Israël, Palestine : l’apartheid de l’eau

lundi 28 septembre 2015.
 

En privant les Palestiniens du minimum vital en eau potable, 
Israël utilise une ressource inaliénable comme arme de guerre.

Dans un rapport parlementaire rendu public en 2012, le député socialiste Jean Glavany avait utilisé le terme «  apartheid  » pour caractériser la façon dont sont gérées les ressources dont disposent les deux populations d’Israël et de la Palestine. L’expression avait provoqué les foudres d’Israël. Elle décrit pourtant bien une situation qui n’a fait que s’aggraver depuis, notamment à Gaza avec les destructions de l’été 2014 et le renforcement du blocus. Les chiffres cités par ce rapport sont implacables  : 2,3 millions de Palestiniens n’ont droit qu’à 70 millions de m3 par an, contre 222 millions de m3 pour les colons israéliens, qui sont moins d’un demi-million en Cisjordanie. Autrement dit, l’eau des nappes phréatiques de la Cisjordanie est littéralement volée au profit des colons, mais aussi des autres citoyens israéliens dont la consommation quotidienne se situe entre 270 et 400 litres par jour, contre 50 à 70 litres pour les Palestiniens, alors que l’OMS estime à 100 litres par jour le minimum vital. L’expert israélien des Amis de la Terre Moyen-Orient, Gidon Bromberg, le reconnaît  : «  Israël ne partage pas l’eau de façon équitable avec les Palestiniens.  » Il donne cette explication  : «  Les Israéliens vivent à l’occidentale alors que les conditions climatiques devraient leur faire adopter des comportements plus adaptés à l’aridité du climat.  » Il souligne aussi que les accords signés en 1995 (Oslo 2) sur le partage de l’eau étaient provisoires et n’ont pas été actualisés du fait de l’échec du processus de paix.

Une explication un peu courte quand on sait que, depuis sa création, Israël a tout fait, et surtout des guerres, pour s’accaparer les ressources aquifères de la région  : en Syrie, avec l’occupation du Golan et de ses sources  ; au Liban, où les incursions multiples visaient le fleuve Litani  ; en Cisjordanie, où se trouve la principale nappe aquifère, le Jourdain et la mer Morte, 
surexploités et dont les rives ouest ont été accaparées, les Palestiniens n’y ayant même plus accès.

Yasser Arafat nous disait, à propos des négociations avec les dirigeants israéliens, du temps où les accords d’Oslo étaient encore de ce monde  : «  Ce qui est extraordinaire avec eux, c’est qu’ils vous volent votre voiture et après ils vous proposent de discuter pour vous vendre une roue.  » C’était l’époque où Ariel Sharon disait aux jeunes aspirants colons  : «  Prenez les collines et contrôlez les sources.  » À lire l’interview du ministre palestinien de l’Eau, Mazen Ghoneim (voir ci-contre), on voit qu’Israël applique toujours la même stratégie  : après avoir accaparé la quasi-totalité des ressources en eau de la Palestine occupée, l’Autorité israélienne de l’eau vend le précieux liquide aux Palestiniens qui sans cela mourraient de soif. Notamment à Gaza où les bombardements de l’an dernier ont détruit les réseaux de distribution, la station d’épuration et les réservoirs installés sur les toits des immeubles.

Depuis 1967 d’ailleurs, la question de l’eau est une affaire militaire en Israël. Et il est vrai qu’elle revêt un aspect stratégique dans tous les pays qui souffrent de pénurie chronique, ce qui est le cas général au Moyen-Orient – à l’exception de la Turquie qui, maîtrisant les deux principaux fleuves, le Tigre et l’Euphrate, n’hésite pas à jouer de ce moyen de pression.

Peut-on espérer que les vastes projets de désalinisation de l’eau de mer entrepris par Israël ces dernières années aboutissent un jour à une détente sur le front de l’eau  ? Quatre usines de désalement ont déjà été construites, dont la plus grande du monde à Sorek, au sud de Tel-Aviv. Mais elles ne fournissent que 20 % des 2 milliards de m3 consommés chaque année et on prévoit que ces besoins auront doublé d’ici dix ans  ! La Banque mondiale, visiblement plus encline à parier sur Israël que sur la Palestine (voir ci-contre), a débloqué un demi-million de dollars en juillet dernier pour aider Tel-Aviv à «  développer ses techniques de pointe dans le domaine  ».

Françoise Germain Robin, L’Humanité


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