Référendum Cambadélis : mi-escroquerie, mi-pitrerie

mercredi 21 octobre 2015.
 

Initiative rocambolesque du premier secrétaire, le sondage sur "l’unité de la gauche et des écologistes aux élections régionales" est une farce qui vise à exonérer le PS et le gouvernement de leurs responsabilités dans le fiasco qui s’annonce.

C’était le 19 septembre, Jean-Christophe Cambadélis, dans une conférence de presse, annonçait la tenue d’un référendum du 16 au 18 octobre visant à se prononcer sur l’unité des forces de gauche et écologistes dès le premier tour des élections régionales.

La question posée sera donc : « Face à la montée de la droite et de l’extrême droite, souhaitez-vous l’unité de la gauche et des écologistes aux élections régionales ? » On notera, entre autre, que la formulation ne mentionne plus s’il s’agit d’une unité dès le premier tour, ou s’il s’agit d’un rassemblement au second tour somme toute assez classique à gauche. Ainsi obscurcie, la question n’a certes plus grand sens, mais permettra ainsi au stratège de la rue de Solférino de tout amalgamer en fonction de ses intérêts politiques propres.

Mais même ainsi, l’affaire apparaît bien bancale. Au sein même du Parti socialiste, le manque d’entrain à organiser le scrutin est évident. Officiellement, les promoteurs de l’initiative espèrent 300.000 votes au cours du week-end, un objectif ramené à 200.000 par Jean-Christophe Cambadélis, lundi matin sur France Inter. À ce rythme, il y aura bientôt plus de militants socialistes encartés que d’aspirants à l’unité. Heureusement, on est moderne au PS : aux quelques 2.000 urnes que les militants du parti sont sensés tenir, s’ajoutera la possibilité de voter par Internet. Très intéressante, au demeurant, cette démocratie du clic, puisque le nombre de votants sera ainsi aussi incertain que la validité des diplômes du premier secrétaire.

Une initiative pour l’unité qui fait pâle figure

Un petit passage par le site du Parti socialiste nous apprend qu’un large aréopage de formations de gauche préside à l’organisation de ce référendum : Parti socialiste, Front démocrate, Génération écologie, Union des démocrates et écologistes, et Écologistes ! La première réaction est évidemment le vertige devant tant d’unité pour l’unité. Mazette, le Front démocrate de Jean-Luc Benhamias (ex PSU, ex Verts, ex Modem), le Génération écologie qui a bercé notre enfance et le tout frais, tout beau, Écologistes ! de Jean-Vincent Placé et François de Rugy, c’est du lourd quand même.

Si l’Union des démocrates et écologistes vous paraît moins familière, c’est qu’elle ne doit être fondée officiellement que le 17 octobre, soit après la parution de cet article. Il est vrai qu’il s’agit d’un rassemblement des trois autres organisations déjà citées, un peu comme si le Parti socialiste faisait signer toutes ses fédérations séparément avant d’apposer en plus le sigle national. Bon c’est vrai qu’il y a tout de même quelques absents de marque. Ni le puissant MUP de Robert Hue, ni le PRG pourtant dernier allié gouvernemental des socialistes ne figurent parmi les signataires. L’hydre hideuse de la division est décidément partout.

Recherche boucs émissaires désespérément

Mais l’enjeu n’est en réalité pas celui-là. À la tête de 21 des 22 régions de la France métropolitaine, le Parti socialiste est promis à une déroute électorale lors du prochain scrutin des élections de décembre. Seules deux régions, Languedoc-Roussillon / Midi Pyrénées et Aquitaine / Poitou / Limousin semblent à peu près acquises à la gauche. Pour toutes les autres (exceptée la Corse qui ne relève pas tout à fait de la politique continentale), ce sera difficile, voire impossible. Pire, toutes les intentions de vote indiquent que la région Nord Pas-de-Calais / Picardie pourrait tomber dans l’escarcelle du FN.

Confrontée à une situation désastreuse, les génies de la direction du Parti socialiste n’ont qu’une idée : trouver des coupables pour expliquer la défaite annoncée. La désastreuse politique gouvernementale étant par nature exonérée de toute critique, ce sera donc "la division à gauche". Par division, entendez la volonté de ne pas se ranger derrière le PS partout, toujours et quoi qu’il arrive – bref, l’irresponsabilité gauchiste. Dans un de ses tweets du 12 octobre, Jean-Christophe Cambadélis indique :

Le chantage au vote utile

À ce niveau de déni, la pathologie devient intéressante. Ni les dégâts de la politique du quinquennat Hollande dans une région particulièrement dévastée par le chômage, ni les multiples affaires qui touchent le PS, et depuis longtemps notamment dans le Pas-de-Calais, ne seront donc retenus comme une quelconque clef d’explication. Pire, l’arithmétique semble, elle aussi, complètement oubliée, car tous les sondages l’expriment : au second tour, même rassemblée, la gauche est non seulement loin derrière le FN, mais elle est aussi largement devancée par la droite. Unie ou pas, la gauche dans toutes ses composantes plafonne à 30%, et c’est ce bilan là qu’il faut faire.

Cela fait des années que l’argument du vote utile dès le premier tour est utilisé à satiété par les responsables socialistes en tout genre. Longtemps, ce réflexe a été une arme redoutable dans la dernière ligne droite électorale pour écraser la contestation, même modeste, à gauche. À se demander ce qu’il resterait au PS si les élections étaient à la proportionnelle, comme c’est le cas un peu partout en Europe. Bon c’est vrai, ils n’y pensent même pas. Mais au-delà des pitreries du premier secrétaire du PS, ce qui est sidérant, c’est la médiocrité des ambitions et des pratiques de la direction socialiste au regard de la gravité de la situation.

Guillaume Liégard. Publié sur le site de Regards.


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