Aide juridictionnelle Défendre les pauvres, mission de service public

mardi 17 novembre 2015.
 

La grève des avocats, depuis déjà trois semaines, est un sujet vendeur pour la presse. Ne nous y trompons pas, la lutte pour une aide juridictionnelle (AJ) correctement indemnisée n’est pas celle des avocats les plus en vue.

Pourquoi un tel conflit maintenant ? Parce que les négociations budgétaires ont commencé. Or le projet de loi de finances 2016 comprend une réforme de l’AJ. L’intention est bonne puisqu’est prévu le relèvement du plafond mensuel de ressources à 1000€ pour qu’il dépasse le seuil de pauvreté et permette à plus de personnes d’accéder à la Justice avec une prise en charge à 100%. Pour autant, on ne revient pas sur la réforme Dati qui avait aggravé les motifs de retrait de l’aide, et le barème de l’AJ devrait être modulé en fonction des prestations et surtout des types d’affaires. Par exemple, l’indemnisation des avocats pour les contentieux touchant aux droits sociaux qui concernent donc très massivement les classes populaires, comme le droit au logement, le droit de la consommation, le droit du travail ou le droit de la famille, sera diminuée. Piètre incitation à la défense des plus pauvres.

Car si on paupérise les avocats qui défendent les pauvres, on démultiplie l’effet délétère de la pauvreté sur l’accès à la Justice. Le risque est que des avocats paupérisés assurent d’une manière de plus en plus précaire la défense de justiciables déjà en mal de justice sociale pour finir, quand ils n’en pourront plus, par déserter ces zones de relégation, emportant avec eux les derniers restes d’un service public de la Justice déjà sinistré. On l’a vu avec la santé et la plupart des autres services.

Or, l’accès au droit et à la Justice comprend le droit à être défendu, représenté, devant un tribunal, dont l’un des aspects fondamentaux est l’exercice des droits de la défense lorsqu’on est pris à partie. Sachant cela, on ne peut que penser à la proposition qui consisterait à forger un véritable service public de la défense. De la même manière que la magistrature s’efforce de juger également tout un chacun, pour que l’idéal d’égalité soit satisfait, pourquoi l’Etat ne se donnerait-il pas pour mission d’égaliser les conditions d’exercice des droits à la représentation en Justice ? Elle pourrait le faire en organisant une “avocature publique” ou un “défenseur public” salariant les avocats ou du moins leur fournissant les moyens d’exercer leur mission de service public en toute indépendance.


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