Intellectuels engagés : Penser l’alternative

samedi 17 octobre 2015.
 

D) Des moments de prise de risque, de subversion, de joie et de créativité (Texte collectif)

Il est «  vendeur  », pour les intellectuels à la mode, de ressasser leur obsession de l’identité, leurs peurs de l’étranger, leurs fabriques nostalgiques – et mythologiques – du passé. Tous taisent le quotidien de nos existences  : les chantages à la concurrence, l’islamophobie et le racisme rampants, la loi sacrée du marché dont la norme envahit nos vies.

Mais déplorer le «  silence des intellectuels de gauche  » suppose trop souvent d’adhérer aux visions traditionnelles de «  l’intellectuel  »  : la figure de «  l’intellectuel phare  », «  avant-garde  » ou «  savant pur  » offrant, par grâce, sa science aux ignorants. À la représentation de l’intellectuel autoproclamé (ou proclamé par les médias), de loin nous préférons celle que suggère Jacques Rancière  : «  Quiconque, en un point quelconque de la société, sort de son rôle habituel d’exécutant du système social pour affirmer qu’il a en plus quelque chose à dire sur la machine qu’il fait fonctionner, sur la machine sociale en général et sur la capacité de n’importe qui à en parler  » est un intellectuel. Et ces ¬intellectuels ne se taisent pas. Leurs paroles ne cessent d’être actives, vives, résistantes  ; elles arment les associations, courent les quartiers, les ateliers, les bureaux, les écoles  ; elles fabriquent les engagements, inventent, font du bruit. Elles tissent ces projets innombrables qui refusent la passivité et le fait accompli. Ces paroles, cette intellectualité, ces intelligences collectives sont loin d’être invisibles, si on y est attentif au lieu de se focaliser sur qui parle fort et porte beau. Mais elles sont dispersées.

L’association Savoirs en action part de ce constat. Chercheur-e-s et enseignant-e-s, avec la solidité de leurs métiers, produisent des enquêtes historiques, sociologiques, économiques, des recherches scientifiques, de la philosophie, des romans. Leurs travaux sont essentiels mais mal connus. Les verser aux discussions collectives est essentiel, mais pas comme des leçons.

Car chacune, chacun peut apprendre aux chercheur-e-s en même temps qu’il ou elle apprend de leur travail. Chacune, chacun possède des savoir-faire, des connaissances nées de son histoire, de ses luttes, de ses expériences.

Personne n’a le monopole de la connaissance, de la distance critique, de formes de lucidité ou d’une certaine compréhension des phénomènes sociaux.

Chacune, chacun, d’ores et déjà, en sait beaucoup sur les rapports de forces, les difficultés, les souffrances, les solidarités, les bonheurs, les colères, les galères qui font le monde social. Nous voulons donc mutualiser ces connaissances d’espèces différentes, pour les faire ressources et forces.

La forme choisie, les ateliers nomades, entend casser la distribution fixe des places. Ici, pas de monopole de la parole  : elle circule sans chaire ni tribune, sans brevet de légitimité. Cette perspective critique est évidemment politique. Il est tellement urgent de lutter contre l’isolement et le désarroi qui paralysent. Partout, l’évaluation, les concurrences, la rentabilité font des dégâts. Discuter des conditions de travail et de non-travail (au sens rémunéré du terme) pour celles et ceux qui en sont privés aide à résister. Savoirs en action sera présente dans les luttes, en proposant des discussions, des pratiques artistiques, ou en informant sur les mobilisations. Car les grèves et les mouvements sociaux sont des moments de subversion, de prise de risque, de joie, de créativité.

Peu importe s’il s’agit pour certain-e-s de gros mots, nous revendiquons joyeusement la «  radicalité  », le rejet des fausses neutralités, la critique du capitalisme, le refus de la politesse envers ce qui nous agresse. La rencontre entre recherches, enseignements et engagements militants nous paraît décisive – et même explosive.

Ludivine Bantigny (historienne), Déborah Cohen (historienne), Laurence De Cock (historienne), Cécile Gintrac (géographe), Willy Pelletier (sociologue), Irène Pereira (sociologue) animent la coordination de Savoirs en action.

C) L’appropriation des puissances sociales par leurs acteurs eux-mêmes (Lucien Sève Philosophe)

Dans le Monde (édition du 27 septembre), Édouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie appellent à une contre-offensive intellectuelle et politique de vraie gauche. Je dis bravo, c’est vital. Mais pourquoi tirer contre son camp  ? Parlant de «  responsabilité  » ils écrivent  : «  Les philosophes n’osent pas s’engager.  » Cette phrase me choque vivement. J’ai nombre d’ami-e-s philosophes comme moi, communistes sans carte, parfois avec, qui passent leur vie à se battre dans le sens d’une vraie gauche, sur quoi les médias dominants font bien sûr total silence. Et vous faites comme eux  ! Mauvais début. S’il vous plaît, ¬informez-vous sans œillères. C’est quoi, une contre-offensive intellectuelle de vraie gauche  ? D’abord, pour moi, oser hurler des évidences devenues révolutionnaires à force d’être mises au cachot. Exemple  : non, le travail n’est pas un coût, c’est juste le contraire, c’est depuis toujours, avec la nature, l’unique source de toute -richesse. Comme aussi de tous les profits capitalistes, lesquels ne sont rien d’autre que du travail non payé. Ce que le capital ose appeler un coût, c’est le fait que cette poule aux œufs d’or n’est quand même pas ¬gratuite, pour l’exploiter il faut payer des salaires et des «  charges  » (autre mot qui mérite hurlement). Preuve courte  : si le travail était un coût pour les capitalistes, nous expliquera-t-on pourquoi ils mettent un tel acharnement à vouloir en allonger la durée  ? Or, il y a aujourd’hui par douzaines des mots ainsi pris en otage ou inventés-imposés par les porte-voix du fric et qu’il faut dégoupiller comme des grenades – compétitivité ou gagnant-gagnant, flexibilité ou chômeur-fraudeur, démocratie ou bonne gouvernance… Ou encore courage. Quand nos potentats annoncent avec mâle fierté une décision «  courageuse  », prenez peur, car pour eux le courage c’est toujours celui dont vous allez avoir grand besoin pour subir. L’idéologie au pouvoir empoisonne les mots à la source. Nous avons à être les écologistes du vocabulaire. Mais dénoncer n’est fécond qu’à condition de dire aussitôt où il s’agit d’aller – sauf à cultiver le désespoir, qui nourrit le pire. Vers où faut-il aller  ? C’est le point crucial. Or, ça crève les yeux, mais il faut oser le dire. Ce qui menace mortellement la planète et le genre humain civilisé, c’est cet extraordinaire archaïsme qu’est devenu le capitalisme. Gérer le destin de la nature et de milliards de personnes selon l’intérêt à court terme d’une caste de profiteurs égoïstes tourne au crime géant contre l’humanité. Voilà ce qu’il faut calmement hurler, à l’heure où beaucoup sentent que nous allons dans le mur. Société sans classes ou catastrophe sans nom. Or, ce qui n’était pas mûr hier encore – d’où le dramatique avortement d’un «  communisme  » pas même socialiste – le devient avec l’essor exponentiel des technologies, le développement général des individualités, la planétarisation accélérée des échanges. Femmes et hommes d’aujourd’hui deviennent capables de se diriger sans tuteurs abusifs. L’heure vient de sortir enfin de notre préhistoire. Mais comment  ? Par une évolution révolutionnaire qui a déjà largement commencé  : l’appropriation tout-terrain des puissances sociales par leurs acteurs eux-mêmes. Exemple  : des salariés reprennent une entreprise utile et viable abandonnée par le capital pour plus juteux. Démarche citoyenne à universaliser hardiment, du local au global – vie du quartier ou questions scolaires, médias ou discriminations de toute sorte, petite ou grande politique. Dès maintenant, faire vivre partout du ¬post-classe. Pas facile. Mais imparable. Cela seul redynamisera la politique, en lui rendant efficacité et honneur. Il faut militer. Réinvestir l’espace public  ? Absolument. Voici mon tiercé  : hurler calmement qu’un chat est un chat  ; en appeler sans cesse à sortir du capitalisme  ; engager sans délai sur tous les terrains toutes les initiatives d’appropriation possible.

B) La pensée critique a été réduite pire qu’au silence

Michèle 
Riot-Sarcey Professeure d’histoire contemporaine, spécialiste 
du genre Collectif vigilant et connaissance critique

Les intellectuels de gauche, autrefois solitaires, ont-ils tenu un si grand rôle dans l’espace public  ? Il est vrai que, face au vide actuel, on déplore leur absence. L’intellectuel engagé dans les médias à la mesure du risque pris à l’encontre de l’opinion consensuelle sur des questions qui, en principe, «  ne le regardent pas  », à la manière de Sartre, l’intellectuel spécifique selon Foucault, laisse aujourd’hui la place au rhéteur vulgarisateur, réducteur de la pensée complexe des intelligences. Sans doute les professionnels de la pensée critique n’ont pu ou pas voulu -accepter de réunir leur savoir en une communauté de pensée. En même temps ce phénomène n’est-il pas le reflet d’un monde qui, longtemps, a surestimé la parole des intellectuels comme celle de l’ensemble des porte-parole censés s’exprimer au nom de ceux qui ont été dessaisis du pouvoir de dire ce qu’ils pensent  ? N’est-ce pas une forme de vérité qui se révèle ainsi à travers l’impuissance apparente de ceux et celles qui se taisent en attendant que se constitue un collectif d’individus en capacité de penser ensemble  ?

Atterré-e par la réalité grotesque des débats, saisi-e d’effroi par la barbarie de certains pays européens et l’inhumanité de la plupart des pays qui accueillent des réfugiés, incapable de trouver les mots justes pour contrer la peur des «  natifs  » à l’encontre d’une vague d’immigration incontournable, isolé-e, réduit-e à l’impuissance face au ¬recyclage permanent dont fait preuve le néolibéralisme à l’égard des idées qu’il/elle avait cru mettre à l’écart des différents dispositifs du système, confondu-e par la ¬démission et la lâcheté d’un gouvernement socialiste – lequel, par exemple, après avoir découvert la pertinence du genre, interdit l’usage du mot dans les rangs de l’école –, l’intellectuel-l-e de gauche sait désormais que sa parole est rendue inaudible. Mais surtout, que vaut cette voix face aux misères et aux violences de guerre qui sévissent aujourd’hui dans le monde  ?

Décrypter et dénoncer ne suffisent plus quand Eurostar circule en transportant les agents de la City de Londres tandis que les «  migrants  » s’engouffrent dans le tunnel sous la Manche et les meilleures analyses critiques de la situation de la Grèce n’ont en rien infléchi les gouvernants de l’Europe «  moderne  », ni aidé à la mobilisation des habitants des autres pays européens, qui ont laissé bien seuls les Grecs affronter le diktat de la troïka. «  On n’enferme plus Voltaire  », il n’est même plus question d’en brandir la menace car la pensée critique a été réduite pire qu’au silence, au non-sens de sa réception.

L’urgence n’est plus de faire entendre une voix sans écho mais de rendre la parole à tous ceux qui agissent à distance d’un système broyeur qui lamine les plus engagés auprès des réfugiés, ceux dont l’activité, par incurie des institutions, doit se limiter, le plus souvent, aux tâches humanitaires  ; l’urgence est de restituer le pouvoir de dire à tous ceux qui, soucieux de l’autre, n’ont pas renoncé à l’utopie en s’éloignant du pragmatisme libéral destructeur. Passeur, informateur, l’individu qui ferait profession de penser n’a plus l’audience d’antan, et c’est tant mieux si les intellectuel-l-e-s sont désormais capables de réfléchir ensemble sur les moyens de dépasser la catastrophe accumulée depuis des décennies par le processus insidieux qui a consisté à contraindre tout citoyen à déléguer son pouvoir d’agir jusqu’à s’interdire de penser à l’écart des idées dominantes, au point que les trois quarts d’entre eux ont appris à se taire sans imaginer que leur point de vue ait le moindre intérêt. La litanie des courriels que chacun d’entre nous reçoit renvoyant au blog, au texte, à la dernière publication de celui qui développe quelques idées est inutile si l’ensemble de ces réflexions n’est pas rassemblé et critiqué dans un espace public commun.

Le guetteur, à la Walter Benjamin, ou le collectif vigilant, l’intellectuel de demain a une lourde tâche car il doit insuffler suffisamment d’espérance pour que ces comités publics où la parole s’échange, se confronte, voire se combat puissent redonner sens à la démocratie. En attendant, le guetteur au pluriel se doit de redonner vie à la connaissance critique. Seul, désormais, l’intellectuel ne peut rien et rassembler, en les confrontant, les pensées critiques de chacun est désormais la tâche prioritaire.

A) Manifeste pour une contre-offensive intellectuelle et politique (Geoffroy de Lagasnerie et Edouard Louis)

Il y a quelques mois, nous pensions : « Notre génération vit dans le chaos et le cauchemar. Nous avons atteint le pire ». Aujourd’hui la situation se dégrade encore.

Il y a eu, les images de dizaines de milliers de migrants fuyant la guerre, la destruction et la misère, et qui ne trouvent pas dans l’Europe un lieu de protection et d’accueil, un espace d’hospitalité mais des pays qui hésitent, qui trient, qui envoient leur police, créent des camps, ferment les frontières.

Il y a eu La désolation avec laquelle nous avons assisté cet été à la gestion de la situation en Grèce, la brutalité avec laquelle les institutions européennes ont imposé l’austérité à un pays déjà ravagé par la pauvreté, l’euro se révélant être un instrument rendant impossible toute politique alternative en Europe au mépris des choix démocratiques.

Il y a le spectacle désolant de la gauche socialiste au pouvoir en France, dont on se demande ce qui la rattache encore à la gauche, le dégout qu’inspire l’axe Macron-Valls, qui ne parle que le langage de l’ordre, de la régression sociale, et l’incrédulité qui en découle : comment la gauche a-t-elle pu en arriver là ? Comment, par exemple, la France a-t-elle pu devenir pour les migrants non pas un point d’arrivée mais un lieu qu’il faut fuir ?

Et il y a enfin cette circulation sans cesse accrue, dans l’espace public, de discours toujours plus proches de ceux de l’extrême droite, et qui souvent les précèdent, les alimentent objectivement au point qu’elle s’en réclame et s’en inspire. De plus en plus bruyamment, des idéologues mènent une offensive pour imposer les pulsions les plus mauvaises dans l’espace public, populisme, islamophobie, misogynie, xénophobie, homophobie, antisémitisme ou racisme, criant à la censure dès qu’ils sont critiqués et nommés comme ils doivent l’être (« on n’a plus le droit de rien dire ! »).

Face à ces dynamiques politico-intellectuelles massives, une humeur générale s’installe. Il ne serait pas exagéré de dire qu’ils sont nombreux ceux qui, aujourd’hui, vivent leur vie sur le mode du désarroi et de la tristesse. Faire l’expérience de la politique, pour la plupart d’entre nous, désormais, c’est faire l’expérience de l’impuissance. Combien de personnes, dans le cadre de rencontres, de colloques, nous ont fait part, souvent envahis par l’émotion, à la fois d’un sentiment de colère et d’une incapacité à agir et à s’exprimer. Comme si les structures politiques et démocratiques contemporaines fabriquaient de la dépossession, de l’impossibilité à intervenir. Que faire ? comment parler ? Que dire ? Comment dire autre chose que des choses convenues, etc.?

Archéologie du silence

Depuis quelques semaines, deux débats sont trop souvent posés séparément : celui de la proximité manifeste de plus en plus grande d’un certain nombres d’essayistes et d’écrivains avec les thèses de l’extrême droite d’une part, et, d’autre part, celui du silence des intellectuels sur les problèmes politiques. Mais comment ne pas voir que tout cela forme une seule et même configuration. Et si nous devions faire une archéologie de ce silence, nous y verrions trois raisons : 1/ Il existe aujourd’hui une fascination pour l’extrême droite : il suffit comme Houellebecq de publier un livre grossièrement islamophobe pour faire la une des journaux. Cette aimantation d’une grande partie de l’espace médiatico-intellectuel autour de problématiques nauséabondes conduit nombre d’entre nous à ne plus se reconnaitre dans les termes prescrits, et donc à fuir l’espace public. Le silence des intellectuels c’est aussi le désarroi devant cette situation. 2/ La raréfaction de la parole critique s’explique aussi par les campagnes de diffamation dont les grandes figures intellectuelles ont été l’objet depuis les années 1980. Le monde littéraire et intellectuel tel qu’il est constitué aujourd’hui est un produit de l’injure : ce climat d’insulte a fini par décourager et museler les énergies dissidentes. 3/ Enfin, il y a une responsabilité des logiques internes aux champs littéraires ou savants. Les écrivains, les sociologues, les philosophes, n’osent pas s’engager ; pour les uns, intervenir constituerait une atteinte à la pureté de la littérature ; pour les autres, ce serait rendre douteuse la validité du savoir qu’ils produisent. Une injonction de dépolitisation règne dans les champs littéraires et savants (l’amour-des-mots, la recherche pour elle même,etc ). La politique est constituée comme un risque, un stigmate - quand c’est le désengagement qui devrait plutôt être vu comme un problème.

Mais on ne peut pas se contenter de déplorer la situation sans s’interroger sur les moyens de créer des structures nouvelles. D’ailleurs, tout espoir n’est pas perdu : les Gauchet, Onfray, Finkielkraut, Debray, s’acharnent à dénier ce qu’ils sont, à mentir. La gauche continue de dominer symboliquement. En France, « intellectuel de droite » reste un oxymore, mieux : une impossibilité. Et on ne peut que s’en réjouir.

Principes

Si l’on veut redéfinir et transformer la scène intellectuelle et politique, il est urgent d’adopter quelques principes éthiques pour la pensée et l’action :

1. principe de refus : fuir les débats imposés, refuser de constituer certains idéologues comme des interlocuteurs, certains thèmes comme discutables, certains problèmes comme pertinents. Ces thèmes rendent la confrontation d’idées impossible, les évacuer est la condition du débat. Au mythe de l’espace public comme lieu unifié de délibération, il faut opposer l’idée selon laquelle il y a des problématiques incompatibles entre elles. Ils ne parlent que de nation, de peuple, de souveraineté ou d’identité nationale, de désagrégation. Nous voulons parler de classes, d’exploitation, de violence, de répression, de domination, d’intersectionalité. Voilà les deux scènes possibles, et irréductibles l’une à l’autre. De ce point de vue, combattre ce qui prétend à l’hégémonie discursive aujourd’hui, c’est parfois se taire plutôt qu’être complices.

2. principe de nomination : nommer les individus tels qu’ils sont, ne plus ratifier leurs tentatives de falsification, ne pas accepter de présenter comme des opinions sujettes au débat, ce que l’on sait, par la connaissance, être faux. Les prétendues menaces que feraient peser les migrants sur l’unité de la France ou de l’Europe, les risques de la théorie du genre, ne sont pas des sujets de discussions, ce sont des insultes et des mensonge.

3. principe de redistribution de la honte : transformer la scène, c’est changer l’espace du dicible. Le "silence des intellectuels", au fond, n’est pas le problème. Le problème, c’est qui parle et qui se tait. Il y a des individus dont on préférerait qu’ils se taisent, non par la force, comme on ne manquera pas de nous en accuser, mais, au contraire, en leur faisant comprendre que leurs discours ne méritent rien d’autre que le mépris. Les idéologues de l’extrême droite peuvent bien penser ce qu’ils veulent, l’essentiel est qu’ils n’osent plus le dire sans encourir le discrédit. « La civilisation des moeurs » dont parle Norbert Elias, ce n’est pas la disparition totale des pensées les plus laides, c’est une société où ceux qui voudraient les formuler soient amenés à contrôler leurs pulsions.

4. principe d’intervention : le plus souvent possible, intervenir, occuper l’espace. Bref, faire vivre la gauche.

Geoffroy de Lagasnerie et Edouard Louis


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