Fort McMurray : Le capitalisme incendie les forêts du Grand Nord

lundi 23 mai 2016.
 

- A) L’incendie de l’Alberta, parabole de l’époque (Hervé Kempf)

- B) L’incendie de Fort McMurray, crime écologique des exploitants d’énergie fossile, par Noël Mamère

A) L’incendie de l’Alberta, parabole de l’époque (Hervé Kempf)

L’incendie gigantesque qui sévit en Alberta, effet du réchauffement climatique, a frappé la ville qui n’y croyait pas.

Source : http://reporterre.net/L-incendie-de...

l était une fois un monde très riche, qui ne voulait pas cesser d’accumuler des richesses, quel qu’en soit le prix pour la nature.

Dans un pays parmi les plus riches, le Canada, on avait trouvé des sables bitumineux, une source de pétrole qui semblait inépuisable. Mais pour extraire le pétrole de ces sables, il fallait utiliser beaucoup d’eau, beaucoup de produits chimiques, beaucoup d’énergie, couper des forêts, entasser des déchets toxiques... Les écologistes et les autochtones de la région concernée, l’Alberta, avaient beau dire que c’était un désastre pour la nature, que cela émettait énormément de gaz à effet de serre, les exploitants n’en avaient cure. La cupidité était leur guide.

A Fort McMurray, autrefois un poste perdu dans la taïga, une ville a commencé à grandir démesurément, l’exploitation de sables à se développer au moyen de machines gigantesques, des lacs de déchets toxiques à se multiplier, les maladies à se développer chez les autochtones vivant en aval, les émissions de gaz à effet de serre du pays à augmenter sans cesse.

Le gouvernement s’en moquait : pour accroitre encore la richesse apparente du pays, il soutenait sans faillir l’exploitation des sables bitumineux, allant même jusqu’à se retirer du traité international sur le changement climatique.

Mais ignorer la réalité ne suffit pas à la faire disparaitre. Le changement climatique se déploie sur la planète, et les régions les plus proches du pôle Nord sont les plus affectées par le réchauffement. Ainsi, au printemps 2016, la température moyenne dans l’Alberta était bien plus élevée que la normale saisonnière : 30°C au lieu de 15°C ! Des conditions idéales pour que se déclenchent des feux de forêts.

Ceux-ci ont rugi, créant un brasier d’enfer autour de la ville des sables bitumineux, la ville qui croyait pouvoir ignorer le changement climatique, la ville qui croyait que l’on pouvait détruire la nature impunément.

Cent mille personnes ont fui, une ville est détruite. Comme Pripiat près de Tchernobyl, abandonnée après l’accident qui ne devait jamais arriver, voici Fort McMurray, brasier fumant, maisons calcinées, torche irradiante, symbole de la folie de la cupidité et de l’aveuglement.

B) L’incendie de Fort McMurray, crime écologique des exploitants d’énergie fossile, par Noël Mamère

Source : http://reporterre.net/L-incendie-de...

L’incendie monstrueux qui a dévasté la forêt boréale de l’Alberta canadien n’est pas une catastrophe naturelle, insiste notre chroniqueur, mais bien un énième crime contre l’environnement perpétré par « la folie et l’avidité d’entreprises capitalistes pétrolières ».

L’incendie de Fort McMurray, au Canada, est présenté dans les médias « mainstream » comme un incendie de forêt de plus parmi tant d’autres, certes d’une amplitude beaucoup plus forte mais, somme toute, à l’échelle de cet immense pays. Cette fable a été dénoncée dans ces colonnes par Hervé Kempf, mais il faut enfoncer le clou. Nous ne sommes pas devant une catastrophe « naturelle ». L’incendie n’est peut-être pas lié directement à l’exploitation des sables bitumineux (les « tar sands », en anglais, les « sables sales », en français) mais celle-ci en a accéléré le développement.

Avec le réchauffement climatique — effet, entre autres, de l’exploitation des sables bitumineux — les incendies n’ont jamais été aussi fréquents. Face à un climat de plus en plus sec, le plan de prévention des incendies n’est plus adapté, car il a été pensé à une époque où le climat était plus humide et où l’eau n’était pas encore captée par les puits de ce pétrole non conventionnel.

Toutes les études montrent que les régions les plus proches du pôle Nord (ce qui est le cas de la forêt boréale du Canada) sont les plus affectées par le réchauffement, créant ainsi des conditions idéales pour que se déclenchent des incendies qui augmentent en superficie chaque année. La saison des feux de forêt s’allonge sans cesse, du début du printemps jusqu’à l’automne. L’exploitation des sables bitumineux a donc engendré cette situation prévisible depuis longtemps.

D’ailleurs, en 2011, le gouvernement canadien, dirigé par l’ultralibéral Harper, s’était retiré du protocole de Kyoto pour pouvoir continuer à exploiter sans entraves les sables bitumineux.

Le leurre médiatique et diplomatique de la COP21

1.800 milliards de barils de bitume, soit l’équivalent de l’ensemble des réserves de pétrole conventionnel dans le monde, gisent sous le sol de l’Alberta. Pourquoi s’en priver, estiment des entreprises comme BP, Shell et Total, installées à Fort McMurray ? Qu’importent les dégâts irréparables en termes de déforestation, qu’importe la destruction des écosystèmes, qu’importent les déchets toxiques entassés en dépit du bon sens et qui affectent la santé des populations indigènes dont le mode de vie est depuis longtemps ravagé par cette nouvelle ruée vers l’or noir.

La priorité, pour les exploitants d’énergie fossile, est de continuer à engranger des profits tant qu’il en est encore temps. Dans cette affaire, nous sommes face aux conséquences directes du « Capitalocène », une ère commencée avec les débuts de la révolution industrielle. La folie et l’avidité d’entreprises capitalistes pétrolières est directement à l’origine de cette destruction cataclysmique de la forêt boréale. Bien que très loin géographiquement, elle nous concerne tous et toutes directement.

À la lumière de ce nouveau crime écologique, on peut légitimement s’interroger sur le leurre médiatique et diplomatique de la COP21, qui n’a rien dit dans sa résolution finale sur la continuation sans entraves de l’exploitation des énergies fossiles. Les États et les banques continuent allègrement à massacrer la planète sans se soucier des générations futures et de la Terre où nos enfants et nos petits-enfants vivront.

Il faut traduire en justice les responsables de ces crimes et constituer un tribunal international des crimes contre l’environnement, qui doivent être considérés comme des crimes contre l’humanité. Mais, en tant que citoyens, nous devons organiser le désinvestissement des industries fossiles, du pétrole, du charbon et du gaz, exiger l’interdiction des subventions directes et indirectes à ces industries par les États et les collectivités territoriales. Plus de 5.000 milliards par an sont investis dans ces armes de destruction massive de la planète. Pour sauver la banquise, il faut se sauver des banquiers !


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