Le pape François face aux cardinaux conservateurs de la Curie

jeudi 28 septembre 2017.
 

Pape François, héritier du fascisme argentin, de la Curie romaine ou de Vatican 2 ?

Les 15 maladies qui menacent la curie d’après le pape

Lundi, le pape a dressé la liste des tentations qui guettent le gouvernement de l’Église. Sévère

1 Se sentir immortel ou indispensable

2 L’activité excessive

3 La pétrification mentale et spirituelle

4 La planification excessive et le fonctionnarisme

5 La mauvaise coordination

6 L’Alzheimer spirituel

7 La rivalité et la vanité

8 La schizophrénie existentielle

9 La rumeur, la médisance et le commérage

10 La divinisation des chefs

11 L’indifférence envers les autres

12 Le visage lugubre

13 L’accumulation de biens matériels

14 Le repli sur soi

15 Le profit mondain, les exhibitionnismes

Au Vatican, la guerre est déclarée

Source : http://www.lejdd.fr/Societe/Religio...

Le monde catholique s’interroge depuis une semaine sur le conflit qui oppose le pape aux cardinaux les plus conservateurs.

"Des ennemis ? Le pape ? Au sein de la curie ? Vous n’y pensez pas…" Ce cardinal français qui a participé à l’élection du souverain pontife argentin ne cache pas son agacement. Le sujet ne l’intéresse pas. D’ailleurs, il n’y a pas de sujet. "Dans les paroisses, renchérit Mgr Bernard Podvin, porte-parole de l’épiscopat français, personne ne se pose ce genre de question. François est très apprécié par les évêques et les fidèles… Il n’y a ­aucune guerre."

Le cardinal Barbarin, conservateur au style habituellement direct, s’en tire par une pirouette : "La joie et l’Évangile, voilà deux mots qui résument tout le pape François. Mais ce n’est pas une joie "à bon marché" !", confie-t-il au JDD. Une expression on ne peut mieux choisie. "François invite tout le monde à un examen de conscience"

Lundi dernier, les prélats, qui assistaient à la traditionnelle cérémonie des vœux de Noël à la curie romaine, en ont fait les frais. Le pape François a en effet dressé un catalogue impressionnant des quinze maladies qui menacent le haut clergé. Mondanité, arrogance, vanité, enfermement, schizophrénie, Alzheimer spirituel… gangrèneraient le gouvernement de l’Église. "François est pédagogue, tempère avec application Mgr Podvin, c’est un guide des maladies possibles qui guettent chacun d’entre nous. Il invite tout le monde à un examen de conscience, à commencer par lui-même…"

À Rome pourtant, l’admonestation du pape a été perçue comme un sévère avertissement. François, qui vient de fêter ses 78 ans, ­entend bien poursuivre la réforme de l’Église qu’il mène à marche forcée depuis son élection, en mars 2013. L’hostilité de ses opposants, ­manifeste lors du synode d’octobre sur les questions de la famille, n’a pas entamé sa détermination. Ses contempteurs, qui espéraient tirer profit du trouble jeté dans l’Église romaine par la proposition du cardinal Walter Kasper – soutenu par le pape – d’une "ouverture" qui serait faite aux divorcés remariés et aux homosexuels, sont prévenus. Une popularité insolente

Derrière les adversaires doctrinaux tels l’Américain Raymond Leo Burke ou l’Allemand Gerhard Müller, François a ses ennemis de l’ombre. Ceux que son tempérament latin insupporte, ceux qui se sentent menacés par sa volonté d’ébranler l’institution, les traditionalistes inquiets de le savoir plus sensible à la miséricorde qu’à la morale… Sans compter les affairistes et même la mafia, qu’il condamne sans vergogne. Mais sa popularité insolente a fait de lui un quasi-intouchable. Un récent sondage (Odoxa) le crédite ainsi, en France, d’une cote de 89 % chez les catholiques et de… 88% chez les non-catholiques !

Le pape peut tout se permettre : sermonner les États européens au cœur sec qui n’accueillent pas les immigrés, et même, le jour de Noël, dans son discours urbi et orbi, mettre sur le même plan les violences faites aux enfants dans les trafics et les guerres, et l’avortement, qui lui fait "horreur". Sans réactions.

Marie-Christine Tabet - Le Journal du Dimanche

dimanche 28 décembre 2014

La contre-offensive des princes de l’Église

Au sein du Vatican, les cardinaux opposés aux réformes engagées par François s’inquiètent d’un tournant doctrinaire. Une "révolution" vécue comme une déclaration de guerre.

"Dieu me donne une saine dose d’inconscience. Je vais faire ce que je dois faire." Ainsi parle le pape début décembre dans sa première interview donnée à un média latino-américain, le quotidien argentin La Nación. Ajoutant avec malice qu’il travaillait déjà à l’écriture de ses vœux de Noël à la curie.

Lundi dernier, dans la fastueuse salle Clémentine du palais apostolique au Vatican, au sol entièrement recouvert de marbre, les mots de François sont particulièrement durs. "La curie est appelée à s’améliorer continuellement et à grandir dans la communion, la sainteté et la sagesse, pour réaliser pleinement sa mission. Et pourtant celle-ci, comme tout corps humain, est exposée aux maladies", leur lance-t-il. Tel un médecin, le pape fait alors le diagnostic des quinze maladies qui menacent les puissants dans l’Église. La charge est historique. Pendant ce temps, mal à l’aise, les cardinaux regardent leurs pieds. "Il y avait les règles de saint Benoît, il y aura les quinze règles d’humilité du pape François", résume le père Laurent Mazas, qui travaille depuis des années au Conseil pontifical de la culture au Vatican.

"Ce discours à la curie, c’est la plus grande réforme du pape François"

Une heure plus tard, voici François dans la salle Paul-VI, avec les milliers de salariés du Vatican et leurs familles. C’est la première fois qu’il leur adresse des vœux de Noël. Il remonte l’allée centrale sous les applaudissements, bénissant ici une femme enceinte, écrivant là sur le plâtre d’un petit garçon, embrassant une grand-mère. Le contraste est saisissant. Son visage est souriant, il a même des traits d’humour : "Si vous sentez que vous allez dire une méchanceté, mordez-vous la langue." Il demande pardon pour ses propres manquements et les scandales de la curie.

Rome est sous le choc, mais personne officiellement ne parle de déclaration de guerre. Dans son discours, le pape a même cité, pour dénoncer ce genre de comportement, un vieux prêtre du Vatican qui appelait directement la presse pour donner des informations sur ses collègues… Avis aux intéressés ! Et en cette veille de Noël, il demande à ses collaborateurs ­humilité et confession de leurs fautes. Les princes de l’Église sont aussi pécheurs, il veut le leur rappeler ; et leur pouvoir n’a qu’un but, le service. "En réalité, cardinal, ce n’est qu’un titre et non une fonction, comme prêtre ou évêque. Plus tu t’approches du pouvoir, plus tu dois servir, commente une laïque engagée dans une communauté religieuse. C’est l’idée du concile Vatican II, il y a une égalité de tous les fidèles. Ce discours à la curie, c’est la plus grande réforme du pape François", souligne-t-elle.

"On n’ose même plus sortir avec nos boutons de manchettes"

Au fond, si le pape parle ainsi, c’est qu’il connaît les résistances contre lui. Elles se sont révélées au grand jour depuis le synode sur la famille, en octobre. La fronde est menée par un trio de cardinaux : l’Américain Raymond Leo Burke, l’Australien George Pell, pourtant choisi par François pour rebâtir le secrétariat à l’Économie du Vatican, et l’Allemand Gerhard Ludwig Müller s’inquiètent d’un tournant doctrinaire du pape. Ils sont même allés demander de l’aide au pape émérite Benoît XVI, lequel a refusé d’interférer dans le pontificat de François. Mais avant même le discours prononcé lundi, les attaques contre François fusaient de toutes parts à Rome. "On n’ose même plus sortir avec nos boutons de manchettes", racontait ironiquement un ancien nonce apostolique.

Le pape justifie ses "chantiers" comme étant issus des débats entre cardinaux juste avant le conclave, soit à la veille de son élection. ­Rationalisation de l’administration vaticane, examen des finances et de la banque du Vatican, future suppression de certains ministères au sein du gouvernement de l’Église, la réforme organisationnelle pourrait être terminée d’ici à la fin de l’année prochaine. Mais s’il a été élu sur ce mandat, il est loin d’avoir le soutien de tous à la curie. "Il y a une résistance très diversifiée : déjà sur le fait que le pape veut abolir la conception impériale de pape romain avec ses chaussettes rouges et qu’il veut remodeler l’Église dans la conception du concile Vatican II de la collégialité sur la gestion des choix stratégiques", nous confiait au printemps dernier le vaticaniste Marco Politi lors de la sortie de son livre François parmi les loups*. Plus qu’une simple réforme administrative, tous ont bien compris à Rome que le pape demande en fait une révolution, une ouverture, un retour à l’essentiel.

L’appartement luxueux du cardinal Bertone

Exemple frappant, alors que François réside depuis les premiers jours dans 50 m2 à la résidence Sainte-Marthe, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’État sous Benoît XVI, a déménagé en décembre dans un luxueux appartement de plusieurs centaines de mètres carrés. "Il y a une opposition forte contre cette démocratisation, poursuit Marco Politi. Il y a une opposition quand le pape décide que les femmes doivent aller à des postes clés, quand il veut plus de transparence dans la banque ­vaticane mais aussi dans toutes les affaires économiques de l’Église, quand il dit que les couvents vides doivent être donnés aux sans-abri ou aux immigrés, quand il veut que l’Église ait une attitude différente sur les divorcés remariés, les homosexuels, les unions civiles."

À Noël, pendant la messe de minuit, dans la basilique Saint-Pierre, le pape est apparu très fatigué, ayant même de la difficulté à s’exprimer. Il ne cesse de travailler pour mener tous ses combats en faveur d’une révolution de l’Église, en s’appuyant sur sa popularité. Et parce qu’il sait aussi, peut-être, que le temps lui est compté.

"Le pape François a 90% de la curie contre lui"

INTERVIEW - L’historien Odon Vallet analyse les mots très durs du pape François envers la curie, le groupement des personnalités influentes du Vatican. Lundi, le pape dressait une liste de 15 "maladies" qui rongeraient l’intérieur du Saint Siège dont l’"Alzheimer spirituel" et la "schizophrénie existentielle". Odon Vallet, historien des religions et auteur de Dieu et les religions en 101 questions-réponses (Albin Michel), y voit un pape isolé et affaibli.

Comment expliquer une telle dureté du pape François envers les membres de la curie ?

Ses propos sont effectivement très durs. Le pape François parle de "pétrification mentale" au sein de la curie. Depuis le dernier synode (sur la famille, ndlr), le pape voit que ses adversaires sont au cœur du gouvernement de l’Eglise. En particulier, sans les nommer, les évêques américains , africains et italiens.

Ces paroles traduisent-elles une difficulté à mener les réformes qu’il a engagées ?

Rien ne laisse supposer qu’il arrive à faire ses réformes. J’estime qu’il a moins d’une chance sur deux de les mener à bien. La réforme du concile de Trente (XVIe siècle) a duré 18 ans et a requis six papes… Le pape François a 78 ans, son entreprise pour réorganiser l’Eglise sera très difficile. D’autant plus qu’il a 90% de la curie contre lui.

A l’inverse, il est très apprécié par les fidèles…

Il est autant populaire en Europe qu’il est en difficulté avec ceux qui le côtoient. La popularité peut susciter la jalousie. Rappelez-vous la foule qui applaudissait Jésus aux Rameaux et qui le conspuait le Vendredi saint.

Voyez-vous dans ce discours un pape acculé ou un chef qui cherche à affirmer son autorité ?

Le pape François vient de l’école des jésuites. Ils prônent le discernement et la modération. Aujourd’hui, le souverain pontife ressemble plutôt à un médecin de l’extrême. Je rappelle qu’il a déjà comparé l’Eglise à un hôpital. Peut-être aurait-il intérêt à faire relire ses discours par des gens plus diplomates, car ceux qui l’approuvent sur le fond, le désapprouve sur la forme.

Mais contre qui se bat-il ? Pourquoi est-il si isolé au sein du Vatican ?

Lorsqu’il a été élu, il devinait mal les problèmes de la curie. Ce qu’il a découvert va au-delà de ses craintes. Même s’il a nommé des proches, il lui faudrait 10 ou 12 ans pour renverser les évêques en sa faveur. Le problème de la curie est le même que celui de ce gigantesque bateau de croisière qui s’échoue sur les côtes italiennes. On peut imaginer que les cardinaux et les évêques mettent une inertie telle dans les rouages du Vatican que François ne puisse rien faire. Ces pires ennemis sont ceux qui l’encensent dans la foule.

A-t-il déjà perdu la bataille contre ses adversaires en interne ?

En ce moment, il est en train de perdre. Le silence est d’or… et lui se met une catégorie de personnes à dos tous les jours avec ses déclarations. Si j’étais le pape François, je nommerais un cardinal chargé de dire du bien des gens et destiné à mettre de l’huile dans les rouages plutôt que d’en jeter sur le feu.

Imaginez-vous voir le pape François démissionner ?

Oui. Même s’il peut encore renverser la tendance. Son discours est peut-être même une façon de dire "moi je veux mourir debout".

Propos recueillis par Vincent Lenoir - leJDD.


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