Renault et les pollutions : retour à Lardy et sur les fondamentaux ?

jeudi 21 janvier 2016.
 

La crise de ces derniers jours chez Renault est par bien des points symbolique du système économique dans lequel nous vivons.

Le groupe automobile Renault est le quatrième mondial. Nationalisé à l’issue de la Seconde Guerre, il devient une société anonyme dans les années 1990, mais aujourd’hui l’État n’en possède plus qu’une faible part. Récemment, pour des raisons conjoncturelles, il a toutefois porté sa participation de 15 % à 19,74 %. L’entreprise vend 2,7 millions de véhicules par an et malgré la crise ramasse quelques profits. En 2014, il a triplé ses bénéfices (1,998 milliard d’euros contre 695 millions en 2013) et souhaite faire mieux en 2015.

C’est dans cette situation et au lendemain du scandale Volkswagen qu’éclate cette affaire Renault. Il fallait bien que cela sorte un jour, tout le monde s’en doutait et on ne pouvait pas en rester là. Le déclencheur sera donc les militants CGT du site de Lardy. C’est justement le centre technique de Renault qui assure toutes les activités de mise au point et de test (2 pistes d’essais et environ 250 bancs d’essai). Ce centre emploie 1500 salariés et 500 sous-traitants à juste titre inquiets. Contradictoirement, Renault annonçait « un plan de 50 millions € afin de réduire les émissions de NOx de ses moteurs Diesel » tout en diminuant les effectifs en parallèle. Raisonnablement, ils pensaient ne pas atteindre ces objectifs sans embauche complémentaire. Dans son tract, l’organisation syndicale explique cela et s’étonne aussi, au détour d’un encadré, d’une descente de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sur le site. Elle s’interroge, d’autant plus que l’employeur n’a pour l’instant pas informé les salariés de Lardy sur le sujet. Les médias feront le reste et le cours de l’action baisse. Ces syndicalistes, non contents de déchirer les chemises des DRH, de retenir des patrons voyous en otage, sont maintenant accusés d’une « déroute boursière d’une ampleur exceptionnelle : une chute qui a atteint 20 % en quelques heures, effaçant ainsi l’équivalent de 4 milliards d’euros pour les actionnaires. »

« Tempête dans un verre d’eau » donc ?

L’État, parfait dans son rôle d’agent de service du patronat en général et du groupe Renault en particulier, va rassurer ces pauvres actionnaires. Depuis Berlin, Emmanuel Macron rappelle que la situation de Renault n’est « en aucun cas comparable » à celle de Volkswagen. Ségolène Royal intervient à son tour : « il n’y a pas de logiciel de fraude » ; toutefois les analyses ont montré un « dépassement de normes » pour le CO2 et l’oxyde d’azote sur des véhicules de la marque. En fait, il y a bien un hic : ces analyses faites nous apprennent que les résultats mesurés à ce jour ne sont pas bons !

Il est vrai que pour l’instant, les tests effectués ne sont pas représentatifs de la réalité, puisqu’ils le sont en laboratoire, sur tapis roulant et à vitesse réduite ! Les normes imposent des émissions d’oxyde d’azote (NOx) ne dépassant pas 60 mg/km pour les véhicules à essence, et 80 mg/km pour les diesels. Aujourd’hui avec des mesures plus conformes à la réalité, on commence à s’apercevoir que les rejets seraient de 3 à 5 fois supérieurs. Un test commandité par l’association environnementale « Deutsche Umwelthilfe », et diligenté par une équipe de l’université de Berne, constatait que l’Espace 1.6 dCi rejetait en moyenne onze fois plus d’oxyde d’azote que la norme. Pour le CO2, c’est la même histoire. Alors que la limite est de 130 grammes par kilomètre parcouru, une étude montrerait qu’ils seraient de 40 % supérieurs.

Oui cette histoire est assez représentative de notre monde. Tous les ingrédients sont là :

– un impérieux besoin de revoir nos modes de déplacement dans une logique de réduction de nos émissions (pollution et gaz à effet de serre),

– ce qui se heurte à une logique de profit d’un secteur automobile accroché à ses privilèges et qui se paie des lobbyistes actifs,

– un État absent, cantonné au service de ces entreprises et au maintien de la paix sociale,

– des humains, qui au milieu de cela essaient de survivre, de défendre leurs emplois et de sauver la planète.

René Durand


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message