Giovanni Botero, philosophie politique et "raison d’Etat" au 16ème siècle

samedi 13 février 2016.
 

A) De la raison d’État ou l’art de dominer (par Benoît Schneckenburger, PG)

De la raison d’État (1589-1598), de Giovanni Botero. Éditions Gallimard, 2014, 432 pages, 32 euros. Cet ouvrage (fin du XVIe siècle) 
est un des premiers manuels 
de science politique moderne.

Le concept de «  raison d’État  » renvoie désormais pour nous à la face sombre de la politique, celle par laquelle elle doit parfois renoncer à la morale pour agir, au risque de justifier l’injustifiable. En proposant la première traduction française depuis 1599 de l’œuvre de Botero, Pierre Benedittini et Romain Descendre nous permettent de mieux comprendre la genèse des principes de l’État moderne. En mettant l’accent sur les différences d’approche entre Botero – secrétaire de la congrégation de l’Index – et Machiavel, la riche introduction à cette œuvre saluée par Gramsci ne doit pas nous faire oublier ce qu’il y a de commun chez les penseurs de la Renaissance italienne  : la compréhension de l’apparition d’une forme nouvelle de politique.

En tentant contre Machiavel de ré-instituer un lien entre l’Église et les princes, Botero prend finalement acte de la réduction de la politique à l’étatique compris comme forme de domination  : «  L’État est une seigneurie solide sur les peuples.  » En conséquence «  la raison d’État est la connaissance des moyens propres à fonder, conserver et accroître une telle seigneurie  », bref une science ou un art de gouverner. Parce que «  les hommes sont ordinairement imparfaits  », que les cités modernes ne sont pas composées seulement de chrétiens, le rôle du prince est de les maintenir en paix. La modernité de l’approche tient à sa référence implicite à la méthode scientifique  : il faut connaître les causes du comportement humain pour agir sur lui. Ainsi, il faut saisir les caractères des sujets, et ceux-ci dérivent déjà d’une géopolitique des climats, qui sera portée à son apogée par Montesquieu  : chaque peuple possède ses habitudes qui les rendent prévisibles, et donc manipulables.

À l’inverse, le prince doit conserver l’art du secret pour, tel un dieu parmi les hommes, conserver une initiative dans ses actions. On le voit, ce texte corrobore les analyses de Michel Foucault liant les formes de savoir aux formes de pouvoir. Réciproquement, nous devons en déduire que la science politique usurpe dès l’origine son appellation  : son autorité ne vient pas d’un savoir désintéressé, mais est toujours mise au service d’un pouvoir. Leçon que les élites d’aujourd’hui feignent d’ignorer. Raison pour laquelle Machiavel ou Botero restent des auteurs dont la lecture profitera aux peuples voulant à leur tour connaître les ressorts de leur domination.

B) Botero contre le machiavélisme

Source : http://www.cairn.info/revue-les-etu...

Giovanni Botero est le premier auteur d’un traité de la raison d’État. À ce titre, il ouvre un débat qui se prolongera pendant toute la première moitié du XVIIe siècle. De nombreuses fois réédité et traduit en espagnol, en français, en latin et en allemand, l’ouvrage de Botero suscitera, dans les décennies qui suivent sa publication, une abondante littérature politique centrée sur la notion de raison d’État. Cela ne suffit cependant pas à faire de Botero l’inventeur du concept. L’auteur piémontais nous dit lui-même à quel point l’expression ragione di Stato est d’usage courant, à la fin du XVIe siècle, dans l’entourage des rois et des princes :

Ces années passées (...) il m’a fallu faire plusieurs voyages, et hanter plus que je n’eusse voulu, les Cours des Rois et des grands Princes, ores deçà, ores delà les monts. Où, entre autres choses que j’ai remarquées, je me suis fort émerveillé d’ouir parler tout le jour de la Raison d’État ; et alléguer sur telle matière, ores Nicolas Machiavel, ores Cornelius Tacite ; celui-là pour ce qu’il donne les règles et préceptes qui appartiennent au gouvernement des peuples ; celui-ci pour ce qu’il exprime vivement les moyens pratiqués par Tiberius Cesar et pour obtenir, et pour se conserver en l’Empire de Rome 

Avant Botero, il existe donc un machiavélisme ou tacitisme des courtisans et des ministres qui pense la pratique politique des gouvernements royaux et princiers en termes de raison d’État. Or Botero, loin de s’inscrire dans cette tradition, s’y oppose avec virulence. Della ragione di Stato commence comme un traité contre Machiavel et se range du côté de l’opinion commune lorsqu’il s’agit de faire du secrétaire florentin un théoricien de la raison d’État. D’un tel théoricien, Botero prétend sur le champ récuser l’autorité : « (...) Machiavel fonde la raison d’État sur le peu de conscience (...) »  et ceux qui se réclament de lui ou de l’exemple de Tibère accréditent « tant barbare manière de gouverner (...) qu’impudemment elle s’oppose à la loi de Dieu ; jusqu’à dire qu’aucunes choses sont licites par la raison d’État, autres pour la conscience »  Et Botero d’ajouter : « Chose la plus absurde, déraisonnable et la plus impie du monde (...). » 

La raison d’État machiavélique, parce qu’elle fait peu de cas de la conscience, refuse de reconnaître la loi de Dieu, qui est le principe même de toute moralité. Son immoralité est aussi bien une impiété, et cette impiété est irrationalité (déraisonnable traduit irrationale), la loi de Dieu étant identique à la raison elle-même. Avoir peu de conscience, c’est être sourd à la voix de la raison, c’est-à-dire à la voix de Dieu en l’homme. La raison d’État serait ainsi une raison d’exception dont les décrets s’opposent à la loi de Dieu. 

Il semblerait par conséquent que l’on doive deux fois refuser à Botero le privilège d’avoir inventé le concept de raison d’État. Une première fois parce qu’il le trouve déjà constitué dans le vocabulaire des politiques avec la signification d’une rationalité de l’État qui déroge à la raison universelle qui est en Dieu. Une seconde fois parce que l’attitude qu’adopte Botero vis-à-vis des zélateurs de cette raison d’État immorale relève à première vue d’un retour à la conception médiévale du politique. On sait en effet comment les décrétistes, glossateurs et commentateurs du XIIe et XIIIe siècle s’accordent pour affirmer que les lois humaines, qu’elles relèvent du jus propium ou du jus commune, sont subordonnées au droit naturel, c’est-à-dire au droit divin tel que l’Ancien et le Nouveau Testament l’ont révélé aux hommes. Le principe de la soumission à Dieu est maintenu même chez les auteurs qui remettent en question le strict légalisme médiéval en interprétant de la manière la plus large possible la maxime d’Ulpien : princeps legibus solutus est . Ainsi Jean de Salisbury place-t-il le prince au-dessus des lois humaines tout en le soumettant à Dieu par la rectitude de son jugement . Le prince est en somme le représentant sur terre de la justice divine

Or, la manière dont le traité Della ragione di Stato définit la relation du prince à Dieu paraît impliquer le retour à une justification entièrement théologique du pouvoir politique :

Le Prince donc se doit humilier, de tout son cœur, devant la Majesté divine, et reconnaître d’elle le Royaume, et l’obéissance de ses sujets : et plus il est élevé par-dessus les autres, plus il se doit rabaisser devant Dieu ; et n’entreprendre aucune chose qu’il ne soit assuré être conforme à la loi de Dieu .

La soumission du prince à Dieu est affirmée d’une façon si absolue qu’elle ne semble pas laisser la moindre place à une exception d’immoralité, fût-elle un détour nécessaire pour maintenir l’État en tant qu’organe de la justice divine. Les décrets du prince ne sont licites que s’ils s’accordent avec les décrets de Dieu.

Retour à Machiavel

Botero commence ainsi par récuser le concept de raison d’État dont il hérite. Mais contrairement aux premières apparences, il ne reproche pas tant à ses contemporains d’opposer raison politique et raison divine que de ne pas aller assez loin dans l’affirmation de l’autonomie du politique. Comment expliquer sinon qu’il prétende remplacer la raison d’État immorale du machiavélisme, laquelle se définit encore en relation au droit divin, fût-ce sur le mode de l’antinomie, par une raison d’État affranchie de la référence à Dieu ou à une quelconque moralité transcendante ? En ce sens, le premier livre du traité Della ragione di Stato, dont l’avant-propos se plaçait sous le signe de l’antimachiavélisme, nous propose en fin de compte un véritable retour à Machiavel. L’expression ragione di Stato est certes absente du corpus machiavélien ; mais ce qui est avant tout étranger à Machiavel, c’est l’idée d’une politique conçue comme transgression ordinaire ou extraordinaire de la moralité transcendante qui vient de Dieu. Il n’y a pas chez Machiavel d’exception à la loi divine, parce qu’il n’y a pas de loi divine. En revanche, bien qu’elle ne reçoive pas le nom de raison d’État, la notion d’une rationalité pensée en dehors de tout lien à une quelconque transcendance joue assurément un rôle central dans la politique machiavélienne.

Lorsque Botero révoque la raison d’État immorale et lui substitue une raison d’État définie de façon purement mondaine, il joue implicitement Machiavel contre le machiavélisme :

État est une ferme domination sur les peuples ; et raison d’État est la connaissance des moyens propres à fonder, conserver et agrandir une telle domination et seigneurie.

L’État se constitue par la domination. Il faut donc supposer au principe de son existence une intention de dominer et non une intention d’obéir aux exigences de la raison divine. L’intention de dominer s’incarne dans le prince, lequel utilise les peuples comme une matière qu’il modèle à son gré. Dans la mesure où la domination est ferme, c’est-à-dire stable, elle devient un État et la maîtrise exercée par le prince se fait disposition permanente à dominer. De la sorte, l’État ne poursuit d’autre fin que la satisfaction d’un intérêt particulier, celui de qui désire la domination. Il n’est nullement question de loi divine, de moralité ou d’immoralité, ni d’un bien public et d’une justice pour tous, qui, même sans Dieu, pourraient reconduire une transcendance en fonction de laquelle il faudrait évaluer les impératifs de la domination.

Il y aurait donc, à première vue, chez Botero, une coupure insurmontable entre le statut du prince soumis à Dieu et la définition de la raison d’État. C’est pourquoi aussi l’attitude de Botero vis-à-vis de Machiavel est plus nuancée qu’il ne paraît d’abord. Celui qui proclame son opposition au machiavélisme comme théorie de la raison d’État immorale et impie admet par ailleurs, lorsqu’il définit pour sa part la raison d’État, que l’autorité politique ne se fonde pas dans l’obéissance à une moralité transcendante qui vient de Dieu, mais seulement dans la mise en œuvre des moyens qui permettent d’assurer la domination. Ce qui commande alors, c’est l’intérêt particulier du prince et la raison d’État est la connaissance des impératifs hypothétiques auxquels il faut obéir pour maintenir la domination, autrement dit servir l’intérêt du prince. C’est ici que Botero devient machiavélien : sa raison d’État n’est ni immorale ni impie ; elle est essentiellement indifférente à la moralité transcendante et à la religion. Elle ne se définit pas en opposition à la raison universelle qui est en Dieu mais plutôt sans elle. Or au lieu de se référer à la loi divine ou à quelque loi morale supérieure à l’État, le Machiavel du Prince ne paraît s’intéresser qu’à l’efficacité de l’action en vue de l’établissement, de la conservation ou de l’élargissement d’une domination. Quant à celui des Discours, il conçoit la moralité, du moins en tant qu’elle devient consciente sous la forme de règles, comme indissociable des lois de la République, lesquelles ne sont fondées que dans l’accord des égoïsmes, chacun voulant les lois pour se protéger des autres . La politique machiavélienne est donc, de part en part, indifférente à la moralité transcendante. De ce point de vue, on peut dire de Botero qu’il donne son nom à un concept dont Machiavel est l’inventeur. La raison d’État botérienne correspond à cette politique affranchie de toute exigence supérieure que Machiavel s’efforce de penser.

Mais dans la mesure où Botero maintient par ailleurs l’impératif de la soumission du prince à Dieu, la question se pose de savoir comment une raison d’État qui, par essence, est indifférente à la transcendance pourrait cependant ne pas être en contradiction avec les commandements de Dieu, être amorale sans être immorale. Le problème de Botero sera ainsi de moraliser ou de rechristianiser la politique quoique précisément il faille reconnaître la politique pour ce qu’elle est, une activité dont les buts n’ont rien à voir avec la morale transcendante du christianisme.

L’opposition de Botero à Machiavel se jouera donc sur la nature des moyens mis en œuvre pour assurer une domination et non sur la finalité interne qui oriente l’action de l’État. Botero prétend concevoir des moyens qui s’accordent avec la moralité chrétienne ; Machiavel, pour sa part, affirme que la méchanceté est souvent utile. Ne sommes-nous pas alors revenus à notre point de départ ? S’il y a une raison d’État machiavélienne, ne faut-il pas en définitive la concevoir comme une licence d’immoralité et Machiavel ne nous montre-t-il pas lui-même le visage du machiavélisme, opposé à la raison universelle et à Dieu ? Un prince qui ne vise qu’à assurer sa domination et qui, dans ce but, utilise régulièrement la méchanceté ne semble pas délivré de toute transcendance mais plutôt ordinairement opposé à elle et, en conséquence, opposé au bien public. Ce prince en somme serait un tyran qui ne se soucie que de son intérêt et l’asseoit aux dépens des autres et contre Dieu. C’est là toutefois méconnaître ce que signifie la méchanceté chez Machiavel ainsi que l’usage qui en est préconisé. En premier lieu, la méchanceté ne se définit pas en fonction de la transcendance divine et de sa loi, mais seulement par rapport à une morale immanente à la société et à l’État. En second lieu, elle ne saurait être une manière de gouverner qui suffirait à établir et maintenir la domination ; elle est plutôt un détour efficace, une transgression des règles morales ordinairement admises, en vue de modifier ces règles ou d’en rétablir l’autorité. Car la domination ne peut être durablement assurée que si elle paraît juste au plus grand nombre, utile au bien public. Il n’y a donc pas de domination qui puisse être tout à fait opposée à la moralité ou même indifférente à elle. Machiavel nous montre qu’il est possible de concevoir un prince qui réalise les conditions effectives de la moralité, tout en assurant sa domination par l’usage d’une méchanceté calculée.

Certains des termes du débat sur la raison d’État tel qu’il se développera après Botero sont donc déjà présents chez Machiavel. Celui-ci fonde le concept d’une raison politique séparée de la transcendance et, dans ce cadre, il pense à la fois l’immanence des règles morales et la nécessité d’une exception à cette moralité. Sous le masque de l’antimachiavélisme, Botero reprend à son compte la radicale autonomie du politique et lui donne le nom de raison d’État. Ainsi ne se contente t-il pas de reconduire l’opposition entre un gouvernement selon Dieu et un gouvernement contre Dieu. Il permet au contraire que s’ouvre, sous le signe de la raison d’État, le véritable débat moderne sur la relation que la politique entretient avec la moralité. Pour assurer sa domination, celui qui gouverne doit-il toujours respecter les règles morales acceptées par l’opinion commune ou bien lui faut-il parfois s’y opposer ? C’est ici que Botero, reprenant à son compte l’inspiration machiavélienne, affirme cependant son originalité face à Machiavel et oblige ses sucesseurs à se situer non point seulement en fonction du machiavélisme et de l’antimachiavélisme mais aussi par rapport à la distinction entre raison d’État ordinaire et raison d’État extraordinaire, la première désignant l’ensemble des impératifs de gouvernement généralement compatibles avec la moralité commune, la seconde renvoyant aux impératifs qui dérogent à cette moralité [15]

Chez Machiavel, le prince hors de la république ou le législateur d’une république mettent ordinairement en œuvre, pour assurer leur pouvoir, des moyens qui vont contre les règles ordinaires. Chez Botero, le prince chrétien gouverne par raison d’État, laquelle n’est pas un mode extraordinaire de justification de l’action politique, mais son régime constant. Or Botero définit la raison d’État comme la connaissance des moyens permettant de fonder, conserver et agrandir une domination. Il n’est donc pas ici question de respect des lois ou des coutumes ; il est seulement question d’un but, la domination, dont Botero ne paraît pas se demander s’il est ou non compatible avec la moralité, et des moyens pour parvenir à ce but selon les trois espèces de la fondation, de la conservation et de l’élargissement. Le prince botérien paraît s’installer dans l’exception par rapport à la moralité. Cette exception n’est pas nécessairement une opposition à la moralité. Elle consiste seulement à se tenir hors du champ moral, à ne pas s’interroger sur la valeur morale d’un décret princier et à ne considérer que son efficacité politique. Si l’on en restait à cette définition, il faudrait même dire que Botero est plus machiavélien que Machiavel, puisqu’il radicalise le discours du Florentin. Quand celui-ci distingue, d’un côté, le prince non républicain et, de l’autre, le chef républicain et le législateur, comme celui qui se donne les moyens de la domination et ceux qui désirent le bien public, Botero, quant à lui, ne connaît qu’un seul prince, celui qui se donne les moyens de la domination, et il nomme raison d’État la connaissance de ces moyens.

Toutefois la vertu du prince chez Botero est bien loin de la virtù machiavélienne. En premier lieu, cette vertu reste une vertu chrétienne. Elle n’est pas tant l’ensemble des qualités qui permettent d’agir selon la raison d’État que l’ensemble des qualités qui font un prince chrétien. Il y a ainsi une dualité dans le prince de la raison d’État tel que le conçoit Botero. D’un côté il cherche la domination et les moyens de la domination, de l’autre il obéit à Dieu et c’est par là que sa domination est justifiée « La Religion est le fondement de toute principauté :... et attire sur elle le concours surnaturel de la grâce divine

De la sorte, la définition botérienne de la raison d’État, d’abord détachée de toute considération morale, se trouve sensiblement limitée. Tous les moyens de domination sont bons, à condition qu’ils soient conformes à la loi de Dieu. L’obéissance à la loi divine est ce que le prince doit à Dieu en échange du royaume et de l’obéissance des sujets qu’il a reçus de Dieu. La volonté de Dieu est au fondement de l’État et l’État est fait pour accomplir cette volonté sur terre. Sans doute est-ce pourquoi, après avoir défini la raison d’État comme connaissance des moyens de fonder, conserver et agrandir une domination, Botero réduit immédiatement la portée de sa définition en précisant que la raison d’État concerne plus spécifiquement les moyens de la conservation et non ceux de la fondation et de l’élargissement : « Car la raison d’État suppose le prince et l’État ; le premier comme ouvrier ; le second comme matière (...). »

Les moyens de la domination sont donc subordonnés à la désignation du prince et à l’établissement de l’État, lesquels supposent la fondation dont il faut comprendre qu’elle ne relève pas, en définitive, de la raison d’État. Le même argument vaut pour l’élargissement qui suppose le maintien d’une domination déjà existante, mais se présente comme une fondation eu égard aux populations nouvellement soumises. Or, si la fondation ne relève pas stricto sensu de la raison d’État, c’est qu’elle relève de Dieu et que les meilleurs moyens ne sauraient permettre au fondateur d’État d’agir efficacement s’il n’était d’abord l’élu de Dieu.

La raison d’État est en définitive la connaissance des moyens de conserver une domination, mais cette domination est elle-même un moyen au service de Dieu. Cette connaissance est donc, dans le prince chrétien, subordonnée à la religion ou obéissance à Dieu, qui est la mère de toutes les vertus. L’intention de Botero est ainsi de montrer comment une raison d’État au service de la domination peut aussi servir la loi de Dieu. Cela paraît impossible si l’on s’en tient aux présupposés anthropologiques de Machiavel. Une humanité généralement méchante, avide et peureuse – uomini, fugitori de’pericoli, cupidi di guadagno  – ne peut produire un prince vertueux au sens chrétien.

Or Botero paraît accepter de considérer la peur et l’avidité comme les passions fondamentales. Au premier rang parmi les manières d’entretenir le peuple (trattenere il Popolo) Botero place l’abondance, la paix et la justice   : la première permet que le peuple ait assez de subsistances pour ne pas craindre la faim, la deuxième que ces subsistances ne risquent pas d’être prises ou détruites par l’ennemi extérieur, la troisième que chacun se sente protégé de l’iniquité de ses compagnons. Possédant peu, le peuple désire acquérir au moins les biens nécessaires à la survie et craint d’en être privé. Le peuple désigne donc la masse de ceux qui ne sont pas assez riches pour se sentir à l’abri du besoin et dont l’inquiétude, si elle n’est apaisée, peut à tout moment entraîner la ruine de l’État. Ainsi, dans l’État botérien, les pauvres ressemblent-ils grandement à l’homme machiavélien : « Les pauvres et les misérables ne peuvent vivre sous les lois, parce que la nécessité en laquelle ils se trouvent ne connaît et n’a point de loi. » 

Botero reprend ici la maxime traditionnelle : necessitas non habet legem. Mais au lieu d’entendre par nécessité, comme le font les juristes médiévaux, l’état de menace qui pèse sur la chrétienté et sur l’Église et autorise que soient employés tous les moyens, sans souci d’aucune loi, pour le salut de la patrie chrétienne, Botero donne un sens nouveau à la maxime. Il pense la nécessité d’une façon qui le rapproche de Machiavel. La nécessité qui n’a point de loi, c’est d’abord la nécessité passionnelle commandée par les circonstances. Chez Machiavel, c’est donc la fortune, dont les hommes du commun sont les jouets, et que le virtuoso, conduit par la prudence, sait apprivoiser. Mais pour Botero, seuls les pauvres sont véritablement soumis à des circonstances qu’ils ne contrôlent pas et qui déterminent en eux une peur et une avidité impossibles à réfréner. En conséquence ils n’ont aucun souci des lois, c’est-à-dire des règles morales et des justes décrets du prince. Manquant de tout, les pauvres désirent s’emparer du bien d’autrui et sont donc avides de richesse aux dépens des autres hommes. Ils ne peuvent reconnaître l’utilité des lois qui interdisent de nuire à autrui et, en particulier, au bien d’autrui. Il leur semble, au contraire, immédiatement utile de voler. L’intérêt immédiat des pauvres est contraire à l’intérêt commun. Puisque leur sécurité n’est pas assurée, ils deviennent dangereux pour les autres. Ils donnent l’image de ce que seraient tous les hommes, si l’État n’assurait la paix et la prospérité.

Car l’avidité qui nuit aux autres n’est toutefois pas le seul régime des passions humaines à l’intérieur de l’État. Botero distingue trois classes sociales essentiellement définies par le rapport qu’elles entretiennent à la richesse :

En tout État, se trouvent trois sortes de personne, les opulents, les pauvres, et les médiocres ; entre l’un et I’autre extrème de ces trois sortes, ceux qui sont au milieu sont ordinairement les plus paisibles, et plus aisés à gouverner : et les extrèmes, plus malaisés : car les puissants, à cause de la commodité que les richesses apportent quant à soi, malaisément s’abstiennent du mal : les pauvres, à cause des nécessités en lesquelles ils se trouvent, semblablement ont coutume d’être fort vicieux

Les pauvres comme les puissants agissent bien souvent d’une manière qui nuit aux autres introduisant la discorde dans l’État ou complotant contre le prince, les premiers parce qu’ils désirent ce qu’ils n’ont pas, les seconds, parce que, possédant beaucoup, ils cherchent à obtenir encore plus. Nous sommes ici très prés de la manière dont Machiavel pense les mobiles qui animent les grands et le peuple . Mais Botero se distingue de Machiavel lorsque, renouant avec Aristote, il introduit, entre les grands et les pauvres, une classe intermédiaire, assez riche pour échapper au désespoir, c’est-à-dire à l’excès de crainte, assez pauvre pour n’avoir pas les moyens de trop grandes ambitions. La classe moyenne, rassurée quant à sa prospérité, ne désire rien d’autre que le repos sous la protection de l’État.

L’opposition à Machiavel ne réside donc pas tant dans l’identification des passions dominantes : des pauvres, on peut dire qu’ils ont peur de mourir de faim, c’est là le danger qui les menace le plus, et qu’ils désirent avant tout ce qui peut atténuer leur indigence. Quant aux autres membres de la société, ils sont conduits par un désir de richesse et d’acquisition en général, qui vise au-delà du strict nécessaire. Chez les plus riches, la passion de posséder devient insatiable et donc nuisible ; la peur de perdre ce qu’ils ont déjà pousse les opulents à l’extension de leur puissance et à chercher par eux-mêmes les moyens de leur sécurité ; tandis que, chez les médiocres, le désir de richesse s’accorde avec l’intérêt du prince et la conservation de l’État. N’ayant pas les moyens de se protéger seuls, il s’en remettent à celui qui gouverne. Et la peur n’est chez eux absente que dans la mesure où l’État favorise leur enrichissement et les protège en assurant la paix et la justice. En retour, le prince s’appuie sur eux pour contrôler les pauvres et les riches. Régner consiste ainsi, chez Botero comme chez Machiavel, à maîtriser la peur et le désir de possession des gouvernés.

Si Botero distingue trois classes dans l’État, et non deux, ce n’est donc pas au nom d’une théorie des passions qui lui serait propre, mais plutôt parce qu’il conçoit des moyens de gouverner les passions bien différents de ceux que propose Machiavel . La nouveauté botérienne réside dans la manière dont sont envisagés la richesse et ses modes d’acquisition. Chez Machiavel, la richesse est statique, conçue comme un patrimoine, qu’il faut protéger des convoitises ou augmenter en se faisant des ennemis, car celui qui s’enrichit le fait nécessairement aux dépens des autres . Botero, pour sa part, pense la richesse de manière dynamique : la quantité de richesse augmentant, il est possible de satisfaire le désir de richesse de ceux qui la produisent, et même d’enrichir l’État, sans nuire aux autres. La classe moyenne est précisément la classe des producteurs qui satisfont leur désir de richesse par l’industrie. C’est pourquoi son intérêt, loin d’être à l’origine d’une instabilité nuisible à l’intérêt commun, s’avère être au contraire le meilleur allié de l’intérêt commun.

La domination au service de Dieu devient donc possible si le prince organise les moyens de la prospérité et, en aidant la classe moyenne à développer la production industrielle, se donne le loisir de contrôler les grands et les pauvres. Le principe essentiel de la raison d’État botérienne est celui de l’intérêt entendu non pas au sens générique, déterminé comme le but du désir passionnel en général, mais au sens particulier, à savoir comme le but que vise le désir d’acquisition seul. Loin d’être générateur de conflits, l’intérêt est pour Botero ce qui permet d’établir les conditions de la paix civile, laquelle rend les hommes dociles au prince et à Dieu : « (...) l’intéret apaise tous (I ‘interesse acqueta tutti). » 

La raison d’État botérienne, qui, selon le principe de la soumission à Dieu, paraissait être une raison d’État essentiellement chrétienne, se mue ainsi en raison d’État économique . Pour assurer la richesse de l’État, deux moyens peuvent être employés, la guerre et l’industrie. La guerre permet de s’enrichir aux dépens des autres États. Elle n’est plus cette situation ordinaire des relations entre les hommes et entre les États en fonction de laquelle le prince machiavélien devait assurer sa domination. Elle est plutôt un moyen au service de la paix intérieure. Mais l’industrie permet de parvenir au même but que la guerre par des moyens qui ne nuisent pas aux autres États et sont en définitive plus efficaces : « Il n’y a chose de plus grande importance pour accroître un État, et pour le rendre fort peuplé et riche de tout bien que l’industrie des hommes et la multitude des arts et métiers. » L’industrie est fondée sur les talents de la classe moyenne qui, par ce moyen, s’enrichit, se multiplie, attire la main d’œuvre étrangère, permet à l’État d’augmenter sa population et le rend plus à même de l’emporter à la guerre sur les autres États. L’industrie assure donc la richesse et la paix intérieure et permet de vaincre dans la guerre extérieure. Elle est le véritable fondement de toute prospérité.

L’ordinaire et l’extraordinaire

On voit que, à la lumière de cette raison d’État devenue raison économique, la vertu du prince change sensiblement de signification. Rapportée à Dieu, la vertu de celui qui gouverne est d’abord la piété : la religion est la mère de toutes les autres vertus et consiste à s’humilier devant Dieu. Elle a pour auxiliaire la tempérance qui, en accord avec les principes religieux, éloigne du prince et de son État le luxe et le vice. Mais rapportée à la raison d’État, la vertu se divisera maintenant en quatre autres espèces orientées vers l’intérêt commun compris comme prospérité commune. Il faut que le prince soit juste, c’est-à-dire qu’il distribue de manière proportionnée aux grands, aux pauvres et à la classe moyenne les biens et les honneurs, et qu’il veille à la justice commutative entre les sujets. Il faut qu’il soit libéral, soulageant la misère des pauvres, faisant œuvre de mécénat en faveur des lettres, des sciences et des arts, œuvre pieuse en faveur de la religion. Justice et libéralité s’appuient toutefois sur deux autres vertus plus strictement politiques : la prudence, qui est la connaissance des mœurs, du pays, de l’histoire et des moyens de gouvernement, autrement dit, connaissance de la raison d’État ; la valeur, qui permet au prince d’agir résolument et sans reculer devant la peur. Ainsi, dans la perspective de justification du prince devant Dieu, la hiérarchie des vertus semble subordonner à la religiosité la tempérance, qui modère le désir de domination, puis la justice et la libéralité, et enfin la prudence et la valeur. Mais dans la mesure où le prince cherche à assurer sa domination, la hiérarchie se renverse, et ce sont la prudence et la valeur qui paraissent commander.

En ce sens, Botero ne restaure pas l’image du prince pieux, libéral et juste renversée par Machiavel. Il apparaît plutôt que la libéralité et la justice botériennes sont en définitive subordonnées à l’intérêt et pourraient être pratiquées par un prince non chrétien. Certes, Botero affirme que le Prince doit être religieux et non pas seulement simuler la piété. Mais la raison en est qu’il est difficile de feindre longtemps. Dans cette perspective, c’est bien le souci de maintenir sa domination qui commande au prince d’être chrétien. La religion comme les autres vertus qui l’accompagnent sont les moyens qu’emploie la prudence pour assurer l’intérêt du prince. Il pourrait donc suffire d’être prudent et valeureux, c’est-à-dire de comprendre ce qu’il faut faire pour maintenir sa domination, et de le faire résolument. Sous une fidélité apparente à la tradition politique chrétienne, Botero tire ainsi les conséquences de la révolution machiavélienne. Dorénavant le pouvoir politique ne peut plus être pensé comme réalisation sur terre des exigences de la moralité. Il est d’abord réalisation des exigences de la passion d’intérêt ou désir de possession. Les impératifs hypothétiques qui permettent à l’État d’assurer les conditions de satisfaction de cette passion sont ce que Botero nomme la raison d’État, laquelle suppose un prince prudent et valeureux. La raison d’État est la raison du prince qui veille à l’intérêt de ses sujets, dans le but d’asseoir sa domination.

L’exception du prince botérien n’est donc pas tant l’exception d’un prince qui se trouverait au-dessus des lois humaines parce qu’il serait, plus que tout autre, soumis à la loi de Dieu. Si une telle soumission, qui définit la vertu chrétienne, est envisagée par Botero et mise pour ainsi dire en exergue à sa théorie politique, il ne s’agit cependant pas de ce qui fonde le concept de la raison d’État. Il faut au contraire supposer une autre vertu du prince, vertu profane qui fonde la raison d’État dans la prudence séculière de celui qui connaît les moyens de contrôler les passions. De la sorte, la raison d’État apparaît bien comme le nom que donne Botero à l’exception du politique, laquelle n’est pas pensée en rapport à la loi divine, mais dans sa relation au régime ordinaire des passions humaines. Si par révélation, autrement dit par obéissance aux commandements de la religion chrétienne, ou par conscience, les hommes se conduisaient tous selon les exigences de la raison universelle, selon les règles inconditionnées d’une moralité ayant valeur aux yeux de tous, alors l’État serait inutile. Chacun voudrait ce qui est bon pour tous et nul n’agirait d’une manière nuisible à autrui. Mais la plupart des hommes n’entendent pas les ordres de la raison ou, s’ils les entendent, ne leur obéissent pas. C’est qu’ils ont l’esprit occupé par la peur et le désir d’acquisition, chacune de ces passions variant en intensité selon que les circonstances favorisent l’une plutôt que l’autre. Au regard de ce qui est ordinaire pour la raison, la condition humaine s’installe habituellement dans l’exception. Les hommes ne sont pas ce qu’ils devraient être, à savoir des êtres rationnels. Ils n’agissent pas comme ils devraient agir, sous le commandement de la raison, pour le plus grand bien de tous. L’autorité politique pallie ce défaut de rationalité. Elle n’est pas absolument rationnelle, puisqu’elle est elle-même conduite par l’une des passions humaines fondamentales : le désir d’acquisition qui, lorsqu’il s’applique aux hommes autant qu’aux choses, devient désir de domination. Mais tandis que les hommes sont généralement aveuglés par leurs passions ou du moins trop pressés de les satisfaire pour raisonner sur les moyens d’y parvenir, l’État est précisément ce par quoi, dans un monde où règne la déraison des passions, un peu de raison vient aux hommes. Par lui, certains impératifs de prudence, en d’autres termes les impératifs d’une raison subordonnée à des fins qui ne sont pas les siennes, peuvent être mis en œuvre. Pour que l’intérêt du prince triomphe, il faut que le prince soit raisonnable et sache modérer son avidité, qu’il ménage l’avidité de ses sujets et apaise leur peur. Mettant la raison au service de sa passion du pouvoir, le prince se soucie en définitive de ce qui est bon pour tous. Dans l’exception déraisonnable des passions le prince introduit l’exception raisonnable du politique, l’exception d’une raison qui, quoique soumise aux mobiles passionnels, retrouve une certaine forme de moralité.

Ainsi, le débat entre les partisans d’une raison d’État morale, qui s’accorde avec la loi de Dieu, et ceux d’une raison d’État immorale apparaît somme toute secondaire à partir du moment où est reconnue la différence de la raison d’État moderne et de la ratio status médiévale. La raison d’État obéit d’abord à l’intérêt et ne se détermine point en rapport à une quelconque moralité transcendante. Mais les moyens à mettre en œuvre pour préserver l’intéret des gouvernants varient en fonction des circonstances. Si les passions qui rendent les hommes méchants s’apaisent, il est possible de gonverner sans recourir à la méchanceté. Mieux, si le prince, comme le pense Botero, dispose des moyens qui permettent d’apaiser les passions, alors il peut gouverner sans utiliser l’immoralité. Mais dans le cas où l’avidité et la peur se réveillent et rendent les hommes dangereux les uns pour les autres et en particulier dangereux pour celui qui gouverne, alors sans doute faut-il recourir à des moyens extraordinaires et immédiatement immoraux. Le législateur et le prince non républicain de Machiavel seront méchants contre les méchants. Raison d’État ordinaire et raison d’État extraordinaire sont en définitive les deux figures d’une même raison d’État, laquelle est, par définition, indifférente à toute moralité transcendante mais tout à fait intéressée à obtenir de ceux qu’elle gouverne un comportement favorable au prince. Par la douceur ou par la contrainte, la raison d’État commande en tout cas de conduire les hommes, naturellement portés à la méchanceté, jusqu’à se comporter d’une manière qui leur donne l’apparence de la bonté.

Si, chez nombre d’auteurs et dans l’usage que nous a transmis la tradition, le concept de raison d’État tend, après Botero, à se spécialiser, ne désignant plus que les moyens exceptionnels mis en œuvre pour le salut public, sans doute est-ce parce que la conscience d’une solidarité, qui réunit l’intérêt de celui qui gouverne à l’utilité que le peuple lui reconnaît, n’est jamais si forte qu’au moment où des circonstances extraordinaires ravivent la peur et l’avidité des hommes. Alors il n’est plus possible de gouverner en suivant les règles habituelles qui ont jusque-là assuré la tranquillité du prince et du plus grand nombre des sujets. Le prince est renvoyé à l’exigence de faire triompher son intérêt, menacé par une méchanceté dont il n’avait plus l’habitude. C’est ici que se dévoile la vérité de la raison d’État, la vérité d’une politique qui ne peut plus se parer d’une légitimité fondée dans une coutume ou dans des lois généralement acceptées. La seule exigence est de se sauver, de vaincre sous peine d’être vaincu, et dans l’adversité qui sans cesse invente de nouveaux ennemis, les moyens qu’il faut utiliser ressembleront nécessairement à ceux que Machiavel recommande au législateur d’une république comme au prince non républicain. Dans de telles circonstances, le prince ne peut oublier qu’il dépend seulement de lui et des moyens qu’il utilise de sauver son pouvoir. Il sait avec certitude que les hommes ne sont pas naturellement disposés à lui obéir et qu’il faut, par raison d’État, les y conduire de gré ou de force.

Résumé — Au début du traité Della ragione di Stato, Boreto déclare son opposition résolue au machiavélisme. Il récuse en effet une conception de la raison d’État fondée sur l’immoralisme, sur la transgression répétée des commandements divins. Mais Botero ne prône pas un simple retour à une fondation théologique du politique. Il reprend plutôt à son compte, sous le nom de raison d’État, une conception du politique délivrée de toute relation à la moralité transcendante venue de Dieu, une conception amorale telle que Machiavel l’envisageait déjà. Et dans cette perspective il introduit la distinction entre raison d’État ordinaire et raison d’État extraordinaire et prétend montrer de quelle manière une raison d’État ordinaire, pourtant conduite par le seul désir de domination, peut employer des moyens tout à fait compatibles avec les exigences de la morale chrétienne.


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