Que faire de l’Union européenne ? comment à gauche penser la rupture

jeudi 18 février 2016.
 

Delenda Carthago, « Carthage doit être détruite », s’exclamait Caton l’Ancien à chacun de ses discours, au temps de la rivalité de Rome et de Carthage. « La zone euro doit être abandonnée », réclame inlassablement Frédéric Lordon. Il faut lui reconnaître que Carthage fut effectivement détruite. Les litanies opiniâtres du vieux conservateur romain n’en furent toutefois pas la cause, mais le fait que Rome, alors puissance montante de la Méditerranée, avait les moyens de terrasser son adversaire.

Or, à ce jour, hors de l’euro ou dans l’euro, le problème est que les forces de transformation sociale n’ont pas les ressources capables de les faire gagner. Dans ces conditions, promettre la victoire par la sortie de l’euro a, au mieux, la vertu mobilisatrice de Paul Reynaud – futur dernier chef de gouvernement de la IIIe République – affirmant en septembre 1939 : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ». Quelle rupture avec l’Europe ?

Ceux qui disent que la question de l’Europe devrait être un élément structurant des controverses à venir, et donc un thème majeur de la présidentielle de 2017, ceux-là ont raison. Tout consensus factice, qui ignorerait les divergences réelles sur ce point, serait source de désastres futurs. Il y a pour l’instant une ligne de fracture, à court terme insurmontable, entre ceux qui considèrent que le cadre actuel de l’Union est aménageable en l’état et ceux qui pensent que seule une rupture du cadre lui-même rend possible une ultérieure avancée démocratique et sociale.

Une fois ce constat admis, inutile de se cacher que, à l’intérieur d’un parti pris de rupture, les désaccords sont profonds et que les toutes dernières années les ont avivés. Reste à savoir si ces désaccords sont à ce point fondamentaux qu’ils nécessitent d’installer des barrières à l’intérieur d’une gauche bien à gauche. En 2005, après la victoire du « non » contre le projet de Traité constitutionnel européen, la Ligue communiste révolutionnaire expliqua qu’un clivage décisif opposait désormais les « antilibéraux » et les « anticapitalistes ». Je continue de penser que la LCR avait tort, qu’elle en a payé l’addition, mais que nous l’avons tous payée avec elle. Je ne voudrais pas qu’une semblable dispute nous paralyse aujourd’hui.

J’ai commencé par une pique à l’encontre de Lordon. Cela ne m’empêche pas de juger qu’il exprime avec force une cohérence que je récuse dans sa trame, mais que je ne méprise pas. Dans ses livres récents, Lordon se réclame en permanence de Spinoza pour plaider en faveur d’une vision « réaliste » des rapports internationaux. Le « mondialisme », nous dit-il, est une belle idée, mais une parfaite utopie dans un monde où règne le rapport des forces. Il n’y a pas de mobilisation sociale ou civique sans « affect », ajoute-t-il. Or, depuis deux siècles, les « affects » politiques se construisent dans un cadre national. Tout parti pris subversif doit donc s’enraciner avant tout dans un cadre national. C’est sur cette base-là, et sur elle seulement, que des rapports solidaires peuvent se nouer entre les nations.

En ce sens, « l’européisme » qu’il exècre est au mieux un enfant perverti de l’internationalisme. Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup y ramène, expliquait Jaurès. Lordon se rêve-t-il en nouveau Jaurès ? En tout cas, son propos est clair ; c’est en redonnant à chaque nation la base de sa souveraineté économique et donc en lui restituant sa monnaie nationale, que l’on créera, mais ultérieurement, les bases d’une coopération continentale équilibrée.

Des motifs solides m’éloignent de ce cadre de pensée.

1. Tout d’abord, le « réalisme » est un piège à mes yeux. En matière d’analyse des relations internationales, il existe une théorie dite « réaliste », qui a été formalisée aux États-Unis il y a plus d’un demi-siècle. Elle repose sur un postulat simple : « La politique internationale, comme toute politique, est une lutte pour la puissance » (Hans Morgenthau, 1948). Lordon nous propose une version « de gauche » du paradigme réaliste. La lutte des classes se confond avec la guerre, or la guerre récuse « l’angélisme ». Dès lors, toute lutte oppose dans chaque camp les faibles et les forts, les durs et les mous, les déterminés et les indécis, les radicaux et les capitulards. Qui veut la guerre doit se doter des armes pour la mener. D’abord la fougue d’Achille et l’ordre militaire d’Agamemnon ; la prudence du vieux Nestor et la ruse d’Ulysse ne viennent qu’après…

Cette façon de voir, qui n’échappe pas à un certain virilisme, n’est rien d’autre que celle de la guerre froide, même si elle est vue de gauche. Il y aurait toujours deux classes (aujourd’hui le « peuple » et la « caste » ou les « élites ») et donc deux camps. On ne dit plus « classe contre classe » –- l’histoire communiste fait que la formule est mal vue. Mais il y aurait le système et l’anti-système, eux et nous, camp contre camp. L’histoire pourtant devrait faire réfléchir. Le communisme d’après 1945 a voulu « choisir son camp » et lui donner toutes les ressources de la puissance. À l’arrivée, il a perdu. Pas seulement parce que ses forces étaient inférieures, mais parce que pour gagner il en est arrivé à pousser si loin les logiques de la puissance (discipline, étatisme, coercition) qu’il est devenu le contraire de ce pour quoi des millions d’individus s’étaient reconnus en lui. La vérité du « réalisme », hélas, ce fut le stalinisme. La Russie soviétique crut qu’elle avait ainsi assis définitivement sa puissance ; elle ne vit pas qu’elle créait en fait les conditions de sa paralysie, puis de sa nécrose.

Aujourd’hui, où l’on nous explique à longueur de temps que nous sommes en état de guerre, la logique ne devrait pas être de s’adapter à la guerre mais de s’en sortir. Le réalisme supposé de la puissance est toujours un leurre, quel que soit le « camp » qui en use. Dans le cas du mouvement critique (dont le mouvement ouvrier a été longtemps la figure historique majeure), il conduit au désastre. En ce sens, ce qui s’est produit hier se reproduira demain.

2. À sa manière, Lordon n’affirme curieusement rien d’autre que ce que prônait… le PCF jusqu’aux années 1980. Que disaient alors les communistes ? Que la crise était « avant tout nationale », que la lutte contre le capitalisme l’était tout autant et que le socialisme ne pouvait être qu’aux « couleurs de la France ». Cette conception avait sa force et je l’ai longtemps partagée, avec passion. Elle n’est plus la mienne aujourd’hui, même si je n’ai aucune envie de seulement lui tourner le dos.

Nous vivons dans un monde qui n’est plus seulement la juxtaposition des nations. Ce n’est pas que la nation se soit évanouie, comme le pensaient certains, ni que l’État national ait perdu toute possibilité d’agir sur l’ordre des choses. Mais l’interdépendance des sociétés humaines fait que la structuration du social se fait dans un cadre qui n’est plus uniquement celui de « l’inter-national », mais qui est fait tout autant de « supra-national ». Le communisme ou le socialisme « dans un seul pays » a toujours été une illusion ; ce l’est plus que jamais aujourd’hui.

Le problème de notre temps n’est pas que la mondialisation ait imposé comme figure dominante celle du supranational, mais qu’elle ait totalement superposé mondialité et capitalisme, efficacité et concurrence, gestion supranationale et gouvernance. Qu’on le veuille ou non, que cela soit facile ou difficile, nous sommes devant un dilemme, que l’on ne peut nier et que l’on doit assumer. Si nous quittons le terrain du supranational, nous le laissons aux forces dominantes et, ce faisant, nous leur abandonnons le monopole d’énonciation de ce qui est raisonnable et de ce qui ne l’est pas, de ce qui est légitime ou illégitime, de ce qui est possible et de ce qui est impossible. Mais si nous occupons le terrain du supranational, nous devons le faire d’une manière qui ne nous englue pas dans la forme aujourd’hui imposée (concurrence et gouvernance) de la supranationalité. Dans un cas, nous nous isolerions ; dans l’autre cas, nous nous enliserions.

3. Il se trouve que la superposition savamment construite par les forces dominantes ne vaut pas que pour le cadre supranational. Elle ne concerne pas que l’UE. Elle s’est tissée à l’intérieur de chaque territoire, du local au planétaire, jusqu’à devenir partout une évidence incontournable, celle du « TINA » (There is no alternative). Les défaites, « nos » défaites ont été enregistrées partout, et la plupart du temps elles ne l’ont pas été d’abord dans le cadre européen. Celui-ci n’est pas plus voué par nature à « l’ordolibéralisme », que le cadre national ne l’est au « post-capitalisme ». En fait, mieux vaut nous débarrasser des explications commodes en termes de « d’abord » ou « d’avant tout ».

Ni « avant tout européenne » ni « avant tout nationale » : c’est dans chaque territoire que se mène la lutte pour un autre modèle de développement et une autre architecture démocratique. On peut même ajouter : c’est dans la mesure où les transformations sont pensées de façon cohérente à toutes les échelles, du haut en bas ou de la cave au grenier, que l’action transformatrice puise sa puissance de conviction pour gagner et sa force de réalisation pour construire une rupture avec l’ordre dominant.

Contrairement à ce que sous-entend Lordon, toute pensée transformatrice dans le cadre européen n’est pas un « européisme » ; en sens inverse, toute prise en compte du fait national et des capacités d’action de l’État national n’est pas un « souverainisme ». Mais « l’européisme » et le « souverainisme » sont les deux pièces d’un étau qui étouffe la dynamique démocratique. Je ne vois pas en quoi proposer d’agir dans les institutions européennes pour les contester est européiste ; en revanche, je ne vois pas pour l’instant en quoi Lordon nous évite le piège du souverainisme.

4. Pour réfléchir sur l’enjeu européen, l’expérience grecque n’est pas secondaire. Mais en faire l’opérateur par excellence d’une pensée renouvelée est à mes yeux une impasse. Je crains que, sur la question grecque, les désillusions ne soient à l’aune d’un excès d’espérance. Dans la gauche de gauche, on a trop vu, dans la victoire de Syriza, le nouveau « maillon faible », celui qui, après tant d’expériences malheureuses, allait enfin créer la faille par laquelle finirait par s’engouffrer l’urgence de révolution.

S’il y a pour moi une leçon à tirer, c’est précisément que le maillon faible n’existe pas, qu’il n’y a pas de moment magique à partir duquel s’enclenchent les cycles vertueux. L’action transformatrice, l’imposition de logiques de rupture ne peuvent se penser que comme un processus étalé dans le temps, fait d’avancées et de reculs, où seule compte la cohérence des efforts accomplis dans chaque territoire. D’une manière ou d’une autre, toute avancée dans un territoire, local, régional ou national, qui ne s’appuie pas sur une mobilisation correspondante ailleurs est potentiellement vouée à une inefficacité au mieux relative, quand ce n’est pas à un échec final.

Au début des années 1980, la victoire en France de l’union de la gauche dans une Europe en voie de néo-libéralisation, c’était en germe la possibilité du renoncement social-démocrate. Des centaines de milliers de manifestants et d’électeurs en Grèce et une opinion publique européenne qui regarde, fût-ce avec sympathie, mais qui n’agit pas pour soutenir, cela limite d’emblée le champ de manœuvre pour l’État d’un pays peu puissant, dont la société est éclatée. Un « non » majoritaire en France sans mouvement politique européen pour en imposer une vision continentale, et sans construction politique nationale pour y aider, cela crée la possibilité d’une reprise en main par les dominants, en France comme ailleurs. De puissants mouvements d’indignés, ici ou là, qui ne peuvent se raccorder à une contestation continentale coordonnée, cela donne de l’air frais mais n’offre pas nécessairement une force propulsive généralisée sur la durée.

Le constat de départ est tout simple : il n’existe pas encore, à l’échelle continentale, de mouvement social et politique assez fort pour contester l’hégémonie des forces dominantes de la finance et de la rationalité technocratique. Bien des raisons expliquent ce fait ; mais force est de constater que cette carence de longue durée est un lourd handicap. La surmonter est une rude tâche ; s’en détourner est une faute. De plus, c’est un leurre : il n’est pas plus commode de vaincre le « système » dans le cadre national que dans le cadre européen.

5. À bien des égards, il n’y a pas plus de projet « européen » de transformation qu’il n’y a de projet « national ». Les forces de critique doivent formuler un projet cohérent de rupture avec les logiques dominantes. Ce projet a des dimensions territoriales particulières, mais dont l’efficace ne vaut que si ces dimensions s’articulent entre elles. On peut donc énoncer de façon spécifique le niveau territorial particulier du projet transformateur ; cela n’en fait pas pour autant un projet régional, national ou européen par nature.

De ce point de vue, je mettrais pour ma part en garde contre des formules qui me paraissent relever davantage de la rhétorique que de la pensée stratégique. Pour tenir compte de l’expérience grecque, on trouve par exemple (je pense aux réflexions stimulantes de Coutrot et Khalfa) les idées suivantes : une France de gauche ne devrait pas proposer une sortie de l’euro, mais engager unilatéralement des mesures en rupture avec la logique de fonctionnement des traités et, sur cette base, en assumer les conséquences, jusqu’à une possible exclusion de l’euro.

Je comprends l’intention qui sous-tend la proposition, mais je n’en vois pas très bien les implications. Un « Grexit » aurait fragilisé l’euro, mais ne l’aurait pas remis en cause ; un « Franxit », lui, affecterait dans ses structures fondamentales un dispositif certes dominé dès le départ par l’Allemagne, mais qui est l’expression d’un couple central, face à un Royaume-Uni resté monétairement en marge. Une exclusion de la France signifierait, de facto, une fin de l’euro et donc une remise à plat globale. Et si, malgré tout, on est convaincu qu’une logique anti-austérité conduisait nécessairement à la rupture avec l’Union, autant l’envisager sans attendre. Mais auquel cas, se pose la question de l’alternative. La France seule dans la « mondialisation » ? Impossible. Des alliances, mais avec qui ? Des États plus faibles ? Il faut en trouver qui veuillent bien d’un tel accord et il faut que ledit accord soit à la fois équilibré (pas de rapport déguisés de domination, du type « Françafrique ») et efficace dans la jungle internationale. Des relations privilégiées avec la Russie ou la Chine, plutôt qu’avec l’Allemagne ? Pas sûr qu’on ne tombe pas de Charybde en Scylla…

Auquel cas, la position qui consiste à dire que l’on rompt et que l’on n’a peur d’aucune conséquence risque de n’être guère qu’une posture un peu incantatoire du « même pas peur ! »… Ce fut au départ la posture des socialistes après 1981. Elle n’a pas duré très longtemps. Bien sûr parce que… les socialistes sont les socialistes. Mais il ne faut pas sous-estimer un autre problème, qui ne tient pas seulement à une propension socialiste au compromis. Si la radicalité moderne est un processus long de passage d’une dominante à une autre et si la conception que nous avons de la sphère publique s’écarte de la logique étatiste, qui garantit qu’une accélération trop rapide du processus de rupture ne débouchera pas, une fois de plus, par commodité, sur une étatisation de fait des secteurs décisifs ? Nous aurions alors fait reculer l’appropriation privée, pas nécessairement progresser l’appropriation sociale. Ce qui poserait à la fois des problèmes de construction politique (il faut des majorités pour accepter l’accélération et ses conséquences) et des problèmes d’éthique politique (il faut de l’émancipation et pas de la collectivisation). Se contenter de dire que l’on va vers la rupture et qu’on verra ensuite les conséquences me semble manquer un peu trop d’esprit de suite.

Mieux vaut alors s’en tenir à l’idée que l’on ira le plus loin possible dans la tension entre l’exigence émancipatrice et un cadre européen qui en nie pour l’instant la pertinence. En ajoutant bien sûr que, à chaque moment, un débat public national, sur la base d’une information permanente, permettra au peuple (ici l’ensemble des citoyens) d’exercer dans les meilleures conditions sa souveraineté, c’est-à-dire d’être informé, de délibérer, de décider et d’évaluer, le plus souvent possible par voie directe.

6. Je termine par un retour sur « l’européisme ». Communiste, je viens d’une culture française qui a été radicalement critique à l’égard de la construction européenne entreprise après 1945. Je n’ai pas varié dans l’intensité critique et « l’européisme » n’est décidément pas mon horizon. Mais j’ai fini par me convaincre qu’il y avait un piège meurtrier, quelle que soit la logique historique de l’Union européenne, à identifier l’Europe telle qu’elle est à l’Europe telle qu’elle doit être.

Je suis même étonné qu’une pensée qui se veut « non utopique » et « réaliste » n’aille pas plus loin. Nous vivons dans un monde inégal et instable, de plus en plus polarisé et de plus en plus incertain. Par-là ce monde, qui regorge de potentialités, est en même temps un monde dangereux, non pas parce qu’il est menacé par la « guerre des civilisations », mais parce qu’il est gangrené par la concurrence et la gouvernance. Au moment où le nationalisme de rétraction, du « eux et nous » et du « chacun chez soi » est en train de prospérer, le jeu de la puissance (économique, militaire, politique) est plus que jamais le régulateur par excellence.

Se plier à la loi de la puissance est un leurre ; en ignorer les effets est un enfantillage. Or, si l’on excepte quelques États continentaux, le niveau qui détermine l’influence échappe pour l’essentiel aux États nations. En Europe, en tout cas, aucun État n’atteint ce seuil de crédibilité, pas même l’Allemagne. D’une manière ou d’une autre, c’est l’Europe qui, quelle qu’en soit l’extension, constitue une force qui compte vraiment. La question clé n’est pas alors de discuter de la pertinence du cadre (il l’est à l’échelle mondiale) mais de son orientation.

L’Europe dans la mondialisation sera-t-elle une Europe-marché, une Europe-puissance ou une Europe-société ? L’Europe a-t-elle ou non, par son histoire et sa configuration, des ressources pour peser en faveur d’une autre mode de développement, d’une autre dynamique citoyenne, d’une autre conception du caractère structurant des droits, d’une autre manière d’articuler le social et le politique ? Pour une souveraineté… populaire

Si ces ressources existent, comment les mobiliser ? Comment faire en sorte que l’orientation générale des choix ne soit pas fixée par les marchés, les lobbies et les technostructures, mais par les populations, toutes les populations sans exception ? Comment faire en sorte que les peuples d’Europe, sans pour autant se définir comme un « peuple européen », apprennent à se considérer comme un acteur commun d’un destin continental transcendant celui de chacun de leurs États ?

Dès l’instant où ces questions occupent le devant de la scène, la controverse du fédéralisme et du souverainisme n’a plus de sens. Le cadre européen est stratégique pour l’avenir de chaque peuple européen et pour l’équilibre du monde, mais il n’a pas encore l’épaisseur d’un cadre unanimement reconnu de citoyenneté. Le cadre national, même affaibli, reste un cadre de politisation, mais il n’a plus la force propulsive qui en faisait le lieu où se déterminaient « avant tout » les rapports de force. L’Europe n’a pas la centralité suffisante et la nation ne l’a plus. Inutile de pleurer les bonheurs nationaux d’hier ou de rêver du bonheur européen de demain : les deux affirmations précédentes sont vraies en même temps. Il n’y a donc pas d’autre choix que de les accepter en même temps.

Disons-le en un mot : la souveraineté reste une question centrale, mais il s’agit surtout de dire si elle est populaire ou non. Locale, régionale, nationale, continentale ou planétaire, peu importe le territoire : l’essentiel est de se convaincre et de convaincre que la souveraineté sera populaire ou qu’elle ne sera pas.

Roger Martelli

Références

Frédéric Lordon, La malfaçon. Monnaie européenne et souveraineté démocratique, Les Liens qui Libèrent, 2014

Frédéric Lordon, Imperium. Structures et affects des corps politiques, La Fabrique, 2015

Alexis Cukier, Pierre Khalfa (coord.), Europe, l’expérience grecque, Éditions du Croquant, 2015

S. Halimi, R. Lambert, C. Lapavitsas, P. Rimbert, Y. Varoufakis, Europe : le révélateur grec, Les Liens qui libèrent, 2015

Stathis Kouvélakis, La Grèce, Syriza et l’Europe néolibérale, La Dispute, 2015

Marie-Laure Coulmin Koutsafis (dir.), Les Grecs contre l’austérité, Le Temps des Cerises, 2015

Dominique Crozat, Élisabeth Gauthier (coord.), Écrits sur la Grèce, Éditions du Croquant, 2015. P.-S.

* « Que faire de l’Union européenne ? ». Regards. 10 février 2016 :


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