Entre le PCF et Mélenchon, encore quelques degrés de séparation

mardi 28 juin 2016.
 

À Paris, entre Stalingrad et Aubervilliers, il y a un canal. Ce dimanche 5 juin, sur la place, Jean-Luc Mélenchon tenait son premier meeting de la campagne 2017. À l’autre bout, Pierre Laurent mangeait des moules en l’honneur du Front populaire. Que signifie cette étendue d’eau ? Une voie navigable, un lien possible ? Un fossé infranchissable ? On y voit (un peu) plus clair à l’issue de ce dimanche où les frères ennemis du Front de gauche se sont toisés à distance.

L’autre solution de Pierre Laurent

Le PCF clôturait de manière festive son congrès. Pierre Laurent pouvait souffler avec ses camarades : il venait d’être largement réélu pour son dernier mandat de secrétaire national. La direction nationale était-elle même validée par les congressistes au terme d’une fusion des listes : celle de la majorité et celle affirmant l’objectif de rassembler la gauche radicale – sans blanc-seing de cette dernière.

La direction du Parti communiste a donc l’imprimatur des militants pour tenter de faire émerger l’autre solution dont rêve Pierre Laurent : un candidat rassemblant toute la gauche "non-hollandaise". Officiellement, la porte n’est donc pas fermée pour Jean-Luc Mélenchon. Mais le PCF veut le voir entrer dans un cadre collectif allant de la gauche de gauche jusqu’aux "frondeurs" du Parti socialiste.

Comme le reconnaît lui-même Pierre Laurent, le pari est audacieux tant la faisabilité paraît aléatoire : les frondeurs, très présents au congrès, continuent de plaider pour une primaire du PS – avec Hollande. Cécile Duflot affirme, elle, vouloir une candidature écologiste autonome. Le choix du congrès en faveur du vote "oui" à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes compliquant encore l’objectif stratégique énoncé par ailleurs… Pierre Laurent, dans un discours fleuve de plus d’une heure, a conclu le congrès par un vibrant appel aux électeurs socialistes pour qu’ils refusent de faire de Hollande leur candidat. Solferino les entendra-t-il ?

La "révolution citoyenne" de Mélenchon

À une encablure de là, Jean-Luc Mélenchon délivrait une toute autre musique devant 10.000 personnes. Son axe central ne portait pas sur le ralliement des socialistes déçus, mais sur la mobilisation des quatre millions d’électeurs de 2012… fois deux ! Il en appelait aux lutteurs. Ceux des mouvements sociaux d’abord. Les opposants à la loi El Khomri, les Goodyear et les salariés d’Air France. Mais au-delà de ces idées partagées par toute la gauche sociale, Jean-Luc Mélenchon a développé un discours renouvelé sur les transformations révolutionnaires de l’époque. Rompant avec la tradition, il parla peut-être davantage du travail que de l’emploi, faisant une large place au contenu même des métiers, à la souffrance au travail, à la bureaucratisation du travail.

Il enchaînait avec des idées neuves sur la conquête du temps, le temps long du bel ouvrage, du travail, de la création, de la démocratie et de la réversibilité. Il ne manquait pas d’amplifier ce qui devient son marqueur : la mutation écologique. Jean-Luc Mélenchon assèche l’espace d’une candidature écologiste autonome en insérant la perspective écolo dans une vision révolutionnaire pacifiste et démocratique. Il donne un sens global et non seulement social à sa visée, la révolution citoyenne.

Pierre Laurent cherche un candidat susceptible de faire pont entre tous les combats, qui ne clive pas et qui rassemble. Jean-Luc Mélenchon est toujours aussi bouillonnant, mais il bénéficie d’une expérience partagée depuis cinq ans. Crise de l’Europe, crise démocratique, consciences nouvelles des transformations radicales du monde… il peut déployer son discours sans heurter son auditoire. Détermination et rassemblement : avec quelques coups de rame et vents favorables, le canal Saint-Denis prendrait rétrospectivement le sens d’un trait d’union.


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