier ministre travailliste, à l’époque de son alliance exclusive avec Bush.

Ils avaient fini par ne plus y croire. Beaucoup n’en attendaient plus rien. Un peu d’eau tiède, au mieux, sur les torrents de sang versés en Irak  : le sang de 179 soldats britanniques morts là-bas entre 2003 et 2009, mais aussi celui des dizaines de milliers de civils morts dans cette guerre, voulue par George W. Bush et Tony Blair, qui a semé le chaos dans tout le Moyen-Orient. À Londres, en fin de matinée, hier, plus de sept ans après le lancement de l’enquête dirigée, pour le compte du gouvernement britannique, par le haut fonctionnaire John Chilcot sur l’engagement du Royaume-Uni dans la guerre en Irak, certains membres des familles de soldats tués sur place avaient même décidé de boycotter la présentation officielle. Le mouvement anti-guerre avait préparé un petit rassemblement, craignant une opération permettant de blanchir l’ex-premier ministre fauteur de guerres que, dans un jeu de mots collisionnant « Blair » et « liar » (« menteur »), ils appellent « Bliar » sur leurs pancartes.

Au bout du compte, pourtant, et contre toutes leurs attentes, ils n’ont pas été déçus. Rendu public hier, le rapport Chilcot, une somme monumentale de 6 275 pages, avec des mémos déclassifiés et des rapports des services secrets, s’avère, en creux, un réquisitoire précis et étayé contre Tony Blair. De quoi, comme beaucoup l’espèrent, ouvrir enfin le chemin vers un procès en tant que « criminel de guerre ». Rose Gentle, mère d’un soldat de 19 ans mort en Irak, lance  : « Maintenant, nous pouvons passer à la suite, constater que nous avons les preuves. Cela valait le coup de se battre pendant douze ans. Nous savons où nous en sommes et ce que nous pouvons faire. Tony Blair doit maintenant être traîné devant une cour de justice pour meurtres en série. Cette fois, il ne pourra plus se défiler. »

Les mensonges, manipulations et omissions de Tony Blair

Lors de la présentation du rapport de la commission qu’il a présidée, John Chilcot a pointé, en termes diplomatiques certes, tous les mensonges, les manipulations et les omissions de Tony Blair, de l’armée et des services secrets pour embarquer le Royaume-Uni dans l’aventure militaire décidée par le président américain après les attentats du 11 Septembre. À l’époque, les Américains cherchent, nul ne l’a oublié, à convaincre la communauté internationale du péril  : selon eux, Saddam Hussein dispose d’armes de destruction massive. Et dans cette vaste entreprise de propagande, Tony Blair n’hésite pas à donner un coup de main décisif aux alliés des États-Unis. Dans un mémo daté de juillet 2002, publié en annexe du rapport Chilcot, le premier ministre travailliste du Royaume-Uni s’adresse directement à George W. Bush  : « Je serai avec toi, quoi qu’il arrive », promet-il. Folie des grandeurs chez Blair, selon la commission qui a enquêté sur ces sombres années  : selon Chilcot, le dirigeant britannique a « surestimé sa capacité d’influencer les décisions américaines en Irak ». Et d’ajouter que, selon lui, le Royaume-Uni devrait pouvoir exprimer des désaccords avec les États-Unis, sans tomber dans un « soutien inconditionnel » comme à l’époque.

Le rapport pourrait pousser l’ancien dirigeant devant les tribunaux

Dans le bras de fer engagé notamment avec la France devant le Conseil de sécurité des Nations unies (ONU), Blair et Bush prétendaient en chœur que l’obstruction de Chirac et Villepin sapait l’autorité de l’institution, mais, pour Chilcot, c’est exactement le contraire  : « Ce sont les Américains et les Britanniques qui ont sapé l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU car ils pressaient pour engager les opérations militaires, alors que toutes les alternatives pacifiques n’avaient pas encore été examinées... » Dans le rapport, Blair est accusé d’avoir utilisé, malgré une série d’avertissements extrêmement précis l’invitant plutôt à la prudence, des rapports des services secrets sur les fameuses « armes de destruction massive » – qui n’ont jamais été trouvées – « avec une assurance qui n’était absolument pas justifiée ». « Il est à présent évident que la politique vis-à-vis de l’Irak a été fondée sur des renseignements et sur des considérations biaisées, accuse John Chilcot. Ils n’ont pas été remis en question comme ils auraient dû l’être. » Au bout du compte, « on ne peut pas dire que le rôle militaire du Royaume-Uni ait été un franc succès », euphémise-t-il

Escamotage des éléments avertissant des conséquences potentiellement désastreuses d’une invasion militaire, prise de décisions en dehors de tous les cadres démocratiques, sans guère de consultation au sein du gouvernement et moins encore du Parlement, etc. Le rapport Chilcot pourrait pousser l’ex-premier ministre britannique vers les tribunaux et, peut-être, même si évidemment la procédure est loin d’être acquise, devant la Cour pénale internationale de La Haye (Pays-Bas). Les auteurs du rapport publié hier avancent sur cet aspect avec une extrême prudence. « Nous ne livrons aucune opinion sur la légalité de l’intervention militaire en Irak, prévient John Chilcot, mais ce qui est sûr, c’est que les conditions dans lesquelles il a été décidé que cette intervention avait une base légale sont loin, très loin, d’être satisfaisantes. »

Réagissant à la publication du rapport Chilcot, Tony Blair a poursuivi en niant toutes les évidences. À propos de l’engagement dans la guerre, l’ex-premier ministre travailliste évoque « la décision la plus difficile que j’aie jamais prise ». « J’en endosse l’entière responsabilité. J’exprime ma peine, mes regrets et mes excuses », a-t-il ensuite déclaré devant la presse. Mais il insiste  : si Saddam Hussein était resté au pouvoir, « il aurait continué à constituer une menace pour la paix dans le monde », estimant que « le monde est meilleur et plus sûr » depuis sa chute et niant que l’intervention en Irak ait augmenté la menace terroriste. Mais même le député travailliste Frank Field, qui n’est pas un partisan de Jeremy Corbyn (lire ci-dessous), réclame des excuses de la part de Tony Blair. « Ce qui est clair désormais, c’est la totale incompétence de Tony Blair quand il a lancé la guerre, accuse-t-il. Il n’avait pas de plan pour le jour d’après la chute du régime. Cette gigantesque erreur politique a coûté la vie à des dizaines de milliers d’Irakiens et à 179 soldats britanniques. » Face aux dénégations de Blair, Jeremy Corbyn, son successeur à la tête du Labour, mais sur une ligne diamétralement opposée, attaque, reprenant mot pour mot les conclusions de la commission  : « Comme l’a dit sir John Chilcot, la guerre n’était pas le dernier recours. Franchement, il s’agissait d’un acte d’agression militaire lancé sous un faux prétexte, comme le dit la commission d’enquête. » Pour lui, « il y a beaucoup de leçons à tirer de la guerre en Irak. Parmi elles, il y a la nécessité d’une relation plus ouverte et plus indépendante avec les États-Unis et celle de fonder la politique étrangère sur le respect du droit international et l’autorité des Nations unies. » Une manière pour Corbyn de tourner définitivement le dos à cette politique étrangère militariste et totalement calquée sur les intérêts des grandes puissances.


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