Allemagne : l’extrême droite menace – Elle s’unifie davantage en Europe

jeudi 19 mai 2016.
 

Les militants d’extrême droite ont du être sportifs pour se rendre au Palais des congrès situé dans la zone aéroportuaire de Stuttgart, la riche capitale du Sud-Ouest du pays. Le parti allemand d’extrême droite AfD (abréviation des termes « Alternatives pour l’Allemagne ») y tenait son congrès les 30 avril et 1er mai...

Mais des antifascistes, « 800 à 900 » selon la police, avaient décidé de bloquer les entrées et s’étaient donné les moyens d’y parvenir. La police a interpellé plus de 500 d’entre eux, mais un certain nombre de participantEs au congrès du parti AfD ont néanmoins été obligés de rejoindre le lieu du congrès en escaladant divers obstacles...

Changement de logiciel ?

Ce congrès était le premier depuis celui, surchauffé, d’Essen les 4 et 5 juillet 2015. À l’époque, l’événement marquant avait été la scission du parti fondé un peu plus de deux ans plus tôt. La direction originelle, rassemblée autour de Bernd Lucke, professeur d’université en matière d’économie à Hambourg, fut alors poussée au départ. Une direction qui était majoritairement composée d’« experts » en économie ou d’industriels tels que Hans-Olaf Henkel, ancien président du groupement patronal BDI, des ultralibéraux sur le plan économique mais opposés à la construction européenne sous sa forme actuelle.

Mais au cours de l’année 2014, le rejet de l’immigration est devenue le second grand sujet du parti AfD. Et l’ultralibéralisme a été contesté par des courants qui cherchent plutôt à construire un parti d’extrême droite doté d’une base populaire, en utilisant un discours « social » un peu à l’instar du FN français. L’ancienne direction, jugée trop « élitiste », a donc été chassée en juillet 2015 à Essen, où Bernd Lucke a été battu à plate couture par sa rivale et actuelle présidente du parti, Frauke Petry, par 60 % des voix contre 37 %. Lucke a immédiatement quitté le parti et en a fondé un autre deux semaines plus tard, ALFA (« Alliance pour le progrès et le réveil »).

ALFA ne joue actuellement presque aucun rôle, sauf que cinq des sept députéEs AfD élus au Parlement européen en 2014 lui appartiennent aujourd’hui. Ils siègent à Strasbourg dans un groupe au côté des conservateurs britanniques. Ce groupe a exclu les deux députéEs restés fidèle au parti AfD. L’une, Beatrix von Storch, proche des milieux chrétiens intégristes, est allée siéger avec le parti souverainiste britannique UKIP de Nigel Farage. Le second, Marcus Pretzell, qui se trouve aussi être le compagnon de la chef du parti, Frauke Petry, vient d’annoncer la question en annonçant qu’il allait siéger dans le même groupe que le FN français et le FPÖ autrichien. L’extrême droite européenne, dont les partis français et autrichien constituent des pôles forts, s’unifie ainsi davantage.

Reste l’offensive antisociale et ultra-réactionnaire

Il n’en reste pas moins que AfD demeure attaché au libéralisme économique, bien davantage que le FN français, en tout cas dans le discours public de ce dernier. Le congrès de Stuttgart a adopté un « programme fondamental » (le parti n’en possédait pas jusque-là) de 74 pages, dont le projet avait été présenté en février dernier. La première esquisse avait fait l’objet de débats et de polémiques, en raison du tollé public suscité par certaines des revendications : la privatisation de l’assurance chômage et de l’assurance accidents, la restriction du droit de divorcer, l’augmentation d’un âge de la retraite déjà en voie d’allongement vers les 67 ans, le quasi-démantèlement de l’audiovisuel public... Le texte proposé a été « déradicalisé » sur certains points, surtout sur les mesures antisociales. En matière d’assurances contre le chômage et contre les accidents (de travail), le programme ne préconise plus leur privatisation... mais seulement à réfléchir à une « refonte radicale de leur mode de financement »…

1 400 pages d’amendements et trois projets globaux alternatifs avaient été présentés, projets émanant plutôt de courants encore plus ouvertement d’extrême droite. Mais le temps manquait pour en débattre vraiment à Stuttgart, le congrès s’en est donc tenu aux fondamentaux en matière programmatique, écartant surtout tout débat sur la ligne économique.

Le nouveau programme a néanmoins réveillé l’attention des médias par certains points bien « radicaux », dont l’interdiction totale de la construction de mosquées en Allemagne. Et un passage du texte, ajouté sur initiative de la branche jeunesse (bien extrême...), demande d’abolir toute « union politique » européenne et de ne conserver l’Union européenne que si elle se borne à être uniquement une « union économique ».

Bertold du Ryon


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