Ce qui nous unit... (Clémentine Autain)

mardi 2 février 2016.
 

Alors que l’idée d’une primaire à gauche s’installe dans le débat public, il n’est pas inutile de se demander autour de quelles bases elle peut se réaliser. La logique d’une votation citoyenne veut que les perdants soutiennent le ou la gagnant-e. Cela suppose que les différents candidats s’inscrivent dans une même perspective politique, au-delà des différences de personnalités et de propositions. Pour ne pas ajouter de la désespérance à la désespérance suscitée par la politique Hollande, Valls, Macron, c’est sur une tout autre orientation que nous pouvons construire une unité nouvelle. Ma conviction, c’est qu’il existe un socle commun à des forces aujourd’hui éclatées, allant de la gauche du PS à certains militants du NPA, du Front de gauche à de larges franges d’EE-LV, de mouvements sociaux et citoyens au monde intellectuel et culturel critique.

Depuis trois ans, les critiques à gauche des choix gouvernementaux portent en germe des bases d’accords programmatiques, en positif. Les voix se sont élevées, de façons dispersées mais convergentes, contre la réduction des dépenses publiques, le « pacte de responsabilité », l’autorisation des forages pour les gaz de schistes, la déchéance de nationalité, la condamnation des Goodyear. La contestation s’est également exprimé vis-à-vis des renoncements à réformer l’impôt pour qu’il soit plus juste, à poursuivre l’ABCD de l’égalité à l’école, à mettre en place l’écotaxe ou à instaurer enfin le droit de vote des étrangers. Ces critiques partagées constituent autant de points d’appui pour dessiner les contours d’une alternative de gauche, capable de rompre avec trente ans de politiques qui se suivent, se ressemblent et ne cessent d’échouer. Ce que nous devons enclencher, c’est un processus de refondation d’une gauche de transformation sociale et écologiste. De quoi ce nous est-il le nom ? D’abord d’un autre horizon. Non, monsieur Macron, nous ne rêvons pas d’être milliardaires mais d’une vie meilleure. En France aujourd’hui, VIe puissance économique mondiale, des millions de personnes sont laissées sur le bord de la route et l’on se dit que nos enfants vivront moins bien que nous. Il faut que ça change.

La société de consommation abîme la planète

Ce qui nous unit, c’est le refus de la marchandisation du monde et de l’argent-roi. C’est la défense de la dignité et de la vie bonne contre la loi mortifère du profit. C’est pourquoi nous refusons les politiques d’austérité et le carcan néolibéral des traités européens. Nous proposons la relance de l’activité économique par l’investissement dans des secteurs et des emplois favorisant le lien social, l’éducation, la culture, l’environnement. Contre la précarité et la flexibilité, nous voulons accroître le socle des droits et des protections. Nous voulons sécuriser les parcours professionnels et partager le temps de travail. Nous voulons que la finance cesse de dominer la société et que les richesses se répartissent en fonction de la justice sociale, et non des impératifs du capital.

Ce qui nous unit, c’est la conviction qu’il faut changer le sens de la production. La société de consommation abîme la planète mais aussi nos désirs. Nous voulons sortir nos imaginaires du mythe de la croissance infinie et, pour enrayer le réchauffement climatique, engager la transition énergétique, en développant les transports publics, en rénovant massivement les bâtiments, en promouvant les énergies renouvelables. Nous voulons une agriculture qui favorise une alimentation saine, l’emploi, la préservation des sols, loin de l’agro-business destructeur. Nous voulons favoriser les circuits courts, protéger notre santé, encourager l’économie circulaire.

Ce qui nous unit, c’est l’attachement à l’égalité. La réforme de la fiscalité pour plus de justice sociale, nous la revendiquons. L’égalité se joue aussi dans le développement des territoires. C’est pourquoi nous voulons agir contre la spéculation immobilière et assurer un maillage territorial juste et équilibré en termes de services publics, de commerces de proximité, d’équipements médicaux ou culturels. L’égalité doit aussi être obtenue entre les sexes et les sexualités car elle ne tombe pas du ciel mais se construit avec volontarisme. Nous défendons l’égalité contre toutes les formes de racisme, ce qui implique une intervention de la puissance publique contre les discriminations. Nous voulons sortir du piège de l’identité dans lequel le débat public est enfermé pour affirmer l’égalité comme élément déterminant d’une société apaisée.

Moment politique dangereux

Ce qui nous unit, c’est l’exigence de libertés individuelles et collectives. Le libéralisme économique a toujours pour corollaire le contrôle social. Nous refusons la surveillance généralisée et la pénalisation croissante des mouvements sociaux. Si nous ne voulons pas d’un état d’urgence permanent, c’est parce qu’il est inefficace pour combattre le terrorisme et qu’il menace nos droits et libertés. Ce que nous visons au fond, c’est l’exigence démocratique. Une nouvelle République est indispensable pour renouer un lien de confiance entre le peuple et les institutions, pour en finir avec la monarchie présidentielle. Nous aspirons au non-cumul des mandats, au statut de l’élu(e), à la proportionnelle, à plus du pouvoir pour le législatif, à l’essor des assemblées participatives. Notre démocratie se veut sociale, s’invitant dans les entreprises pour donner du pouvoir aux salarié(e)s. Nous ne supportons plus cette technocratie qui gouverne aux ordres des marchés et le mépris social des puissants. Ce n’est pas tout mais ce n’est pas rien. Nous le disons séparément si bien que ces axes simples et structurants d’une société différente résonnent souvent dans le vide. Divisés, nous deviendrons poussière. Ensemble, nous pouvons rependre la main. Il ne s’agit pas d’en rabattre sur nos débats, nombreux et utiles, nos querelles plus ou moins fécondes mais de prendre conscience du socle des convictions communes et de la nécessité à se rassembler dans ce moment politique dangereux, polarisé à droite toute, dans lequel la gauche se trouve en cendres.

Relancer une dynamique populaire, capable de battre en brèche l’extrême droite et de bousculer le système en place, prendra du temps. Mais il faut commencer, vite. Et si la primaire peut aider à trancher la question épineuse de l’incarnation de ce rassemblement à la présidentielle de 2017, il faut l’organiser. Nous avons la responsabilité historique de faire cause commune. Et nous avons un devoir d’invention.

Clémentine Autain. Tribune publiée dans Libération.


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