Liquidation des biens publics grecs : tout doit disparaître

lundi 3 août 2015.
 

La Troïka débarque à Athènes, avec l’ambition de mettre la main sur 50 milliards d’euros d’actifs publics. Un montant faramineux qui serait réservé, pour moitié, au remboursement de la dette.

Ils sont de retour. Après avoir été un temps chassés par le nouveau gouvernement Syriza, les Men in Black de la Troïka (BCE, FMI, Commission européenne) ont atterri hier matin à Athènes (Grèce), sur les lieux mêmes du crime, pour vérifier qu’Alexis Tsipras engage bien le sale boulot. En échange de leur nouveau «  plan d’aide  » – imposé par la force il y a deux semaines –, dont le montant oscille entre 82 et 86 milliards d’euros, l’idée phare des créanciers est la constitution d’un fonds de privatisation censé amasser 50 milliards d’euros, dont la moitié devra aller à la recapitalisation des banques.

Pour ce faire, le nouveau fonds se substituera ou accompagnera l’ancienne agence de privatisation des biens publics grecs, Taiped, qui jusqu’à présent n’a pourtant guère fait ses preuves. Les ventes, estimées à 23 milliards d’euros entre 2014 et 2022, devraient rapporter 3 milliards d’euros par an. Depuis 2011, l’agence n’en a encaissé qu’un seul par année. Qu’importe, la course folle doit continuer et ce malgré des chiffres annoncés complètement irréalistes. «  50 milliards d’euros, en matière de privatisations, c’est extrêmement ambitieux pour une économie plongée dans la pire récession de son histoire  », juge ainsi Diego Iscaro, analyste de la société IHS, tandis que Charles Wyplosz, professeur à l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève, remarque une mise en place «  extraordinairement intrusive  » de cette nouvelle structure. «  Que vont-ils faire  ? Privatiser les monuments historiques  ?  »

Même le FMI, pourtant acteur majeur de cette bouffonnerie, n’y croit pas, estimant que les recettes des privatisations ne dépasseraient pas les 500 millions d’euros par an. Il faudrait en ce cas un siècle au nouveau Taiped pour atteindre ses objectifs. Il n’aura en revanche pas fallu cent ans à trois responsables de l’actuelle agence de privatisation pour se remplir les poches. Depuis lundi dernier, ils sont l’objet de poursuites pénales par la procureure anticorruption Eleni Raïkou, pour malversation sur la période allant de mai 2013 à mai 2014. Un véritable scandale concernant la vente de 28 bâtiments publics, mais qui ne semble guère affecter la morale des vendeurs fous de la Troïka prêts encore à vider de son sang tout un pays  : ports, réseau ferré, autoroutes, aéroports, sources thermales, mais aussi compagnies d’énergie, et enfin 80 000 immeubles du parc immobilier public, dont 3 000 sur la Riviera… tout doit passer à la broyeuse, c’est le message que viendront dès aujourd’hui encore souffler les hommes de main de la Troïka à l’oreille des Grecs.

Stéphane Aubouard

Privatisations-colonisation

En Grèce, les fonctionnaires des «  institutions  » – on ne dit plus troïka, de sinistre mémoire – sont arrivés sans faire trop de tapage, au nom de la Commission européenne, de la BCE, du FMI, auxquels se sont joints les représentants du MES (mécanisme européen de stabilité).

On ne les avait plus vus depuis un an hanter les ministères et transmettre leurs oukases. Nul à Athènes, en souffrance après cinq ans de cure d’austérité, ne les avait regrettés… Les fonctionnaires des «  institutions  » – on ne dit plus troïka, de sinistre mémoire – sont arrivés sans faire trop de tapage, au nom de la Commission européenne, de la BCE, du FMI, auxquels se sont joints les représentants du MES (mécanisme européen de stabilité). Incarnation du contrôle tatillon qu’ils veulent imposer à une Grèce sous curatelle, l’équipe sait qu’elle n’est pas la bienvenue auprès d’une population qui a rejeté par référendum le plan des usuriers et qui, finalement, se l’est vu imposer au prix d’une formidable pression, du chantage et de l’étranglement. Si les autorités grecques sont dans l’obligation de passer sous les fourches Caudines des «  institutions  » après avoir dû adopter en catastrophe des lois de circonstance, des négociations serrées vont être menées avec l’objectif de boucler les modalités de l’attribution des versements qui permettront à la Grèce de rembourser ses créances. Ainsi devrait-elle toucher 3 milliards d’euros afin de s’acquitter d’une dette du même montant auprès 
de la BCE.

Les marges sont étroites, mais, en restant 
dans la zone euro, de laquelle Wolfgang Schäuble aurait souhaité le chasser, le peuple grec conserve des possibilités de résistance, difficiles, mais qui dépendront finalement de la solidarité et de la convergence d’autres peuples européens, d’un rapport de forces plus favorable. Les oligarques européens voudraient étendre les privatisations à tous les domaines, à l’instar des quatorze aéroports qui vont échoir à la firme allemande Fraport, dont la majorité des parts est détenue par la ville de Francfort et le Land de Hesse  ! Athènes parviendra-t-elle à empêcher la dénationalisation de la compagnie d’électricité Admie  ? La bataille contre la colonisation de la Grèce a commencé.

Editorial de Jean Paul Piérot


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