Entre le mouvement des Nuits Debout et la Confédération Générale du Travail (CGT), François Ruffin rêve de lien

vendredi 29 avril 2016.
 

François Ruffin et sa bande en sont persuadés, il faut un second souffle. Et le réalisateur de Merci Patron voit les choses en grand, un meeting commun entre le mouvement de la place de la République et les syndicats à l’issue de la traditionnelle manifestation du Dimanche Premier Mai 2016.

A l’approche des manifestations du Jeudi 28 Avril et du Dimanche Premier Mai 2016, le réalisateur de Merci Patron a tenté de faire converger le mouvement des Nuits Debout et le mouvement syndical. Mais cela coince, d’un côté comme de l’autre. Pourtant, le plan était presque parfait, tout comme le calendrier. L’idée était de faire le pont entre la place de la République et Marseille, où se déroulait cette semaine le congrès de la CGT. La stratégie était de débarquer en plein débat cégétiste avec un mandat du mouvement des Nuits Debout pour faire déboucher le cortège syndical place de la République. Sauf que rien ne s’est passé comme prévu.

L’équipe du journal Fakir, dont François Ruffin est le rédacteur en chef, a donc organisé, Mercredi 20 Avril 2016, à la bourse du travail de Paris, une soirée intitulée « l’étape d’après ». Le but était de réfléchir à l’avenir du mouvement des Nuits Debout pour les semaines à venir. Le lieu est symbolique. C’est dans cette même salle que, le 23 février 2016, est sortie du chapeau l’idée de ne pas rentrer chez soi après la manifestation du Jeudi 31 Mars 2016. Depuis cette date, la place de la République vit au rythme du mouvement chaque soir, des prises de parole d’environ deux minutes s’y enchaînent. Chacun vient énoncer ses galères et passer des appels à la mobilisation. A côté, les commissions thématiques et logistiques organisent la vie de la place et offrent des espaces de discussions collectives. Mais pour certains, cela manque de concret. « Les assemblées générales sont interminables et ne permettent pas de faire émerger des propositions concrètes », résume François Ruffin. D’où sa démarche et la question qu’il pose, comment le mouvement peut-il se positionner à l’approche des deux journées d’action du Jeudi 28 Avril 2016 contre la loi travail et celle du Dimanche Premier Mai 2016 ?

Méthode qui fâche

Mercredi 20 Avril 2016, dans une salle archicomble, le journaliste détaille sa stratégie, « je souhaite qu’on fasse un très gros premier mai, que la manifestation se termine place de la République et que nous fassions un meeting avec les syndicats qui sont opposés à la loi travail ». Pendant près de deux heures, tous les intervenants invités par Fakir vont dans le même sens, le rapprochement avec les syndicats doit être la prochaine étape du mouvement des Nuits Debout. Pour finir, la parole est donnée à la salle. C’est là que les choses se compliquent. Même si une grande majorité des personnes présentes est favorable à la proposition de François Ruffin, la méthode fâche ceux qui ont l’impression d’être face à une avant-garde éclairée et retranchée à l’écart de la place. D’autant qu’ils n’ont qu’une seule minute chacun pour s’exprimer. « Nous n’avons pas attendu les intellectuels pour avoir l’idée de se mobiliser massivement pour le premier mai », lance quelqu’un. Lorsque la salle se vide dans le brouhaha, François Ruffin se prend la tête entre les mains. La soirée a fini en queue de poisson. « Je n’ai pas réussi à obtenir un mandat de la salle pour porter cette proposition à l’assemblée générale du mouvement des Nuits Debout », constate-t-il, quelques jours après.

Du côté de la CGT, l’appel de François Ruffin, était pourtant plus que bienvenu. Et pour cause, lors de leur congrès à Marseille, nombre de cégétistes l’ont répété en boucle, ils veulent que leur syndicat propose une « nouvelle impulsion » à la contestation contre la loi travail. Pour beaucoup, cette dernière doit passer par la « grève générale et reconductible », mais aussi par un rapprochement avec les mouvements citoyens.

D’autant que, depuis le début du mouvement des Nuits Debout, ils sont plusieurs, à titre personnel, à avoir fait un tour sur la place de la République, ou dans les autres lieux de rassemblement en France. Et parfois au nom de leur syndicat, comme Karl Ghazi, de la fédération du commerce de la CGT, invité à s’exprimer devant l’assemblée parisienne, Samedi 9 Avril 2016. Ou encore des membres du syndicat de l’information et de la communication. Pour appuyer une telle « convergence », certains syndicalistes de la CGT, notamment du Syndicat National des Journalistes (SNJ) de la CGT, auraient d’ailleurs bien aimé voir François Ruffin venir à la tribune du congrès. « La demande a été faite. Ce film est un succès, il faut s’appuyer dessus », expliquait, Mercredi 20 Avril 2016 à Marseille, un syndicaliste. Mais la direction est restée muette. Quant à Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, il expliquait que François Ruffin était « le bienvenu », mais sans lui garantir l’accès au micro. Une frilosité qui en agaçait plus d’un dans les couloirs du congrès, accusant le syndicat de se « croire un peu seul au monde ».

Têtes de pont

L’idée d’un grand premier mai sous le signe de la convergence est-elle pour autant enterrée ? Ce n’est pas si sûr. Certes, pour beaucoup, François Ruffin est un peu « fatigué » et pourrait prendre de la distance. Mais, malgré tout, l’idée a commencé à prendre. Ainsi, pour l’Union Syndicale Solidaire (USS), présente au côté du mouvement des Nuits Debout depuis le début, l’idée est hautement souhaitable. Eric Beynel, son porte-parole, le sait, le parcours de la manifestation parisienne du premier mai est déjà décidé, ce sera de la place de la Bastille à la place de la Nation, « mais nous pouvons le prolonger », explique-t-il. Du côté de la CGT, la direction n’a encore rien décidé, « pour ce qui est de se rendre sur la place, cela se discutera collectivement, si nous sommes sollicités », explique Catherine Perret, secrétaire confédérale, et notamment avec les autres centrales et les organisations de jeunesse. « Tout peut être ouvert », assure-t-elle. Pour appuyer l’initiative, des militants évoquent aussi un appel qui pourrait être signé par plusieurs têtes de pont de la CGT. Une chose est sûre, les syndicats réformistes, la Confédération Française et Démocratique du Travail (CFDT), la Confédération Générale des Cadres (CGC) et la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC), ne seront pas là.

Mais la CGT Force Ouvrière ne sera pas là non plus. Certes, le syndicat, contrairement à son habitude, défilera bien le premier mai avec la CGT « parce qu’il est dans la bagarre contre le projet de loi ». Mais la centrale « restera sur le terrain syndical », ajoute Michèle Biaggi, secrétaire confédérale, et n’appellera donc pas à se rendre place de la République. Quant à François Ruffin, il jure, un peu las, avoir en main, un plan B « moins ambitieux ».

par Amandine Cailhol et Ismaël Halissat


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