Marché numérique européen Quel avenir pour le droit d’auteur ?

mercredi 2 décembre 2015.
 

Il l’avait annoncé dès son arrivée à la présidence de la Commission européenne : Jean-Claude Juncker prévoyait de « briser les barrières nationales en matière de réglementation des télécoms, du droit d’auteur, et de la protection des données ». Cette ambition s’est matérialisée dans un projet de marché unique européen du numérique pour 2016. Un premier paquet concernant le droit d’auteur est attendu pour décembre : il s’agit de faciliter la libre circulation des œuvres et d’harmoniser les réglementations dans les 28 pays de l’UE.

On peut se réjouir de la volonté affichée de mieux diffuser les créations et les savoirs. La copie numérique et ses nouveaux modes de diffusion via Internet nécessitent de trouver un nouvel équilibre entre rémunération des auteurs et libre diffusion des œuvres. Mais on connaît trop bien les libéraux : quand ils ouvrent le marché, c’est rarement au bénéfice de tous.

En l’occurrence, la Commission européenne affiche des objectifs purement économiques : générer 400 milliards d’euros par an et créer 4 millions d’emplois. On comprend dès lors qu’il s’agit surtout d’assouplir les législations pour mieux asseoir les profits des grandes entreprises du numérique. Celles-ci s’accommodent d’ailleurs très bien de la gratuité apparente d’accès pour mieux tirer leurs revenus de la publicité. Ce qui est à craindre, c’est la mise en place d’un véritable monopole de la diffusion en Europe par les multinationales. Et par là même une uniformisation de l’offre et une précarisation renforcée des auteurs.

Face à cela, seules les industries culturelles classiques, ayant bien senti que leurs intérêts pourraient être malmenés, sont montées au créneau - avec succès. Elles ont déjà obtenu l’abandon du projet de copyright unique européen, et la conservation de la négociation des droits pays par pays. Surtout, elles refusent de laisser la place à de nouvelles exceptions au droit d’auteur, comme l’utilisation libre des œuvres par les bibliothèques, la recherche ou l’éducation.

La vraie réponse à l’économie numérique n’est sans doute pas dans ces ajustements permissifs ou restrictifs du droit d’auteur. Face à la réalité d’internet, il est temps d’envisager un changement radical des règles économiques, qui permette enfin une rémunération équitable des acteurs de la filière - au premier rang desquels les artistes - et débouche sur de nouveaux droits. La licence globale avait fait son chemin, elle doit de nouveau être mise sur la table.

Thomas Champigny, L’Humanité


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