Assemblée plénière LRMP du 26 mai 2016 : le budget 2016 ou le récit d’une occasion manquée

mercredi 8 juin 2016.
 

Arrive avec cette nouvelle Assemblée du Conseil régionale LRMP l’heure des choix. En effet, le débat et le vote du premier budget de la nouvelle Région est un acte fondateur.

Soyons clairs : je n’accepte pas l’idée que ce budget n’aurait pas de signification politique puisqu’il s’agirait d’un simple budget « technique » et « de transition ». Ne pas imprégner ce budget des débats et des choix qui furent ceux de l’élection régionale de décembre, ce serait accepter la démission du politique. Ce budget est donc évidemment un condensé de politique. Je note d’ailleurs que Carole Delga assume clairement ce point puisqu’elle annonce dans son propos introductif que « ce budget primitif n’est pas qu’un document administratif, il traduit la mise en œuvre des engagements de la majorité ». Même à admettre que le budget 2017 soit un enjeu plus important, comment être crédible pour obtenir des réorientations budgétaires fortes en 2017 si l’on ne les défend pas d’ores et déjà ? Pour ce qui est des élus issus de la liste « Nouveau Monde en commun », nous avons toujours affirmé pendant la campagne électorale que nous défendrions dans l’institution régionale nos engagements de campagne de premier tour puisqu’il n’y a pas eu de fusion « programmatique » avec la liste conduite par Carole Delga. C’est ce qu’il nous faut faire dans ce débat budgétaire, dans la clarté et de façon publique.

Même si des choix différents ont été faits au sein de notre groupe « Nouveau Monde en commun » depuis le début du mandat (choix de voter ou non pour C. Delga à la présidence, acceptation ou non de « l’accord de majorité » Delga-Onesta, participation ou non à des vice-présidences…), c’est dans un état d’esprit collectif et uni que nous avons la possibilité d’influer fortement sur les choix du budget 2016. C’est pourquoi il était important d’attacher une importance particulière à la préparation collective de cette Assemblée. Comme depuis le début de cette mandature, je pose par écrit les événements car seule leur compréhension permet d’appréhender le sens politique des choix à effectuer et de répondre aux interrogations légitimes des uns et des autres. J’ai appris que le meilleur service à rendre aux ennemis de la démocratie et aux partisans de l’austérité et du libéralisme était d’asphyxier les débats politiques ou de les confiner à des salons privés. Au contraire, il faut les rendre publics sinon il est vain de prôner la réappropriation par les citoyens de leurs affaires et le rétablissement souveraineté populaire.

Nous avons eu 4 réunions de groupe pour préparer cette Assemblée plénière ainsi qu’une réunion invitée par Carole Delga intitulée « Séminaire de la majorité ». D’autres réunions de préparation budgétaires se sont déroulées, notamment dans le cadre de « l’exécutif » où siègent 4 vice-présidents « Nouveau Monde en commun », membres d’EELV et du PC, mais il semble être de coutume de ne pas diffuser de compte-rendu de leur contenu.

Les discussions collectives des élus « Nouveau Monde en commun »

Le budget qui nous a été présenté intégrait 3 aspects positifs, à savoir, l’augmentation de la section d’investissement de 7%, la généralisation à Languedoc du Fonds social pour la cantine des lycéens obtenu en Midi-Pyrénées par les élus du Front de Gauche en 2014 et l’augmentation de 2 millions d’euros du régime indemnitaire des agents de catégorie C. Pour le reste, il s’agit de la reconduction des actions des 2 Régions préexistantes sans aucun changement dans les priorités et les grands équilibres budgétaires.

Lors des réunions de groupe préparatoires au « séminaire de la majorité », nous avions retenu avec les présents des axes sur lesquels nous allions intervenir pour faire évoluer les propositions budgétaires initiales de Carole Delga. Nous les avons ensuite portés lors du « séminaire » par plusieurs voix, parmi lesquelles la mienne. Il s’agissait de proposer certaines réorientations budgétaires et politiques aux actions menées précédemment par les 2 Régions pour répondre aux besoins des populations et mettre en œuvre certains de nos engagements électoraux. Après discussion collective, nos propositions se résumaient à :

- engager la Région dans une interpellation du gouvernement concernant la baisse de la Dotation Globale de Fonctionnement qui se traduit par un manque à gagner de 40 millions pour ce budget

- augmenter le recours à l’emprunt pour relancer certaines interventions car notre Région a une capacité d’endettement importante et sans risque

- redéployer et changer un certains nombre de politiques afin de : relancer l’investissement public pour les projets locaux et la transition écologique, généraliser la gratuité des livres scolaires pour les lycéens, supprimer les aides qui subventionnent l’enseignement privé au-delà de ce que prévoit la loi, appliquer le moratoire sur la gare de La Mogère, prioriser les trains du quotidien sur les LGV, prioriser l’économie sociale et solidaire plutôt que les aides aux grands entreprises, augmenter le soutien aux acteurs des arts et de la culture mis en danger par l’austérité et rétablir un dispositif pour créer et pérenniser des emplois associatifs.

Le « séminaire de la majorité »

Lors de ce « séminaire », à l’exception d’un engagement à concrétiser concernant la question de la DGF et d’une ou deux modifications très marginales portant sur 200 000 euros sur un budget total de 2,8 milliards, il fut vite admis que les équilibres du budget étaient déjà arrêtés et que nous arrivions après des débats dont je ne sais pas s’ils ont eu lieu. Quand on sait qu’il n’y a pas de majorité possible pour C. Delga sans l’apport de la plupart des voix des élus « Nouveau Monde en commun », il est clair qu’il était possible d’influer plus fortement si nous avions été unis fermement pour demander ces réorientations. Le summum étant la question de la gare de La Mogère, Grand Projet Inutile et Imposé contre lequel nous avons fait campagne et pour lequel C. Delga s’est engagée en début de mandat à un moratoire sur les financements régionaux. Ce budget primitif prévoit le financement de la gare de La Mogère ! Comment être crédible et demander l’arrêt des travaux qui sont en cours si nous acceptons un budget qui en prévoit le financement ? Nous avons donné une image pour le moins étonnante. De division et non d’unité. A côté des élus du groupe qui sont intervenus pour défendre nos orientations décidées collectivement, d’autres sont intervenus en contradiction totale avec nos discussions notamment par exemple pour se féliciter que le budget culture, représente « 3% du budget total », ce qui n’est en fait rien d’autre que la proposition de stagnation du budget culture proposé dans le programme électoral de Mme Delga ! Après que j’ai dû exprimer mon désaccord le plus total avec l’idée que Nouveau Monde en commun se satisfaisait du budget culture, la réunion s’est conclue sur des appels à l’unité de la « gauche » autour du budget pour faire bloc face aux élus du Front National, ce à quoi j’ai répondu que chercher à effacer les différences et les débats sous prétexte de lutter contre le FN était à l’inverse le moyen le plus sûr de le faire progresser.

Les « lignes rouges » de Nouveau Monde en commun : La Mogère, la DGF et la gratuité des livres

Lors de la réunion de groupe suivante, un bilan de ce « séminaire » fut fait. J’ai été rapidement rassuré de voir que je n’avais pas été le seul à avoir été très gêné par les interventions qui ne reflétaient pas nos discussions collectives. Cet inconfort a en effet été clairement exprimé par nos co-présidents de groupes qui regrettent l’absence de nombreux élus lors de nos réunions de groupe. Nous entreprîmes dans la foulée le travail sur les amendements budgétaires et les exigences à porter qui permettraient, s’ils et elles étaient adoptés de rendre ce budget « acceptable » pour le groupe « Nouveau Monde en commun ». Nous avons alors identifié 3 points clés ou « lignes rouges », à savoir le refus de crédits pour La Mogère, le refus de la baisse des dotations de l’Etat et la généralisation de la gratuité des livres scolaires à financer par la suppression des subventions extra-légales pour les lycées privés. Ces 3 points clés devant être accompagnés d’autres amendements dont l’objectif était de dessiner les contours de choix alternatifs, de contre-propositions budgétaires.

La commission des finances

A quelques-uns, nous avons travaillé plusieurs jours à la rédaction des amendements. C’est alors que s’est réunie la « commission des finances » devant examiner le projet de budget préalablement à l’Assemblée plénière. Quand j’ai eu connaissance du déroulé de cette commission des finances, j’ai immédiatement saisi le risque que l’issue de ces débats budgétaires reste comme une occasion manquée. Alors qu’il n’a jamais été question dans nos réunions du groupe « Nouveau Monde en commun » de voter ce budget en l’état sans batailler pour faire adopter certains de nos amendements, deux de nos trois représentants à la commission des finances, membres du PCF et d’EELV (seul Jean-Christophe Sellin a défendu la nécessité de réorientations), ont fait le choix de donner un avis positif au projet de budget sans exprimer aucune forme de condition. A quoi bon se battre pour faire adopter des amendements budgétaires si nous sommes prêts sans sourciller à approuver un budget qui n’intègre pas nos amendements ? A approuver un budget qui inscrit plusieurs millions pour La Mogère ? Qui finance à hauteur de 8 millions les lycées privés au-delà de la loi ? Qui finance à hauteur de 10 millions d’euros les LGV que nous avons combattus pendant la campagne ? Penser que le respect sans condition de « l’accord de majorité » avec le PS est le plus important en espérant faire bouger les lignes à l’avenir est à mon sens une erreur. Elle ne permet ni de gagner sur nos exigences, ni de donner de la lisibilité à notre action, ni de préserver l’union des 27 élus « Nouveau Monde en commun » dont l’indépendance par rapport au PS a toujours été un élément constitutif.

Le morcellement du groupe « Nouveau Monde en commun »

La réunion de groupe suivante consacra le morcellement de notre groupe. Alors que nous avions convenu de déposer un certain nombre d’amendements au nom du groupe, nous ne sommes finalement parvenus à nous mettre tous d’accord que sur 3. Il s’agit des amendements sur le refus de la baisse de la dotation de l’Etat, celui pour généraliser la gratuité des livres scolaires ainsi qu’un amendement sur l’agriculture bio. Pour le reste, c’est à n’y rien comprendre, jugez vous-même : deux amendements ont été déposé par les élus EELV-PG-NGS-Ensemble mais sans le soutien des élus du PCF (amendements pour le retrait du financement de La Mogère, amendement pour réorienter les crédits LGV Toulouse-Bordeaux et Bordeaux-Tour vers les infrastructures de proximité) et 3 autres amendements ont été déposés par les seuls élus PG et NGS (amendement pour la relance de l’investissement public et la maîtrise de l’énergie des bâtiments communaux, amendement pour renforcer le soutien aux arts et à la culture, amendement pour un dispositif de création et de pérennisation des emplois associatifs). Pourtant, le contenu de tous ces amendements avait fait l’objet de discussions dans nos réunions de groupes précédentes sans qu’aucune opposition ne soit formulée contre leur opportunité.

L’Assemblée plénière en pleine mobilisation pour le retrait de la loi El Khomri

Arriver à l’Assemblée plénière dans cette situation était clairement le meilleur moyen pour en sortir sans rien avoir gagné. Pourtant, nous n’étions pas au bout de nos surprises. Le 26 mai étant journée de mobilisation contre la loi El Khomri, je suis intervenu comme il était convenu avec le groupe pour exprimer notre solidarité avec tous ceux qui luttent et en particulier les syndicalistes CGT attaqués la veille par le premier Ministre. Il paraît que le contenu de mon intervention en a dérangé certains. Je rappelle que l’Assemblée régionale comprend 3 Député(e)s PS et PRG. Il aurait été paradoxal d’appeler nationalement les Députés à censurer le gouvernement pour empêcher l’adoption de cette loi et ne pas dire les choses clairement en Assemblée plénière en leur présence. A ceux qui considèrent que c’est un mélange des genres, je réponds que c’est leur cumul des mandats qui conduit à cette situation de mélange des genres et en aucun cas mon interpellation sur ce sujet dans ce lieu. Après cette formalité prononcée, j’ai annoncé en 2 minutes nos exigences politiques sur le budget, conformément à nos discussions en groupe.

Conseil régional LRMP : nous n’avons pas voté le budget 2016 (communiqué de presse Liem Hoang Ngoc, Myriam Martin, Muriel Ressiguier, Jean-Christophe Sellin et Guilhem Serieys, élus du groupe « Nouveau Monde en Commun », Membres du Parti de Gauche, d’Ensemble et de la Nouvelle Gauche Socialiste


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