Du poison allemand à la pagaille générale

lundi 31 août 2015.
 

Comme chacun le sait, nous sommes les « irréalistes » et « ils » sont les très intelligents. Nous rêvassons et eux font fonctionner le meilleur et seul système possible. Sous nos yeux éclatent les bienfaits de leurs prouesses. Au cours de l’été, le monde global a fait un grand pas vers le désordre généralisé.

Je laisse de côté pour aujourd’hui les aspects militaires du désordre mondial et le chaos qui s’étend d’un pays à l’autre dans tout le Moyen-Orient comme en Afghanistan, ce nid de guêpes insubmersible ou dix ans de bienfaits « des alliés » prend la tournure d’une débâcle totale. Rien sur l’Afrique non plus ou le renforcement du dispositif militaire français au Niger n’annonce rien de vraiment bon. Et rien non plus sur la nouvelle offensive putschiste qui déferle sur l’Amérique latine et à présent notamment au Brésil.

Je veux seulement pointer un enchaînement qui va nous toucher bientôt tous de très près. Grèce, Allemagne et Chine entrent en turbulence combinée. Voyons. La Grèce va bientôt s’effondrer dès que les bienfaits du prochain cocktail de tortures adopté au parlement grec lui auront été appliqués et que la récession prévue en toutes lettres dans celui-ci sera venue aggraver le mal incurable dont elle est déjà atteinte. Tsipras a cru bien faire en acceptant les humiliations dictées sous le fouet du « gouvernement-allemand-de-droite-CDU-CSU-et-du-PS » que, par confort de langage et respect pour la patience de qui me lit je nommerai « gouvernement allemand » ou « Merkel » ou « Schaüble ». Je fais cette précision dans l’espoir de ne pas brutaliser les oreilles délicates de Cécile Duflot pour qui l’Allemagne éternelle et intemporelle « n’est pas notre ennemie » davantage que je ne suis son ami. Je ne dis pas ça pour me moquer de son extraordinaire sens de l’à-propos lorsqu’elle a décidé d’inventer un motif de rupture avec moi. Le fait est qu’il lui faudrait désormais traiter de « germanophobe » aux « accents déroulédiens » la moitié de l’Europe de gauche, inclus Syriza et Podemos, sans oublier le Sinn-Fein et la plupart des verts européens à commencer par une bonne partie de ceux d’Allemagne !… Mieux vaut en rire ! Mais je crois que le moment est celui où il faut convaincre.

Cela demande des efforts supplémentaires pour ceux qui ont le plus de mal à comprendre qu’une époque est finie en Europe. Et bien finie. D’ailleurs le débat est vif sur ce sujet aussi entre écolos. En atteste la tribune de Karima Delli sur ce point. Pourquoi y insister ? Parce que si nous voulons faire l’union de l’opposition de Gauche il va bien falloir s’entendre sur les questions clefs qu’affronterait notre gouvernement. Notamment celle de la limite que nous donnerions aux injonctions allemandes. La leçon donnée par le choix de Tsipras doit être tirée sans naïveté ni angélisme eurolâtrique. Il ne sert à rien de céder quoique ce soit dans la négociation avec l’Eurogroupe. On connaît la formule « jusqu’ici mais pas plus loin ». Un engrenage mortel. Si ce n’était pas pour aller plus loin pourquoi seraient-ils venus jusqu’ici ? Tsipras le subit à présent. Le maintien de l’ordre du traité budgétaire européen est assuré sans faille par Merkel/Schaüble. C’est-à-dire par l’Allemagne quasi unanime de la CDU-CSU au SPD, même si nos amis de « die Linke » et maints écolos allemands sont sur la ligne de dénonciation de « l’Europe allemande », expression qui fait s’évanouir la gauche française « prout prout et grandes écoles » réunie dans un même angélisme irénique. En France, les députés de l’opposition de gauche ont voté contre le plan à l’Assemblée nationale comme ceux de « die Linke » en Allemagne et toute la gauche de Syriza en Grèce. D’autres « frondeurs » de circonstances ont voté pour ou bien se sont abstenus ou bien sont allés faire pipi au moment du vote. On ne fait pas une alternative de gouvernement avec des crises diurétiques et des abstentionnistes quand viennent les questions essentielles ! Il faut regarder ce sujet en face, car l’Allemagne va déclencher une crise majeure en Europe, sociale politique et culturelle. L’Europe allemande est impossible. Même Romano Prodi le déclare dans une tribune parue dans « Le Monde ».

Mais il faut maintenant prendre la mesure de ce qui s’avance. La politique d’austérité est en réalité une politique de dévaluation salariale pour augmenter la compétitivité des produits sur le marché international. Elle suppose que celui-ci reste très dynamique pour absorber les productions proposées par l’Europe. Une autre piste dans la même direction aurait été d’obtenir une dévaluation progressive mais ferme de l’euro et une inflation qui permette d’absorber les dettes souveraines et surtout privées. Mais cela percute les intérêts fondamentaux des rentiers allemands qui font la loi en Europe ! Quoi qu’il en soit, patatras, le marché mondial ralentit et va bientôt ralentir davantage encore. En cause, notamment, la crise boursière chinoise et la dévaluation de sa monnaie. De la première, il n’y a rien à dire. Sinon qu’elle a volatilisé en une semaine dix fois le montant de la dette totale de la Grèce pour les trente prochaines années… De la seconde, rions-en tant qu’on peut encore le faire. Les chinois dévaluent leur monnaie sous cotée pour rendre leur salaires compétitifs ! Bref les Chinois jouent aux Allemands… Les Allemands vont déguster. Car leurs chères grosses bagnoles vont couter là-bas bien plus cher et les machines-outils seront bien moins remplacées si la production baisse. Résultat les Chinois font aux Allemands ce que l’Allemagne fait à l’Europe tout entière. La pagaille générale est garantie. Un terrible coup de froid sur le moteur absurde de la croissance mondiale sans fin se dessine à horizon rapproché. L’Europe va trinquer. La Grèce va couler. Car la nouvelle récession de deux ou trois points, prévue par les génies allemands de la Troïka, c’était avant que le frein chinois n’ait commencé à fonctionner ! Génial. De toute façon Chine ou pas la dette est impayable, tout le monde le sait, et tout le système va passer au fossé. Schaüble finira par avoir sa petite zone « Euromark », cet ultime avatar de l’Europe allemande à la Bismarck !

Dans ce contexte, il est temps de se réveiller ! Un gouvernement de l’opposition de gauche ferait-il la politique de Tsipras ou romprait-il le cadre ? Entre l’euro et la démocratie, entre l’euro et la souveraineté, entre l’Eurogroupe et l’indépendance que choisirions-nous ? Je veux dire : que choisirions-nous si nous y sommes contraints parce qu’on aurait refusé nos solutions raisonnables ? Jacques Généreux a planté dix fois ce décor devant nous et il l’a fait une nouvelle fois au dernier congrès du Parti de Gauche. J’avais dit au précédent congrès « entre l’euro et la souveraineté, nous choisissons la souveraineté ». Nous lancions l’alerte. C’était alors Chypre qui servait de cobaye et de cahier de brouillon à l’Allemagne et à la BCE pour la politique d’agression qui consiste à couper l’accès à la monnaie et à provoquer l’effondrement du système bancaire d’un pays récalcitrant. Nous fûmes dénoncés par tous les bien-pensants et même traités d’antisémites parce que nous mettions en cause le ministre français qui avait approuvé cette manœuvre ! Quelle stratégie appliquerions-nous ? La rupture ! Tel est le sens du « plan B » dont nous sommes convenus au congrès du PG. Et de la conférence européenne du plan B que propose le PG et dont Eric Coquerel a présenté l’idée sur Europe 1 et présenté les grands traits sur son blog !


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