Le coup d’état du 2 décembre 1851 vu par Victor Hugo (Nox)

dimanche 2 décembre 2007.
 

EXTRAIT 1 :

Debout ! les régiments sont là dans les casernes,

Sac au dos, abrutis de vin et de fureur,

N’attendant qu’un bandit pour faire un empereur.

EXTRAIT 2

Le coup d’État qui sort flamboyant de la forge !

Les tribuns pour le droit luttent : qu’on les égorge.

Routiers, condottieri. vendus, prostitués,

Frappez ! tuez Baudin ! tuez Dussoubs ! tuez !

Que fait hors des maisons ce peuple ? Qu’il s’en aille.

Soldats, mitraillez-moi toute cette canaille !

Feu ! feu ! Tu voteras ensuite, ô peuple roi !

Sabrez le droit, sabrez l’honneur, sabrez la loi !

Que sur les boulevards le sang coule en rivières !

Du vin plein les bidons ! des morts plein les civières !

Qui veut de l’eau-de-vie ? En ce temps pluvieux

Il faut boire. Soldats, fusillez-moi ce vieux.

Tuez-moi cet enfant. Qu’est-ce que cette femme ?

C’est la mère ? tuez. Que tout ce peuple infâme

Tremble, et que les pavés rougissent ses talons !

EXTRAIT 3

C’est fini ! Le silence est partout, et l’horreur.

Vive Poulmann César et Soufflard empereur !

C’est fait, reposez-vous ; et l’on entend sonner

Dans les fourreaux le sabre et l’argent dans les poches.

De la banque aux bivouacs on vide les sacoches.

Les vainqueurs en hurlant dansent sur les décombres.

Des tas de corps saignants gisent dans les coins sombres.

Courons féliciter l’Elysée à présent.

Du sang dans les maisons, dans les ruisseaux du sang,

Partout ! Pour enjamber ces effroyables mares,

Les juges lestement retroussent leurs simarres,

Et l’Église joyeuse en emporte un caillot

Tout fumant, pour servir d’écritoire à Veuillot.

TEXTE INTEGRAL DE NOX CONCERNANT LE COUP D’ETAT

C’est la date choisie au fond de ta pensée,

Prince ! il faut en finir, - cette nuit est glacée,

Viens, lève-toi ! flairant dans l’ombre les escrocs,

Le dogue Liberté gronde et montre ses crocs.

Quoique mis par Carlier à la chaîne, il aboie.

N’attends pas plus longtemps ! c’est l’heure de la proie.

Vois, décembre épaissit son brouillard le plus noir ;

Comme un baron voleur qui sort de son manoir,

Surprends, brusque assaillant, l’ennemi que tu cernes.

Debout ! les régiments sont là dans les casernes,

Sac au dos, abrutis de vin et de fureur,

N’attendant qu’un bandit pour faire un empereur.

Mets ta main sur ta lampe et viens d’un pas oblique,

Prends ton couteau, l’instant est bon : la République,

Confiante, et sans voir tes yeux sombres briller,

Dort, avec ton serment, prince, pour oreiller.

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Cavaliers, fantassins, sortez ! dehors les hordes !

Sus aux représentants ! soldats, liez de cordes

Vos généraux jetés dans la cage aux forçats !

Poussez, la crosse aux reins, l’Assemblée à Mazas !

Chassez la haute-cour à coups de plat de sabre !

Changez-vous, preux de France, en brigands de Calabre !

Vous, bourgeois, regardez, vil troupeau, vil limon,

Comme un glaive rougi qu’agite un noir démon,

Le coup d’État qui sort flamboyant de la forge !

Les tribuns pour le droit luttent : qu’on les égorge.

Routiers, condottieri. vendus, prostitués,

Frappez ! tuez Baudin ! tuez Dussoubs ! tuez !

Que fait hors des maisons ce peuple ? Qu’il s’en aille.

Soldats, mitraillez-moi toute cette canaille !

Feu ! feu ! Tu voteras ensuite, ô peuple roi !

Sabrez le droit, sabrez l’honneur, sabrez la loi !

Que sur les boulevards le sang coule en rivières !

Du vin plein les bidons ! des morts plein les civières !

Qui veut de l’eau-de-vie ? En ce temps pluvieux

Il faut boire. Soldats, fusillez-moi ce vieux.

Tuez-moi cet enfant. Qu’est-ce que cette femme ?

C’est la mère ? tuez. Que tout ce peuple infâme

Tremble, et que les pavés rougissent ses talons !

Ce Paris odieux bouge et résiste. Allons !

Qu’il sente le mépris, sombre et plein de vengeance,

Que nous, la force, avons pour lui, l’intelligence !

L’étranger respecta Paris : soyons nouveaux !

Traînons-le dans la boue aux crins de nos chevaux !

Qu’il meure ! qu’on le broie et l’écrase et l’efface !

Noirs canons, crachez-lui vos boulets à la face !

**********

C’est fini ! Le silence est partout, et l’horreur.

Vive Poulmann César et Soufflard empereur !

On fait des feux de joie avec les barricades ;

La Porte Saint-Denis sous ses hautes arcades

Voit les brasiers trembler au vent et rayonner.

C’est fait, reposez-vous ; et l’on entend sonner

Dans les fourreaux le sabre et l’argent dans les poches.

De la banque aux bivouacs on vide les sacoches.

Ceux qui tuaient le mieux et qui n’ont pas bronché

Auront la croix d’honneur par dessus le marché.

Les vainqueurs en hurlant dansent sur les décombres.

Des tas de corps saignants gisent dans les coins sombres.

Le soldat, gai, féroce, ivre, complice obscur,

Chancelle, et, de la main dont il s’appuie au mur,

Achève d’écraser quelque cervelle humaine.

On boit, on rit, on chante, on ripaille ; on amène

Des vaincus qu’on fusille, hommes, femmes, enfants.

Les généraux dorés galopent triomphants,

Regardés par les morts tombés à la renverse.

Bravo ! César a pris le chemin de traverse !

Courons féliciter l’Elysée à présent.

Du sang dans les maisons, dans les ruisseaux du sang,

Partout ! Pour enjamber ces effroyables mares,

Les juges lestement retroussent leurs simarres,

Et l’Église joyeuse en emporte un caillot

Tout fumant, pour servir d’écritoire à Veuillot.

Oui, c’est bien vous qu’hier, riant de vos férules,

Un caporal chassa de vos chaises curules,

Magistrats ! Maintenant que, reprenant du cœur,

Vous êtes bien certains que Mandrin est vainqueur,

Que vous ne serez pas obligés d’être intègres,

Que Mandrin dotera vos dévoûments allègres,

Que c’est lui qui paiera désormais, et très-bien,

Qu’il a pris le budget, que vous ne risquez rien,

Qu’il a bien étranglé la loi, qu’elle est bien morte,

Et que vous trouverez ce cadavre à sa porte,

Accourez, acclamez, et chantez Hosanna !

Oubliez le soufflet qu’hier il vous donna,

Et, puisqu’il a tué vieillards, mères et filles,

Puisqu’il est dans le meurtre entré jusqu’aux chevilles,

Prosternez-vous devant l’assassin tout-puissant,

Et léchez-lui les pieds pour effacer le sang !

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