Le député Pouria Amirshahi quitte le Parti Socialiste

lundi 7 mars 2016.
 

Député des Français de l’étranger, Pouria Amirshahi a été l’un des premiers « frondeurs » du Parti socialiste à l’Assemblée à s’opposer à la ligne économique du gouvernement. A 43 ans, l’ancien président de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), entré au PS en 1987, claque la porte du parti et annonce qu’il ne se représentera pas en 2017.

Vous avez décidé de quitter le Parti socialiste, pourquoi ?

Je quitte le PS et le monde des partis en général, rhizomes d’un système institutionnel à bout de souffle. Ils sont devenus des machines électorales sans grande conviction, sans promesse d’avenir heureux pour le pays. Ils sont au mieux incapables, au pire dangereux comme par exemple le Front national. Notre système, confiscatoire de pouvoirs et de richesses, mène à l’abîme démocratique, social ou écologique.

Et les partis semblent ne pas pouvoir faire grand-chose quand ils ne sont pas carrément dans le renoncement ou la complicité. Le mien est sans ressorts, sans idées malgré de nombreuses bonnes volontés avec qui je continuerai de partager des espaces de réflexion et d’action. Il y a chez nous comme ailleurs une caste de technocrates et de possédants de plus en plus puissants, et c’est contre cela que la gauche et les authentiques républicains doivent lutter.

Et pour vous, ce n’est pas ce que fait le gouvernement de François Hollande ?

La France n’est pas gouvernée par l’aile droite du PS, mais par des néoconservateurs, dans tous les domaines, à quelques exceptions près… D’ailleurs, leurs alliés sont désormais issus du bloc réactionnaire : déchéance de nationalité, état d’urgence, surenchère pénale, droit du travail. Depuis 2012, la succession de renoncements donne le vertige : cela a débuté avec le traité européen. Sur le contrôle bancaire ou les insolentes rémunérations, le gouvernement a vite cédé. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi [CICE] et le pacte de responsabilité ont légalisé le vol de l’argent public dont on dit pourtant qu’il est si rare. 40 milliards d’euros donnés sans conditions, sans que les salariés aient vu le début d’une amélioration substantielle de leur niveau de vie ! Le mépris est vécu directement par beaucoup de nos compatriotes, les ouvriers, les jeunes et bien d’autres. S’ajoute à cela le choix de gouverner par la peur… D’où mon opposition.

Pourtant, vous avez également décidé d’abandonner la députation et de ne pas vous représenter en 2017…

Il me reste plus d’un an de mandat et je continuerai d’agir avec la même éthique et la même énergie. Mais je ne veux pas m’accrocher absolument à un mandat. Ma circonscription est passionnante, les gens sont d’une grande richesse pluriculturelle. J’y ai été « bien » élu en 2012, avec 62 % des voix, mais après cinq ans de mandat, je souhaite retourner à la vie professionnelle, ce qui ne coupera pas mon appétit militant !

C’est un constat d’échec ?

Au contraire ! J’ai agi, comme beaucoup de députés. Pour la francophonie, dont j’estime qu’elle est stratégique dans la mondialisation ; contre le commerce des armes ; pour l’égalité entre tous les Français, quelles que soient leur couleur ou leur ascendance. J’ai agi pour les Français de l’étranger, dans bien des domaines. Aujourd’hui, ils existent vraiment dans la représentation. Enfin, nous avons initié un processus d’émancipation parlementaire face au pouvoir exécutif.

Quelle autre forme va prendre votre engagement ?

Sous peine de destruction généralisée de nos écosystèmes et de mise en danger de notre commune humanité, il faut poser aujourd’hui les fondements d’un modèle viable et doux. Défendre des causes communes entre citoyens, défendre les biens communs tant négligés, stopper la destruction des espèces vivantes, encourager de nouvelles formes de propriété sociale d’entreprise… Voilà le plus important.

Cela se traduit notamment par la mise en valeur de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui luttent ou mènent des expériences qui fonctionnent : c’est la raison d’être du Mouvement commun que j’ai fondé avec d’autres. C’est aussi le propos de Cyril Dion et de Mélanie Laurent, par exemple, dans le documentaire Demain, si rafraîchissant.

En quoi le Mouvement commun est-il différent d’un parti politique ?

Il ne se présente pas aux élections. Il s’intéresse moins à l’avenir d’un camp qu’à celui de tous.

Vous passez donc outre la présidentielle ?

Qui croit que la présidentielle, a fortiori celle de 2017, va régler les problèmes graves démocratiques, économiques, écologiques et sociaux, auxquels nous sommes confrontés ? Il ne faut pas compter que sur les politiques pour faire de la politique. Le temps de la reconquête est un temps long : je ne crois pas qu’une élection seule suffise à transformer les rapports d’inégalités parce que les démocraties se sont trop affaiblies. Réunir les bonnes volontés, inoculer les solutions positives dans la société, réinventer nos démocraties et les règles de représentation, introduire la proportionnelle pour contraindre aux compromis et, pourquoi pas, une dose de tirage au sort. Les défis collectifs ne manquent pas.

En attendant, soutenez-vous le mouvement contre l’avant-projet de loi sur le droit du travail ?

Oui, par conviction d’abord et par intérêt en tant qu’ex et futur travailleur. La démarche pétitionnaire va-t-elle se transformer en vrai mouvement le 9 mars ? Nul ne le sait encore, mais je vois se dessiner une beauté sociale : l’idée de se réapproprier son présent.

Hélène Bekmezian Journaliste au Monde


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