Quand la n°2 de la CFDT m’est opposée pour parler des provocations de Pierre Gattaz

jeudi 23 juin 2016.
 

- B) Invité de BFM TV : sur les provocations de Gattaz
- A) Le mépris de classe de Pierre Gattaz

B) Invité de BFM TV : sur les provocations de Gattaz

J’étais l’invité de BFM TV pour réagir aux provocations de Pierre Gattaz dans Le Monde, que j’ai dénoncé dans un précédent billet. Curieusement, face à moi il y avait également invitée une représentante de la CFDT. Il eut été logique que ce soit plutôt un représentant du Medef, non ? De manière générale, je me refuse de polémiquer publiquement avec des représentants syndicaux de salariés. Ce n’est pas mon rôle. Mais, je dois avouer qu’hier soir j’ai été choqué par l’attitude de la représentante de la CFDT qui s’est permis dire que « les mobilisations ne prennent pas » car « les gens commencent à comprendre que cette loi protègent les salariés ». Des syndicalistes ne devraient pas parler ainsi. Un tel culot est même assez incroyable alors que les grèves se généralisent dans beaucoup de secteurs et que toutes les études d’opinions attestent que près des 2/3 des français demandent encore le retrait de cette loi malgré les évidents désagréments qu’entrainent les grèves dans les transports.

Ensuite, ma contradictrice (que l’on présente comme la numéro 2 de la CFDT) a déclaré « Si il y a un point commun entre le Medef et la CGT, c’est que l’un et l’autre s’oppose à la loi. Les extrêmes se confortent. » Je dois avouer que je suis sidéré qu’un syndicat de salariés mettent en signe égal entre un autre syndicat de salariés (ici qualifié comme « extrême ») et le patronat qui le jour même injurie l’action syndicale en des termes que la même représentante de la CFDT n’a pu que condamner tellement ils étaient outranciers. Mais trois minutes après cette condamnation verbale, elle met en signe égal entre la CGT et le Medef. Sidérant.

De plus, soyons franc, dire que le Medef est opposé à la loi impulsée par Myriam El Khomri est incroyable. Une pure astuce politicienne. Si on lit l’interview de M. Gattaz dans le Monde on lira bien qu’il réclame le maintien mordicus de l’article 2 de la loi (qui est le coeur de la bataille) et qu’ensuite il tempête en prétendant que cette loi laisse encore trop de droits à la CGT ou à FO. La part de mise en scène est ici bien entendu flagrante. L’outrance de M. Gattaz sert de prétexte au gouvernement pour faire croire que finalement sa loi est moins ultra qu’on ne le dit et qu’elle défend une position médiane entre patrons et salariés… la ficelle est grosse.Une syndicaliste d’expérience ne peut l’ignorer.

Ma contradictrice a même également affirmé que la loi El Khomri offrait « des droits nouveaux dans les entreprises » notamment les travailleurs des « plate formes ». Sur ce point précis, je renvoie à la tribune corédigée et publiée par ma camarade Danielle Simonnet à propos des chauffeurs de taxi.

Je la cite : « dans la dernière version imposée à l’Assemblée nationale à coup de 49-3, le lobbying des prédateurs de l’économie dite faussement collaborative, a visiblement rencontré un écho encore plus favorable. Via trois amendements de deux députés PS, Christophe Caresche et CatherineTroallic, un nouvel article, le 27 bis, a été introduit. Cet article décrète que les chauffeurs travaillant avec et pour les plateformes type Uber, nommés "travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique" sont carrément définitivement exclus du Code du travail qui ne leur sera donc pas applicable. »

C’est donc exactement l’inverse de ce qui a été affirmé sur le plateau de BFM par la représentante de la CFDT. Le projet de loi gouvernemental dans sa dernière version, ne protège pas les salariés des plate-formes.

Enfin pour finir, parmi d’autres idées, pour offrir une issue démocratique au conflit, j’ai proposé que le gouvernement fasse un référendum national pour savoir si nos compatriotes sont pour ou contre cette loi. Je n’ai pas bien compris la position de la contradictrice un peu déstabilisée manifestement, qui a dit d’abord qu’elle était d’accord, pour ensuite dire qu’elle voulait uniquement un référendum dans les entreprises, ce qui est une façon d’interdire aux jeunes, aux chômeurs, aux retraités… bref à l’ensemble de la population de se prononcer sur une loi aux conséquences si importante sur la vie de chacun. Dommage. Il ne faut jamais craindre le peuple.

A) Le mépris de classe de Pierre Gattaz

rtr4glfm.jpgBienvenu dans le monde du mépris des puissants. Leur arrogance est sans limite, inépuisable, incontrôlable… Après l’épisode pitoyable du « costard » de la part d’Emmanuel Macron ce week-end, voici l’égoïsme de classe agressif de Pierre Gattaz en pleine page d’un quotidien du soir. Depuis le début du conflit social contre la loi El Khomri, le flux d’insultes contre les organisations syndicales et la CGT en particulier ne cesse d’augmenter jour après jour. On se croirait au 19e siècle. « Classe laborieuse, classe dangereuse » sert une nouvelle fois de fil conducteur à la pensée simpliste de commentateurs qui canonnent allègrement contre les grévistes. A force, on s’y habitue presque. Mais, un nouveau cap est franchi aujourd’hui avec Pierre Gattaz, Président du Medef, qui injurie sans retenu l’organisation syndicale dirigée par Philippe Martinez, en pleine une de Monde en ces termes : « Ils se comportent comme des voyous ». Oui, il a osé.... et comme on le dit dans les films d’Audiard, les types comme lui, cela osent tout et c’est même à cela qu’on les reconnait.

Ainsi, dans une pleine page d’interview délirante, débordant d’un sectarisme anti-syndical époustouflant, Pierre Gattaz crache sa haine contre le premier syndicat de travailleurs français. On croirait entendre la famille Grégoire, qui possède les mines, dans le célèbre roman Germinal de Emile Zola. Pour ceux qui doutent de l’existence de la lutte des classes en 2016, lisez cet article. Il rafraichit la mémoire. A lire Gattaz, la CGT serait responsable de « blocages », « chantage », « violences », « intimidation », « terreur ». Le syndicat se comporterait non seulement comme « des voyous » mais aussi comme « des terroristes »…. Oui, vous avez bien lu. Il traite les militants syndicaux de « terroristes ». Pour lui, la CGT utiliserait « des méthodes qui bafoue la loi républicaine ». Rien que cela. Et à ses yeux, la grève qui a empêché la sortie de la plupart des quotidiens jeudi relève d’« une dictature stalinienne ». Bigre ! Je pourrai continuer la liste, selon M. Gattaz la présence de salariés de la SNCF ou de EDF sur des piquets de grève est « illégale »… Il enfonce le clou dans une formule grotesque : « Le sigle CGT est égal à chômage ».

Bien sûr, cette outrance ridiculise Pierre Gattaz. Mais, elle est inquiétante pour les jours qui viennent. Elle annonce une violente confrontation sociale. Classe contre classe annonce le patronat. Nous ne lâcherons rien, semble-t-il prévenir. Cette tribune est le cri de rage des possédants contre la colère populaire. Elle dénote d’un étroit esprit de classe de la part de ce patron qui, une nouvelle fois mais avec une violence rare, méprise profondément toute action syndicale et actions de grève qui sont pourtant reconnues sur le plan constitutionnel et protégées par des conventions internationales. Comment Gattaz peut-il se sentir autorisé d’aller aussi loin ? C’est sans doute parce qu’il écoute la TV et lis les journaux où les éditos les plus injurieux qui se succèdent contre la mobilisation. Du gouvernement au FN, en passant par la droite, les injures et calomnies pleuvent et des éditocrates « allument » tous les matins les salariés en lutte. Parmi ces vaches sacrées de l’insulte, Christophe Barbier occupe une bonne place sur I Télé (et il n’est pas le seul !), écharpe rouge autour du cou, mais haine du rouge dans la bouche.

Oui, ce mépris patronal fait échos à celui du gouvernement. L’un n’existerait pas sans l’autre. Et un gouvernement républicain aurait dû recadrer immédiatement le Président du Medef et exiger des excuses. Peine perdue, bien sûr. Ils pensent la même chose. Ils puisent au même source d’inspiration. On s’en souvient, devant la représentation nationale, Manuel Valls fut le premier à parler d’une « radicalisation » à propos de la CGT, reprenant là consciemment un terme beaucoup utilisé dans l’imaginaire collectif pour qualifier les illuminés meurtriers qui avaient ensanglantés notre pays quelques mois auparvant. La ministre Myriam El Khomri elle aussi a cru malin de décrire les grèves comme une prise « en otage du pays ». Et je passe sur les sottises répétées anti CGT du vulgaire Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement (dont on a vu le brillant résultat avec le 49 3) et très longtemps biberonné par l’argent des étudiants de la MNEF.

Toutes ces agressions verbales sont accompagnées des mêmes mots venant du Front National où là aussi des communiqués dénoncent « les blocages et la prise en otage des Français par la CGT sont inacceptable ». On y répéte les même absurdités que celles du Medef :« Ne rassemblant plus que 2,6% des salariés, la CGT se radicalise à mesure que sa représentativité s’écroule ». Avare de déclarations dans ce confit, Marine Le Pen s’est tout de même sentie obligée de dénoncer la « lourde responsabilité des syndicalistes dans la situation de blocage actuelle ».

Depuis, MM. Fillon, Sarkozy et autres prétendant à la primaire de droite sont également venus dans les médias insulter les organisations syndicales, ciblant particulièrement M. Philippe Martinez et la CGT. Je dois dire que plus ces attaques se multiplient, plus je me sens solidaire de M. Martinez, de ces camarades et de tous ceux qui manifestent et luttent pour le retrait de la loi El Khomri. Pas vous ?

Je ne m’attarderai pas sur l’extrême droite (qui historiquement déteste les salariés qui s’organisent comme classe sociale et non comme ethnie) ni sur cette droite déboussolée qui voit son avenir politique dans la surenchère réactionnaire tant sur le plan social que sociétal. Quand au gouvernement Valls, j’en ai déjà parlé. Je reviens sur le cas Gattaz. Il est caricatural. Aujourd’hui, le sigle MEDEF est égal à égoïsme… de classe. Le silencieux Gattaz devant les salaires exorbitants des grands patrons, devant les plans de licenciements abusifs, devant les bénéfices accumulés par une poignée de natifs... pète les plombs devant l’action syndicale. Qui exigera que cet homme, ce fils à papa (qui a hérité de l’entreprise de son père Yvon, déjà président du CNPF ancêtre du Medef), s’excuse enfin devant les français sur les mensonges qu’il a professés ces dernières années ?

Le « voyou », c’est lui ! Le « radicalisé » c’est lui ! Le « stalinien » qui veut faire taire toute opposition et qui trouve normal que seulement 9 milliardaires possèdent quasiment toute la presse française, c’est lui ! Celui qui fait des « chantages », c’est lui ! Le « responsable du chômage », c’est lui ! Le « gorgé d’argent public » et bien peu représentatif, c’est lui ! Lui, qui a réclamé notamment le « Crédit d’import compétitivité emploi » (CICE), c’est à dire la baisse annuelle de près de 40 milliards d’euros de cotisations pour les entreprises (c’est à dire d’argent qui revient à l’Etat normalement et à la collectivité) pour créer promettait-il un million d’emploi !

La CICE a bien été obtenu par le Medef, mais deux ans plus tard chacun peut le constater, aucun emploi n’a été crée. Par contre, l’effet d’aubaine pour les grandes entreprises (qui n’en avaient pas besoin) a bien été réel : la part de richesse produite et reversée aux actionnaires n’a jamais été aussi importante. Quel gaspillage d’argent public ! Et au passage, l’entreprise Radiall, entreprise dont M. Gattaz est le patron (dans laquelle il reconnait se rendre seulement un jour ou deux par semaine, et qu’il tient de son père) a bénéficié de 876 000 euros du CICE pour aussitôt reverser 2,8 millions d’euros à ses actionnaires.

Cet exemple illustre l’égoïsme de Gattaz et son incroyable toupet. Quand on perçoit 320 000 euros de salaire par an (et que sa rémunération a connu une augmentation ces dernières années) on devrait avoir la délicatesse de ne pas insulter des femmes et des hommes qui luttent pour ne pas voir dégrader leurs conditions de travail et leurs rémunérations et veulent une société où la recherche de profit n’est pas la seule boussole de toute action publique.

Durant mes années d’études de philosophie, on m’a appris ce qu’est « le salaud » au sens sartrien du terme. Je reprends la définition d’André Comte Sponville : Le salaud, ce serait donc l’égoïste ? Point tout à fait ni seulement, car alors nous le serions tous. Tout salaud est égoïste (même si cet égoïsme se masque derrière le dévouement à une cause ou à un Dieu), mais tout égoïste n’est pas un salaud. Le salaud, c’est l’égoïste sans frein, sans scrupule, sans compassion.

On ne pourrait donner meilleure définition de ce que représente M. Pierre Gattaz. Et la lecture du Monde de ce soir, nous donne à la fois La nausée et Les mains sales...


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