Monsieur le Président, vous n’êtes pas rassurant !

mercredi 2 décembre 2015.
 

Monsieur le Président, vos efforts sont ostentatoires pour hausser la « Présidence normale » aux dimensions de l’histoire lorsqu’elle se révèle violente et tragique.

La rhétorique guerrière, les fastes versaillais du Congrès, l’entrée en zone du porte-avions Charles de Gaulle (même si le Général n’y peut mais...), le fracas des avions de combat... Tout cela devrait nous rassurer.

Toute la puissance de l’État est mobilisée qui va nous protéger de la barbarie !

Puisqu’ils veulent la guerre, alors la guerre !

Mais pour affronter une guerre en confiance, il faut croire en la lucidité des chefs, et être assuré qu’il n’est rien de médiocre en leur détermination.

Quelles mesures prenez-vous ? D’une part, l’accentuation qualitative de la politique sécuritaire : un état d’urgence généralisé et inscrit dans la durée. D’autre part, un changement de la politique par rapport à la Syrie : on passe du « ni Bachar, ni Daech » au « plutôt Bachar que Daech », car face à un monstre absolu force est d’accepter des alliés relativement peu recommandables.

Est-ce lucidité ou aveuglement ?

Daech veut démontrer que son fanatisme, quelle que soit l’inégalité des forces, va terroriser la société française, et au-delà. N’est-ce pas lui donner raison de privilégier les mesures policières sur la mobilisation citoyenne, de chercher à convaincre qu’une perte de liberté est le prix à payer pour un supplément de sécurité ?

Daech veut imposer qu’en Syrie il n’y a rien entre lui et les autres, tous les autres : les mécréants de multiples obédiences, les croisés d’idéologies diverses (Russes orthodoxes et Occidentaux catholiques ou protestants, tous chrétiens...), coalisés en soutien à un régime soutenu par l’Iran et les schismatiques chiites. N’est-ce pas aller dans son sens que de rallier l’armée disparate de ceux qui ont toujours prétendu que vouloir combattre à la fois Daech et Bachar était inconséquent, voire absurde ?

Parce que Poutine, qui frappe massivement les forces rebelles qui combattent effectivement le régime criminel de Bachar, envoie à présent ses avions bombarder Daech aux côtés des avions américains et français, doit-on se réjouir de ce prétendu « tous contre Daech » ? Ignorant son autre face : « Daech contre tous ! ». Qui vaut appel à ceux qui s’estiment victimes des politiques menées par les puissances occidentales et les régimes de la région à rejoindre son combat...

De surcroît, un soupçon nous mine. L’efficacité n’est-elle pas à mesurer au regard d’autres objectifs que ceux d’ordre géostratégique et militaire ?

S’il s’agit de mettre en difficulté la droite française, en s’emparant de ses thèmes les plus chers et en occupant son espace politique, la privant ainsi d’oxygène et réduisant ses marges de manœuvre, l’opération est en effet bien engagée. Cette droite, la voici perturbée et inquiète, louvoyant entre deux écueils. L’acceptation de la coïncidence des politiques préconisées par les uns et mises en oeuvre par les autres, d’un côté, et, de l’autre, la tentation de relayer ce qui s’exale de plus effrayant à l’extrême droite. Belle démonstration de l’art de déstabiliser l’adversaire pour modifier une donne politique qui paraissait inéluctablement condamner à l’échec !

Mais ou bien cette guerre proclamée est si particulière qu’elle autorise de telles petites manœuvres, et donc elle n’est pas si redoutable qu’on pourrait le craindre ; ou bien elle l’est, et alors paraît fort mal menée. Dans les deux cas, Monsieur le Président, nous voici bien peu rassurés.

Roland Mérieux, Francis Sitel ? Ensemble


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