Mort d’un enfant : de l’émotion à la raison politique

mercredi 9 septembre 2015.
 

L’indigence politique vire à l’horreur humaine. Ce n’est pas une nouvelle, mais le simple partage international d’une photo sur les réseaux sociaux a permis de monter d’un cran dans la prise de conscience du sort des migrants. Le corps d’Aylan Kurdi, trois ans, retrouvé mort face contre terre sur une plage de la station balnéaire de Bodrum a cristallisé l’insoutenable. Cette image publiée par de nombreux quotidiens, notamment britanniques, et relayée dans le monde entier exprime peut-être mieux que des mots l’impasse de choix politiques égoïstes et inhumains.

Ce n’est pas le premier bateau qui échoue, ce n’est pas le seul enfant victime, sur le territoire européen, de la violence des politiques migratoires. Selon le HCR, plus de 2.500 réfugiés sont morts depuis le début de l’année, parmi lesquels de nombreux enfants. La situation de ces Syriens fuyant la guerre, courant par tous les moyens vers la vie, est connue. Elle se heurte depuis longtemps à l’aveuglement et au dogmatisme des gouvernants, à l’incapacité de l’Union européenne de trouver une solution pour accueillir dans la dignité celles et ceux qui pâtissent des inégalités planétaires et de ces guerres que des nations occidentales ont aussi nourries.

Arrêter le massacre

Tous ces traités et ces lois qui façonnent une Europe forteresse se fracassent sur le mur de la réalité aujourd’hui partagée en un clic, en une image, celle de la honte. Que la France, "pays des droits de l’Homme", soit à la traîne dans l’accueil des réfugiés est consternant.

Sur la toile et ailleurs, certains s’indignent qu’il faille montrer un tout petit enfant mort sur une plage pour que les esprits se réveillent. D’autres interpellent sur la dignité des victimes qui ne serait pas respectée. L’essentiel est ailleurs : des hommes, des femmes, des enfants fuient la guerre, tentent en Europe de chercher refuge et se retrouvent violemment refoulés. Ils et elles viennent chercher la vie, la mort les guette à l’arrivée. Quand cette mort nous est montrée, nous sommes submergés par l’émotion.

Mais des affects à la raison qui permet de prendre les décisions nécessaires à la vie et à la dignité de ces migrants, il y a un pas. Il est impératif de le franchir pour arrêter le massacre. Et pour poser les questions essentielles qui fâchent sur l’organisation mondiale et l’inégale répartition planétaire des richesses, sur l’inefficacité des murs bâtis contre la circulation des personnes, sur l’égoïsme des États qui jouent la concurrence et non la coopération, sur les voies qui permettent réellement et dans la durée d’enrayer l’engrenage de la guerre. Le sursaut citoyen et politique doit prolonger la force de l’émotion.

Clémentine Autain. Publié sur le site de Regards.


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