Volkswagen, triche et pollution

vendredi 9 octobre 2015.
 

- D) Scandale Volkswagen : La triche au cœur du capitalisme
- C) Stop à l’impunité du « made in Germany » ! (Jean-Luc Mélenchon)
- B) Das Auto Kapital. Derrière le scandale Volkswagen (Daniel Tanuro, ESSF)
- A) Volkswagen va devoir mettre la main au pot

D) Scandale Volkswagen : La triche au cœur du capitalisme

Il est des scandales qui révèlent la corruption d’une entreprise ou d’une société. Celui commencé chez Volkswagen, et qui embrase maintenant toute l’industrie automobile mondialisée, fait partie de ces événements ravageurs, la fraude révélée concernant au moins quatorze millions de voitures...

On a l’habitude de les dénoncer, mais autre chose est la révélation à l’échelle du monde entier de l’ampleur des tricheries.

La partie immergée de l’iceberg

Alors que certains veulent opposer le « bon » capitalisme industriel à la « méchante » spéculation financière, la morale des uns n’a visiblement rien à envier à celle des autres. En effet, la révélation du scandale libère les informations.

On vient ainsi d’apprendre que seul un véhicule sur 10 respecte les normes anti-pollution. « Il est fort probable que d’autres constructeurs aient recours à des logiciels destinés à optimiser les tests en laboratoires, en particulier ceux qui utilisent des moteurs diesel », a aussi déclaré une responsable de Transport et environnement [1] à l’origine de la divulgation de ces données.

Aussi, le diesel propre est une fable, qu’il soit étiqueté allemand ou français. Le « Stop à l’impunité du made in Germany » de Jean-Luc Mélenchon, outre qu’il ignore les liens étroits entre constructeurs automobiles, détourne les salariéEs de la lutte contre leur adversaire commun.

Rabaisser les normes... pour plus de profits

Pourtant, pour l’Europe, ces normes, dont on apprend qu’elles ne sont pas appliquées, sont régulièrement renégociées avec les constructeurs automobiles depuis 1993. Pas de naïveté : santé publique et réchauffement climatique ne sont pas leurs premières motivations car les intérêts concurrentiels savent se faire entendre. Aux États-Unis, la plus grande sévérité des normes sur le diesel, loin d’être due à une passion nord-américaine pour l’écologie, est une mesure de type protectionniste pour les constructeurs nord-américains non spécialisés dans ce type de moteurs.

L’industrie automobile n’est pas sortie stabilisée de la crise de 2008-2009, et la concurrence s’exacerbe sur tous les marchés. Ce qui se passe aujourd’hui en est la conséquence. En juillet dernier, l’Association européenne des constructeurs automobiles s’alarmait : « alors qu’elle était la plus profitable au monde en 2007 avec 15 milliards de profits, l’industrie automobile européenne a vu ses marges fondre pour répondre au durcissement des normes et a enregistré un milliard de pertes en 2012 » [2]. Et le PDG de Renault d’enfoncer le clou : « les investissements pour la réduction des émissions de CO2 seront plus efficaces dans d’autres secteurs que dans celui du transport. » [3] Et cela n’empêche pas Renault d’être un sponsor de la COP21 de Paris !

Alors que les émissions de CO2, facteur du réchauffement climatique, sont le fait des moteurs à essence, l’effet cancérigène des particules les plus fines d’oxyde d’azote émises par les moteurs diesel est validé par l’OMS depuis 2012. Il n’empêche qu’auto­proclamés experts en santé publique, les constructeurs automobile continuent à nier ce fait avéré. La préparation de la fin du diesel, sans destruction d’emploi ni pénalisation des populations condamnées à l’usage des voitures les plus vieilles, est une question pour aujourd’hui.

Valls et Macron au secours des constructeurs automobile

PSA et Renault, spécialisés en Europe dans le moteur diesel, ont été incités à continuer par Valls et Macron. C’est le même aveuglement qu’après Fukushima, où la firme publique Areva a poursuivi ses investissements nucléaires, avec en conséquence différée les massives suppressions d’emploi d’aujourd’hui.

Les dirigeants sauront toujours s’en sortir, à l’exemple du président de Volkswagen « remercié »... avec 25 millions d’euros ! Au « N’ayez pas peur ! » de Macron relisant les fiches des constructeurs automobile pour vanter le diesel, il faut opposer l’exigence d’une transparence fondée sur les lanceurs d’alerte et des travaux indépendants, les salariés du rang y participant avec leur expérience. Celle-là même qui, après des décennies de combat, avait permis de commencer le procès de l’amiante.

Le scandale d’aujourd’hui est l’expression condensée d’un système fondé sur la concurrence, la propriété privée et le profit de quelques-uns. Les fraudes se sont développées à cette échelle car le secret garantit, croyaient-ils, l’impunité aux puissants. La levée du secret qui préside aujourd’hui aux opérations industrielles et financières dans tous les domaines de la production capitaliste est une exigence élémentaire à conquérir. Et c’est bien le procès du mode de production capitaliste qu’il faut instruire.

Jean-Claude Vessilier, Villefranche de Rouergue

* « Volkswagen : La triche au cœur du capitalisme ». Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 305 (01/10/2015). http://www.npa2009.org/ Notes

[1] Fédération d’une cinquantaine d’ONG actives dans le domaine du transport et environnement. Interview à l’Usine nouvelle du 22 septembre 2015.

[2] Déclaration du secrétaire général de l’ACEA, le 3 juillet 2015.

[3] Déclaration de Carlos Ghosn, INSEAD, le 3 septembre 2015.

C) Stop à l’impunité du « made in Germany » ! (Jean-Luc Mélenchon)

La triche et la pollution, voilà sur quoi repose le prétendu succès de l’automobile « made in Germany » !

Le scandale de la fraude de Volskwagen aux tests antipollution confirme ce que j’écrivais dans Le Hareng de Bismarck : dans l’Europe allemande, la grosse bagnole « made in Germany » fait la loi !

Le patron de Volkswagen ne démissionne pas.

Sa majesté Merkel n’a rien à dire.

La Commission européenne juge « prématurée » la mise en place de « mesures de surveillance » ou d’enquête sur les pratiques de Volkswagen Europe, renvoyant sur les autorités nationales.

L’arrogance et l’impunité du « made in Germany » doivent cesser.

En France, le principe de précaution doit s’appliquer : en attendant les résultats de l’enquête demandée par Madame Royal, la vente de voitures Volkswagen doit être suspendue. C’est une exigence de santé publique.

B) Das Auto Kapital – Derrière le scandale Volkswagen (Daniel Tanuro, ESSF)

Le scandale VW mériterait de figurer dans une anthologie d’exemples concrets montrant l’impossibilité du capitalisme vert. On connaît les faits : le géant allemand de l’automobile a triché pour faire croire que ses véhicules diesel respectaient les normes américaines de pollution aux NOX (différents oxydes d’azotes qui contribuent à la formation du smog). La tricherie est grossière et délibérée : les voitures sont équipées d’un petit logiciel qui, en situation de test, active le dispositif de recirculation des gaz d’échappement et le désactive en conditions normales. La limite de l’émission de NOX aux Etats-Unis est fixée à 0,04g/km par le Clean Air Act. Au laboratoire, grâce à la recirculation des gaz, elle est respectée – la voiture est « propre » ; sur la route, elle est dépassée plus de quarante fois – la voiture est (très) sale. Le pot-aux-roses a été révélé le 18 septembre par l’Agence US de l’environnement (EPA). Onze millions de véhicules sont concernés au niveau mondial. Le choc est énorme.

Pour VW, ça va douiller

La note promet d’être salée pour le constructeur. En théorie, le Département américain de la Justice pourrait lui infliger une amende allant jusqu’à 18 milliards de dollars. En pratique, sur base de la jurisprudence, les juges US seront très probablement plus indulgents. Mais il faut tenir compte du fait que des consommateurs individuels aussi peuvent intenter des actions. Pour faire face à celles-ci, VW a provisionné une somme de 6,5 milliards d’euros, que certains observateurs estiment d’ores et déjà insuffisante. Ce n’est pas tout : ayant été grugés, les Etats qui ont offert des primes pour l’acquisition d’un véhicule « propre » seront tentés d’en exiger le remboursement auprès du constructeur (la Wallonie vient d’annoncer une décision dans ce sens). Enfin, il faudra voir l’impact de l’affaire sur le bras financier de VW : pesant 164 milliards d’euros, il serait assez dépendant d’emprunts, de dépôts et d’obligations à court terme, et son portefeuille de produits financiers dérivés pourrait constituer une menace. D’ores et déjà, l’action a plongé de 26% en bourse, et ce n’est sans doute pas fini.

Pourquoi ?

Pourquoi le premier constructeur mondial, le fleuron de la qualité made in Germany a-t-il eu recours à une tricherie aussi flagrante, malgré le risque d’être pris la main dans le sac ? L’hebdomadaire ultralibéral The Economist apporte trois réponses qui sont liées entre elles et valent leur pesant de cacahuètes (edition du 26/9 au 2/10/2015). La première est la compétition pour le leadership mondial : pour battre Toyota d’une courte longueur, il était d’une importance stratégique que VW l’emporte sur le (petit) marché US des voitures diesel où les normes pour les NOX sont plus restrictives qu’en Europe. La seconde est le coût : les techniques catalytiques de réduction de la pollution étant plus chères pour les moteurs diesel que pour les moteurs à essence, VW a trouvé l’œuf de Colomb adapté à l’univers ultra-concurrentiel de l’industrie automobile – faire semblant de respecter les normes, tout simplement !

La troisième raison est la meilleure, et je ne résiste pas au plaisir de citer le libéralissime hebdomadaire qui porte haut les couleurs du capitalisme depuis septembre 1843 : « Les constructeurs automobiles, les européens en particulier, sont habitués à s’en sortir à bon compte dans ce genre d’affaires. Leur tricherie est un secret de polichinelle (an open secret) au sein de l’industrie. Ceci pourrait expliquer pourquoi les concurrents de VW voient aussi leurs actions chuter. Le crime de VW est sans doute particulier, mais c’est loin d’être le seul fabricant à produire des véhicules qui sont loin au-dessous des performances attendues par les régulateurs. L’Union Européenne n’est pas aussi exigeante en matière de NOX que les Etats-Unis. Elle se concentre plus sur l’efficience énergétique et les émissions de CO2, où ses standards sont les plus élevés du monde. Le problème est que ces limites sévères ont peu de ressemblance avec ce que les véhicules émettent une fois qu’ils sont sur la route. Selon Transport & Environment, un groupe de pression vert, le fossé entre les chiffres supposés d’économie de carburant (donc les émissions de CO2 – DT) et les chiffres réalisés par un conducteur moyen a grandi de 40% au cours des dernières années ».

Cosi fan tutti

Comment est-ce possible ? Tout simplement parce que le régulateur européen qui émet des normes antipollution ne se charge pas d’en vérifier l’application. The Economist poursuit et explique : « Il est possible que certaines compagnies utilisent une supercherie informatique pour tricher lors des tests européens d’efficience énergétique. Mais, comme le dit Nick Molden d’Emission Analytics, un consultant britannique, le régime européen de test est si dépassé et propre aux abus que les constructeurs automobiles n’ont pas à s’embarrasser de telles subtilités. Les compagnies testent leurs propres véhicules sous les auspices d’organismes de test certifiés par les gouvernements nationaux. Mais ces organismes sont des entreprises commerciales en concurrence pour faire des affaires. (…) Elles sont conscientes du fait que leur capacité à ‘optimiser‘ les procédures de test est une manière de gagner des clients. En pratique cela signifie faire tout ce qui est possible pour que les voitures testées fassent beaucoup mieux que les versions conduites dans le monde réel ».

Un simulacre de tests

Et l’auteur de l’article de donner des détails : « Les voitures qui sont testées ont généralement été modifiées pour être aussi frugales que possible. Ce qui ajoute du poids, comme la sono, est enlevé. Le frottement est réduit en enlevant les rétroviseurs latéraux et en mettant de l’autocollant sur les fentes entre les éléments. Des lubrifiants spéciaux font tourner le moteur plus doucement. Des pneus à faible frottement sont hyper-gonflés avec des mélanges de gaz spéciaux. L’alternateur est déconnecté, de sorte que plus de puissance est transmise aux roues mais que la batterie est déchargée à la fin (du test). Les voitures peuvent être poussées à trop haut régime et il est courant que les tests soient effectués à la plus haute température ambiante autorisée – un autre moyen de booster l’efficience. »

« Le pire cependant – c’est toujours The Economist qui le dit – est qu’une fois que ce simulacre a produit une déclaration d’efficience du véhicule (donc du respect des limites d’émission de CO2/km – DT), personne ne vérifie si cette déclaration est correcte ou pas. En Amérique aussi les constructeurs automobiles sont responsables de leurs propres tests. Mais là, l’EPA achète des véhicules au hasard pour les tester ultérieurement et voir si les véhicules vendus au public sont conformes aux déclarations. Si les chiffres ne collent pas, des amendes substantielles peuvent s’ensuivre. En 2014, Hyundai-Kia a dû payer 300 millions de dollars pour fausse déclaration de ses chiffres de consommation. »

« Purement théoriques »

« L’Europe n’a pas de tel système pour punir ceux qui transgressent (les normes). En conséquence, plus de la moitié des gains d’efficience (des moteurs) déclarés par l’Europe depuis 2008 ont été ‘purement théoriques’ (il faudrait plutôt dire : frauduleux, basés sur des mensonges – DT), selon T&E. Et l’industrie dans son ensemble a développé un comportement désinvolte (a gaming attitude) face aux tests qu’elle devrait prendre au sérieux. Comme l’observe Drew Kodjac de l’ICCT (International Council on Clean Transportation, une ONG), les activités de VW en Amérique font partie d’un système de comportement que le système européen a créé. Il peut apparaître que d’autres fabricants utilisent des softwares similaires pour tricher lors des tests, soit sur les émissions de NOX ou sur celles de CO2. Les émissions de NOX des nouvelles voitures diesel en Europe sont en moyenne cinq fois plus élevées sur route que lors des tests ; certaines voitures roulent à dix fois la limite, selon T&E. »

Le lecteur nous pardonnera d’avoir recouru si longuement à la citation. Cela en valait la peine. Précisons encore quatre éléments significatifs. Premièrement, le logiciel incriminé a été acquis par VW en 2007 auprès de l’équipementier Bosch, qui l’aurait avisé du fait que son utilisation serait « illégale ». Le journal allemand Bild, qui donne cette information, a interrogé la direction de Bosch sur la réaction de Volkswagen à ces mises en garde. Réponse d’un porte-parole : « dans le cadre des relations commerciales avec Volkswagen, nous sommes tenus à la confidentialité » (RTBF-Info, 27/9/2015).

Deuxièmement, le gouvernement allemand et l’Union Européenne étaient au courant de la tricherie, au moins depuis cet été (et fort probablement avant), comme en témoigne une réponse du ministre compétent à une question posée par un élu vert au Bundestag (Le Soir, 22/9/2015).

Troisièmement, un détail technico-économique qui a son importance est qu’on ne peut pas, sans faire exploser les coûts, réduire à la fois les émissions de NOX et celles de CO2 des moteurs diesel tout en gardant les performances de puissance auxquelles les constructeurs ont habitué leurs clients.

Quatrièmement, outre le CO2 et les NOX, les moteurs diesel et les moteurs à essence sont responsables de l’émission massive de particules fines qui augmentent très significativement le risque de cancer, de maladies cardio-vasculaires et de troubles respiratoires. Mais de cela, les protagonistes préfèrent ne pas trop parler, quel que soit le côté de l’Atlantique où ils se trouvent.

Clair comme de l’eau de roche

Et maintenant, tirons quelques conclusions. Elles sont claires comme de l’eau de roche – et d’autant moins contournables qu’elles découlent des aveux faits spontanément par un organe de presse qui est vraiment au-dessus de tout soupçon d’anticapitalisme (c’est un euphémisme).

La tricherie de VW est ancrée naturellement dans les mécanismes capitalistes de la concurrence pour le profit. Les équipementiers y participent, tout en prétendant que leur main gauche ignore ce que fait leur main droite.

L’opprobre tombe sur VW mais il est extrêmement probable que tous les constructeurs automobiles trichent, soit pour satisfaire les limites d’émission de NOX (plus sévères aux USA qu’en Europe), soit pour satisfaire les limites d’émission de CO2 (plus sévères en Europe), ou pour les deux raisons à la fois.

Toutes ces magouilles sont couvertes par le « secret commercial » ou le « secret industriel », applications particulières du « droit de propriété » capitaliste .

Dans l’UE, cette fraude à la pollution est institutionnalisée grâce à un système de « régulation » dont les gouvernements savent qu’il n’existe que pour amuser la galerie et pour procurer un marché à des organismes de certification bidon… dont le but premier est de contourner les normes pour s’attirer des clients.

De nombreux rapports sur l’état de l’environnement et de nombreux plans d’action sur sa protection (notamment de nombreux rapports sur la protection du climat) ainsi que celle de notre santé sont biaisés parce que basés sur des données de pollution factices, résultant de faux tests qui donnent une image mensongère de la réalité.

Distribuées par les pouvoirs publics sans la moindre vérification de conformité, les primes aux acheteurs de « voitures propres » se révèlent comme un système de soutien indirect à la stratégie d’innovation technologique (ou de pseudo-innovation !) des groupes bien plus que comme un moyen d’action en faveur de la transition énergétique.

Impasse de l’automobile, impasse du capital

Ces conclusions doivent être interprétées en tenant compte de la place centrale que l’industrie automobile occupe dans l’économie capitaliste depuis la seconde guerre mondiale. Avec sa production de masse, cette industrie a joué un rôle clé pour « tirer » l’onde longue d’expansion des « Trente glorieuses ». Depuis le milieu des années ’70, elle connaît un processus mondial ininterrompu de restructurations, de fusions et de concentrations dans un environnement concurrentiel sans pitié, tout en restant un pilier du système. Les nouvelles exigences environnementales viennent imposer une contrainte supplémentaire à ce pilier puisqu’il s’agit, dans les trois à quatre décennies qui viennent, de trouver une alternative à la combustion des combustibles fossiles. Une alternative, mais laquelle : hydrogène ou électricité ? Bien malin qui peut dire quelle filière l’emportera mais une chose est sûre : dans les deux cas, les coûts seront énormes. Que le premier groupe mondial coure le risque de tricher pour contourner les normes sur la pollution en dit long sur l’extrême âpreté de la lutte inter-capitaliste dans ce contexte. Que les gouvernements de la « démocratique » Europe et les instances de l’UE couvrent ces malversations en dit long sur leur nature de valets du capital.

Pour toutes ces raisons, l’affaire VW restera probablement dans l’histoire comme un évènement au sens fort du terme, c’est-à-dire avec un « avant » et un « après ». L’impasse de l’industrie automobile condense en effet la double impasse du capitalisme tout entier. Impasse sociale, d’abord, dans la mesure où les gigantesques investissements en capital constant mettent le taux de profit sous une pression de plus en plus difficile à compenser par l’augmentation de l’exploitation du travail. Impasse écologique, ensuite, car la transition à la voiture électrique, ou à l’hydrogène, ne fait que déplacer le problème de fond, qui est évidemment celui de l’antagonisme entre les exigences de croissance du capital et la finitude des ressources terrestres, y compris la finitude des espaces terrestres. Pour le dire simplement : l’auto verte, c’est comme le capitalisme vert – une contradiction dans les termes.

« VW, Das Auto. », dit l’arrogante publicité du groupe. Inhabituel dans ce genre de message, le point final traduit une détermination de fer, tyrannique et exclusive. Cette détermination n’est pas seulement celle des patrons de la firme de Wolfsburg. C’est celle de « Das Kapital. » en général, de tous ces loups que la logique du profit contraint, pour survivre, à prendre toute mesure nécessaire à la poursuite de leur œuvre destructrice sur le dos des exploité-es, de leur santé et de leur environnement.

Daniel Tanuro

A) Volkswagen va devoir mettre la main au pot (L’Humanité)

Accusé d’avoir triché sur les contrôles anti-pollution, le constructeur allemand accuse une plongée en bourse de son titre et risque une amende de 16 milliards d’euros, sans compter le coût du rappel de tous les véhicules concernés, soit des millions voire des milliards de dollars, et de possibles poursuites judiciaires.

Après les révélations, vendredi, de l’Environmental protection agency (EPA) d’une tricherie à grande échelle visant à fausser les controle anti-pollution de ses véhicules, le mastodonte de l’industrie automobile allemand, récemment couronné numéro un mondial des ventes devant Toyota, a dû rappeler près de 500 000 véhicules aux Etats-Unis, pour avoir volontairement enfreint certaines réglementations antipollution, y compris sur des modèles Audi. La marque est aussi contrainte de cesser de vendre les modèles diesel quatre cylindres, jusqu’à nouvel ordre. Dans la matinée de lundi son titre avait plongé de 21,80% à la Bourse de Francfort (Allemagne).

Un logiciel sophistiqué pour fausser les contrôles

"Volkswagen a fabriqué et installé des dispositifs sur certains modèles diesel des années 2009 à 2015, permettant d’invalider ou de rendre inopérants les systèmes de contrôle des émissions polluantes de ces véhicules", résume ainsi l’Environmental protection agency (EPA), dans une lettre publiée vendredi. Ces 482 000 voitures diesel, de marque Volkswagen et Audi, étaient équipées d’un logiciel sophistiqué capable d’activer un dispositif de réduction des émissions de gaz polluant, comme l’oxyde d’azote ou Nox, quand la voiture était soumise à un test anti-pollution. Le reste du temps, la voiture contrevenait aux normes environnementales.

Ces véhicules émettaient alors jusqu’à 40 fois la norme standard d’oxyde d’azote, poursuit l’EPA. "Utiliser un appareil pour échapper aux règles visant à garantir un air propre est illégal et constitue une menace pour la santé publique", a indiqué Cynthia Giles, une des responsables de l’EPA, citée dans le communiqué. L’oxyde d’azote, en effet, est lié provoque de sévères troubles respiratoires, dont l’asthme.

La supercherie a été détectée après une analyse de chercheurs indépendants de l’université de Virginie Occidentale, qui avaient été alertés par une organisation non-gouvernementale, le International Council on Clean Transportation. Entre 2013 et 2014, des tests avaient été menés sur trois types de véhicules : les Volkswagen Jetta et Passat et la BMW X5. Alors que ce dernier modèle respectait les émissions indiquées, la première rejetait 5 à 20 fois plus d’oxyde d’azote et la deuxième 15 à 35 fois plus.

La " deutsche Qualität " a du plomb dans l’aile !

"Je regrette personnellement, et profondément, que nous ayons déçu la confiance de nos clients et du public", a réagi Martin Winterkorn, le PDG de Volkswagen, mis devant le fait accompli. Cette affaire n’est pas seulement embarrassante pour l’image du groupe allemand : elle pourrait également se traduire par de très lourdes pénalités financières, pouvant théoriquement atteindre les 18 milliards de dollars (environ 16 milliards d’euros). Et ce n’est peut-être qu’un début car ces tricheries pourraient concerner aussi l’Allemagne et l’Europe.

En plus de ces lourdes pertes financières, "l’image et la crédibilité de Volkswagen dans le monde entier sont maintenant entamées", estime le spécialiste automobile Ferdinand Dudenhöffer. "C’est une affaire grave", a réagi, pour sa part, le ministre de l’Economie et vice-chancelier Sigmar Gabriel, mais "je suis sûr que la société va clarifier les choses rapidement et en profondeur". A la suite des révélations, Berlin a ordonné des "tests approfondis" sur tous les modèles diesel de Volkswagen.

"Solidité, sécurité, fiabilité". Depuis quelques années, la marque avait même ajouté un quatrième pilier à la " deutsche Qualität " : écologiquement compatible. Cette " promesse " commerciale de "das auto" reposait donc sur un mensonge. Fâcheuse coïncidence, à deux mois de la Conférence internationale sur le climat et au moment même où les entreprises affirment leur volonté de prendre toute leur part dans le défi de la transition énergétique !

D’autres constructeurs concernés ?

Volkswagen pourrait entraîner d’autres marques dans la tourmente. L’EPA a annoncé lundi avoir étendu ses investigations à d’autres entreprises pour "détecter" la présence de logiciels similaires dans des voitures déjà en circulation aux Etats-Unis.

De son côté, la France, par la voix du ministre des Finances, Michel Sapin, a demandé une enquête "au niveau européen"

l’Humanité.fr avec agences


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