Sarkozy et les 35 heures : Incohérences et indigence de son argumentation

dimanche 10 avril 2005.
 

Le groupe PRS12 mène actuellement, à fond, la campagne pour le non au référendum. Nous tenons à marquer en même temps que la préoccupation sociale est au coeur de notre militantisme et de notre projet politique. Aussi, nous reprenons ici un article intéressant sur un des sujets majeurs pour les salariés : l’offensive idéologique et législative de la droite contre les 35 heures.

Les propos de Sarkozy sur les 35 h sont incohérents : Chacun de ses arguments contre les 35 h est indigent Tous les arguments ci-dessous sont tirés de l’interview de Nicolas Sarkozy dans Le Monde daté des 11 et 12 juillet. Y répondre est oeuvre de salubrité publique.

"Le travail supplémentaire doit permettre une rémunération supplémentaire"

Pipo.

Le problème clef est justement qu’il y a déjà un énorme travail supplémentaire non rémunéré. Il y a déjà place pour 13 h supplémentaires par semaine puisque la durée maxima théorique est de 48 h hebdomadaires. Mais même cette durée maxima est dépassée et des millions de salariés, dans la restauration, le bâtiment, le transport, l’agriculture, le nettoyage, le gardiennage, l’industrie, les services, les cadres, travaillent plus proches de 45 h, de 50 h quand ce n’est pas de 60 h - que de 35 h. Il y a déjà des milliards d’heures supplémentaires qui sont devenues un moyen de flexibilité du travail privilégié par 66 % des employeurs. Et plus d’un employeur sur deux ne paye pas ces heures supplémentaires au taux légal, ce qui constitue un vol et un dol cruel pour les salariés obligés de les effectuer, sous chantage à l’emploi et sans contre-partie.

"S’il y a des gains de productivité, les salariés doivent en récupérer une partie sous forme d’augmentation de salaires"

Malheureusement ce n’est absolument pas le cas, et c’est déjà le problème majeur dans notre société ! Nous avons les gains de productivité les plus élevés au monde, jamais la France n’a été aussi riche, et ce ne sont pas les salariés qui les produisent qui récupèrent ces richesses, mais les profits, les actionnaires - lesquels n’en ont jamais assez.

"La réforme des 35 h doit reposer sur un principe, le libre choix en permettant à ceux qui le veulent travailler plus pour gagner davantage"

Ineptie, ignorance totale de la part du ministre, du principe fondamental du droit du travail : le contrat de travail se caractérise par un "lien de subordination". Il n’y a pas de "liberté" dans l’exécution du contrat ! Pas un seul salarié de ce pays ne choisit ses horaires : ils sont sous la responsabilité unique des employeurs. C’est l’employeur qui décide de la naissance, de l’exécution et de la fin du contrat. C’est l’employeur seul qui décide ou non de faire faire des heures supplémentaires. Pour le salarié, les refuser peut être une faute qui peut même donner lieu à licenciement.

"On ne peut pas demander aux salariés de travailler 39 h en restant payés 35 h"

Hélas, cet ignorant de Sarkozy ne doit pas savoir (où alors il feint, ce qui est pire...) que c’est majoritairement le cas. L’immense majorité des salariés a été maintenue à 39 h et elles ne sont "payées" que 39 h 24’ soit une majoration de 10 %. Ensuite, comme avant, ils font 40 h, 43 h avec une minuscule majoration de 25 %. Et le plus souvent ces heures ne sont ni déclarées, ni majorées, ce qui est un immense manque à gagner pour les caisses de Sécurité sociale.

"Pour augmenter les salaires sans renchérir le coût du travail, il faut diminuer les charges sociales sur les heures supplémentaires",

Mais c’est déjà le cas de maniére tout à fait illégale. La majorité des heures sup’ ne sont pas déclarées, ni majorées. L’écrasante majorité du "travail au noir" dans ce pays, (que Sarkozy et Borloo, à tour de rôle, ont prétendu combattre), réside dans le fait que la majorité des heures supplémentaires effectuées ne sont pas payées. Qui ne le sait, par expérience, dans les médias, parmi les cadres, chez les précaires, les saisonniers, dans la confection, la maroquinerie, le commerce, la restauration, l’agriculture, la confection, etc... ?

"L’insuffisance du pouvoir d’achat des salariés et notamment des plus modestes"

Alors, ça c’est bien la seule chose qui soit vraie, la question centrale c’est celle des salaires, ils sont trop bas dans notre pays. Mais ce n’est pas à cause des 35 h. Les profits ont pris 10 points au détriment des salaires depuis 20 ans.

Il faut rendre les gains de productivité à nos salariés, aux plus "modestes", comme aux autres, car ce sont eux qui produisent le plus au monde - même en 35 h pour la minorité d’entre eux qui ont eu la chance de bénéficier en pratique de cette durée du travail - et qui ne reçoivent pas la part qu’ils méritent en retour. Le salaire médian est en dessous de 9000 F ou 1400 euros. Les travailleurs pauvres augmentent. Les 35 h n’ont pas freiné les salaires, elles ont permis aux salariés d’être seulement un peu moins exploités dans le temps à salaire le plus souvent constant.

"On n’est pas plus malade parce qu’on travaille 39 h au lieu de 35h.. Ces baisses de charges permettront de financer des augmentations de salaires pour ceux qui travailleront plus"

Mensonge total ! Déjà, les heures supplémentaires frauduleusement impayées creusent l’essentiel du trou de la Sécu... Sarkozy propose de légaliser la fraude patronale en baissant le coût des heures sup’. Et ce n’est pas vrai que ces "baisses de salaires brut" augmenteront le salaire des autres ! Qui y croit ? Et si on travaille de plus en plus, oui, on est plus malade : s’il a été établi des "durées maxima" depuis un siècle, c’est pour protéger à la fois la santé des travailleurs et l’emploi.

Les flux tendus, les gains de productivité, le stress et la souffrance au travail s’accroissent et la santé au travail en pâtit. Un invalide sur deux en France, l’est à cause des cadences trop dures et des trop longues durées du travail. Ça creuse le trou de la Sécu et ça augmente (d’ailleurs trop peu) les arrêts maladie.

Il n’y a pas de "charge" sociale. Cela n’existe pas. Sauf pour les ignares ou les menteurs. Respectons le droit, les textes en vigueur même pour proposer de les changer... Il y a des "cotisations sociales", c’est-à-dire un "salaire brut" et un "salaire net". Sarkozy propose de baisser le "salaire brut" et il baptise cela "baisse de charge" et en même temps il parle d’augmentation de salaire...

Qui croit ce langage ?

Sans omettre le mépris qu’il charrie déjà avec son accompagnement de chantage et d’intimidation : il y aura "ceux" qui voudront rester aux 35 h et "ceux" qui voudront travailler plus ! Il ne fera pas bon être dans la deuxièpme catégorie dans les entreprises...

"Il faut encourager les heures supplémentaires et non les décourager. Au-dessus de 35 h, une hausse de salaire d’au moins 10 % peut -être une base de travail".

Au contraire, il faut décourager résolument les heures supplémentaires, les contrôler, les limiter et les rendre plus coûteuses que l’embauche afin de réduire le chômage de masse. `

Quelqu’un que l’employeur fait travailler deux fois plus évite évdiemment l’embauche l’emploi d’autres qui sont au chômage.

"Concrètement, pendant 15 jours, au début de chaque année, chaque salarié pourrait faire acte de volontariat dans une entreprise, en choisissant d’être candidat pour faire des heures supplémentaires ou de rester à 35 h".

Pure stupidité. Même les plus "flexibles" des accords d’entreprise dérogatoires au droit, n’envisagent pas des "volontariats" individuels aussi irréalistes.

Nul n’est volontaire quand il est " subordonné ". Cette simple phrase de Sarkozy casse tout le droit du travail et fait des accords "gré à gré" une règle anti-républicaine, anti-accord de branche, anti-droit du travail, anti-négociation entre partenaires sociaux, anti-directive européenne...

Et qui a intérêt aussi bien côté salarié que côté employeur à planifier des heures sup’ à l’année sur la base du volontariat individuel ? Le patronat a signé un accord interprofessionnel le 31 octobre 95, toujours en vigueur, qui affirme que les "heures supplémentaires doivent être imprévisibles et exceptionnelles". Ce n’est pas une loi, c’est un "accord" en vigueur.

"L’entreprise aurait ainsi plus de souplesse, le salarié plus de pouvoir d’achat, et la Sécurité sociale plus de recettes, puisqu’il y aurait plus d’heures supplémentaires..."

Comment la Sécu aurait-elle plus de recettes en lui en enlevant ? Expliquez cela ou bien recalez l’individu qui l’affirme !

Comment le salarié aurait-il plus de pouvoir d’achat en le faisant travailler plus et en le payant moins ? Comment l’entreprise aurait-elle plus de souplesse en s’engageant à des heures supplémentaires, pour certains prétendument "volontaires" et pas pour d’autres ?

"Cette société du libre choix" serait une référence par rapport à "la rigidité de la majorité précédente".

"Libre choix" bidon : le salarié sera obligé d’accepter ce que lui imposera l’employeur sous peine de ne pas être embauché ou sous peine d’être licencié. Quant à la majorité précédente, elle n’était pas assez "rigide" puisque la flexibilité a pu s’inflitrer dans le cadre des lois Aubry et empêcher que les 35 h soient réellement mis en place pour toutes et tous. Elles n’ont crée que 350 000 emplios...parce qu’elles n’ont pas été assez appliquées, sinon elles en auraient crée le triple !

La flexibilité, c’est la surexploitation, c’est sexiste, c’est précarisation, c’est destructeur de droits en matière de vie sociale, de vie citoyenne, de santé. La seule "rigidité" qui existe dans ce pays, c’est celle que les employeurs et les actionnaires font régner contre les salaires.

Enfin les 35 h, c’est le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Apparemment Sarkoy ne veut pas toucher à ce seuil : mais le salaire ne saurait juridiquement dépendre des heures supplémentaires, il est établi sur le seuil légal des horaires normaux, donc sur 35 h. Est-ce à dire que le salaire va varier selon le bon vouloir de l’employeur qui voudra (ou non) imposer des heures supplémentaires ?

Quand à tout "forfait" : il impose d’être écrit, de ne pas supprimer la majoration légale des heures sup"’ forfaitisées, et surtout le nombre d’heures sup’ doit être "constant". Peu d’employeurs s’engagent dans de tels forfaits.

Et puis tout cela exige de remettre en cause accords d’entreprise, de branches, et accords interprofessionnels comme celui de 1995 qui définit les heures sup’ comme devant être "imprévisibles" et "exceptionnelles" (cet accord permet de dénoncer tout le systéme, déjà bien incohérent juridiquement de Sarkoy).

"Le partage du temps de travail est inadapté... il faut multiplier les emplois et non les diviser..."

Doit-on rappeler à Sarkozy qu’il a voté la loi de juin 1996 de son collègue de Robien qui proposait 32 h hebdomadaires sur la base du volontariat avec embauche correspondante à hauteur de 10 % ?

En fait, il y a eu un "partage" de facto, féroce, entre "sur-travail" (plus de 10 millions) "sous-travail (prés de 4 millions) "précaires" (prés de 1,5 million) et "sans-travail" (prés de 4,5 millions).

Le travail ne manque pas en effet : c’est une comète infinie en pleine expansion, il y en a pour tout le monde, pourvu qu’on veuille le distribuer, en même temps que les richesses qu’il produit. Au lieu de le rationner en accroissant le chômage pour le payer moins cher. Mais le choix de Sarkozy, c’est de diviser les travailleurs, augmenter le chômage de masse, et surexploiter ceux qui ont un emploi.

"Le droit du travail n’a jamais été aussi protecteur, et pourtant jamais les salariés ne se sont sentis aussi menacés !"

Mensonge !

Le droit du travail n’a jamais été aussi menacé, fragilisé, bafoué !

Les salariés sont soumis en permanence au chantage à l’emploi. Ils ne peuvent défendre leurs droits élémentaires, ni leurs salaires, ni leurs durées légales du travail, ni leur santé au travail, ni leur vie familiale et citoyenne. Leurs élus, leurs syndicats sont pourchassés, minorisés, licenciés comme au 19° siècle ! On licencie trop facilement de façon abusive dans ce pays ! Lorsque JL Borloo propose de recruter 85 inspecteurs du travail sur deux ans (soit 20 de plus par an en 2005 et 2006) c’est dérisoire. Pourtant il se proposait de lutter contre le "travail au noir", ne savait-il pas que c’était une lutte contre ces centaines de millions d’heures sup’ actuellement non déclarées.

"Je propose qu’on délocalise en France, dans des zones économiquement dévastées à 20 ou 30 % de chômeurs, en exonérant les entreprises d’impôts et de charges"

Sarkozy propose de dévaster le droit du travail en France même plutôt qu’à l’étranger. Il prétend que c’est impossible de construire une "ligne Maginot" contre les délocalisations, alors il propose d’instaurer les méthodes d’ailleurs chez nous.

Puisqu’en Chine, en Inde ou en Corée, on peut faire travailler les pauvres gens à bas salaires, sans cotisations sociales, sans répartition des richesses par le biais de la fiscalité, il propose d’instaurer les mêmes critères chez nous... `

C’est le rêve du Medef. Du frère Sarkozy. Pas surprenant que Seillière qualifie Sarkozy de "Zidane de Bercy" et le pousse en avant.

Si on était Zidane, on porterait plainte...

mercredi 14 juillet 2004 par Gérard Filoche


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