Turquie : Le gouvernement entre en guerre contre les Kurdes et non contre Daech

dimanche 9 août 2015.
 

Le Rojava ayant été capable de bloquer les fous de Daech tout en construisant une société démocratique multiethnique et multireligieuse, le méprisable régime turc d’Erdogan vient de lancer son aviation pour écraser les Kurdes. Bande de lâches, soutiens réels de Daech malgré tout le baratin de Washington et de François Hollande.

4) Selahattin Demirtas : « Nous ne renoncerons jamais à parler de paix »

Coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP), partisan des droits du peuple kurde et issu d’une large coalition progressiste, Selahattin Demirtas dénonce la politique du président turc Erdogan en vue d’élections anticipées pour avoir les pleins pouvoirs et sa répression du PKK.

En 2014, Selahattin Demirtas a été élu coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP) avec Figen Yüksekdag. La même année, il est candidat à la présidentielle. Il arrive en troisième position avec 9,77 % des suffrages exprimés. Il est député de la circonscription d’Istanbul.

Au mois de juin se sont tenues les élections législatives où le HDP (Parti démocratique des peuples) a obtenu plus de 13 % des suffrages et 80 députés. Aujourd’hui, le pouvoir turc, sous couvert de lutte contre les «  terroristes  », bombarde les camps du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et tue des civils, vous êtes vous-même poursuivi, ainsi que la coprésidente de votre parti, et vos militants sont arrêtés. Comment en est-on arrivé là   ?

SELAHATTIN DEMIRTAS En réalité, la violence a commencé pendant la campagne électorale. Notre parti a été victime de plus de 170 attaques les plus diverses jusqu’à un double attentat à la bombe lors d’un meeting à Diyarbakir le 5 juin. Notre organisation a également été la cible d’attaques à Mersin et à Dogubayazit. La campagne de violence menée par l’AKP (Parti de la justice et du développement de Recep Tayyip Erdogan – NDLR) n’est donc pas nouvelle. Mais cela n’a pas fonctionné. Comme vous le notez, le HDP a obtenu 13 % des suffrages, ce qui a eu pour conséquence un affaiblissement de l’AKP. Ce qui se passe montre que l’AKP n’a jamais accepté le résultat de ces votes et ne respecte pas le choix des électeurs turcs. Il veut maintenant tenter de récupérer les voix qu’il a perdues aux élections en déclenchant une guerre. Bien que le gouvernement en place ne soit qu’un gouvernement provisoire, puisque aucune coalition n’a encore été formée, faute d’une majorité au Parlement, l’AKP continue comme s’il était capable de gérer le pays seul. Il essaie de faire passer ce message à la société  : si nous n’arrivons pas à gérer le pays seul, nous ne parviendrons pas à garantir la sécurité du pays. Il veut organiser des élections anticipées dans cette atmosphère.

Comment le HDP réagit-il à cette stratégie du pouvoir d’Erdogan et comment sortir de ce qui s’apparente à un piège  ?

SELAHATTIN DEMIRTAS Cette opération, effectivement, vise à nous entraîner dans un piège. Pour notre part, toutes nos déclarations sont pacifiques. Nous disons ouvertement que nous ne renoncerons jamais à parler de paix. Nous continuerons dans cette voie. Nous lançons des appels clairs, aux deux parties, pour mettre un terme à cette guerre. Nous nous adressons directement à la population pour expliquer les motivations du gouvernement dans son entreprise guerrière. Une grande majorité de la société est bien consciente que cette guerre menée par Erdogan est motivée par sa volonté de récupérer le pouvoir. La seule façon d’arrêter cette guerre est de faire ressortir les motivations réelles. C’est pourquoi nous allons organiser de grands rassemblements pour la paix. Nous souhaitons également que les mères des membres du PKK tués mais aussi celles des policiers qui ont perdu la vie lancent un appel pour faire cesser cette guerre. Nous nous adressons de la même manière aux intellectuels et aux organisations non gouvernementales (ONG). Nous essayons également d’utiliser les canaux médiatiques, nationaux et internationaux, pour dire «  non à la guerre  ». Nous organisons des réunions dans les différents secteurs de la société, avec les ouvriers, les femmes, les employeurs, les intellectuels, les jeunes… dans ce sens-là. Le but étant de montrer à la société, au pays, qu’il existe des voix et une voie pour la paix. Et, bien évidemment, nous lançons un appel au PKK dans le même sens. Pour qu’il retire son doigt de la gâchette et qu’il continue sur la voie de la paix.

Le pouvoir turc laisse entendre ou veut faire croire que le HDP n’est qu’une branche politique d’un PKK qui lui donnerait des ordres. Existe-t-il des liens entre le HDP et le PKK  ?

SELAHATTIN DEMIRTAS Nous ne sommes absolument pas la branche politique du PKK. Notre parti a été formé à la suite du regroupement de plus d’une vingtaine d’organisations. Parmi les fondateurs du HDP, il y a des membres du Parti socialiste, de mouvements islamistes, des mouvements pour le droit des femmes, pour l’écologie… Parmi eux, on trouve également le fondateur du parti kurde DBP. Faire croire que le HDP est une continuité du PKK n’est qu’une manipulation destinée à tromper la population.

Dans quelle voie faudrait-il s’engager, selon vous  ?

SELAHATTIN DEMIRTAS Historiquement, dans le monde, les processus de paix ont connu des ruptures et des reprises. Chez nous, s’il reprend – ce que nous souhaitons –, il devrait reprendre à un autre niveau. Les discussions devraient se faire en présence d’une troisième partie observatrice et il faudrait que l’opinion publique soit au courant de l’état et du contenu des discussions. Il faut absolument que les conditions d’emprisonnement d’Abdullah Öcalan (leader du PKK emprisonné depuis février 1999 condamné à mort en juin, peine commuée en perpétuité en 2002 – NDLR) soient totalement changées de façon à ce qu’il puisse être en contact avec la population. Il n’est pas difficile de prendre de telles décisions. La condition préliminaire est évidemment un cessez-le-feu décrété tant par le pouvoir que par le PKK. De plus, sans lois précises, comment espérer que les combattants kurdes rentrent ou rendent les armes  ?

Comment analysez-vous le comportement de la Turquie face à l’« État islamique » et plus largement dans le contexte régional que l’on sait  ?

SELAHATTIN DEMIRTAS Ce n’est qu’à la suite de pressions nationales et internationales que la Turquie a dû se positionner face à l’« État islamique ». Mais ce n’est évidemment pas la volonté du gouvernement. Les mauvaises politiques de l’AKP et le soutien du gouvernement ont renforcé l’« État islamique », jamais considéré comme un danger. Pour obtenir un soutien international, la Turquie a annoncé des raids contre l’« État islamique » mais en réalité cela a servi aux attaques contre le PKK. Le but ultime est de donner de l’oxygène à l’«  État islamique  » en difficulté au Rojava (Kurdistan de Syrie).

L’Otan a apporté son soutien à Erdogan dans ces opérations, lui donnant un blanc-seing. N’est-ce pas choquant pour vous  ?

SELAHATTIN DEMIRTAS C’est un soutien partiel. La Turquie est un pays très important pour l’Otan, dont elle est membre. Nous savons que l’Otan ne voulant pas perdre la Turquie, elle fermera les yeux sur les horreurs commises et sa politique. Qui peut dire que l’Otan est elle-même une organisation visant à la protection des droits de l’homme ou de la démocratie  ? C’est une force protectrice du capitalisme et des forces impérialistes. C’est la raison pour laquelle l’Otan a fait une telle déclaration. Bien que ses membres sachent très bien que l’affaiblissement du PKK ne fera que renforcer l’« État islamique ».

Attendez-vous quelque chose de la France  ? Peut-elle jouer un rôle particulier dans ces moments cruciaux  ?

SELAHATTIN DEMIRTAS La France, et son gouvernement, est l’un des pays qui a reconnu et dénoncé la barbarie de l’« État islamique ». La France a compris le danger que représente l’« État islamique ». C’est pour cela qu’elle a des relations très étroites avec le PYD (Parti de l’union démocratique, organisation des Kurdes de Syrie –NDLR). La guerre qui a commencé en Turquie maintenant va renforcer l’« État islamique » et nuire à la démocratie. Nous sommes persuadés d’une chose  : si le peuple français manifeste pour l’arrêt de la guerre, se fait entendre pour la reprise des négociations, alors, à ce moment-là, nous pourrons rediscuter du processus de paix. Ce sera une véritable contribution à la paix.

3) Contre le gouvernement islamo- facholibéral de l’AKP, manifestation à Paris samedi 8 août 2015

MANIFESTATION EN SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE KURDE

Le gouvernement fasciste de l’AKP organise la guerre et les massacres !

Le gouvernement fasciste de l’AKP n’est jamais rassasié avec le sang qu’il fait couler.

Depuis des jours, il incendie les forêts du Kurdistan, bombarde les camps de Kandil et les espaces de défense du pays Mède, assassine des révolutionnaires comme la militante Gunay OZARSLAN à Istanbul, s’en prend à des lieux de culte des Alévis, entrave leurs funérailles, bref, il sème le chaos par tous les moyens et partout, en vue de contrecarrer avec bellicisme la revendication de paix de nos peuples.

Après avoir vécu la défaite électorale du 7 juin dernier, infligée par les peuples en quête de justice et de liberté, Erdogan est soucieux de voir que le règne fasciste de l’AKP pourrait être démoli par un formidable tremblement de terre populaire. Dès lors, ils s’attaquent aux jeunes et aux peuples, en vue de renforcer le joug fasciste de leur pouvoir.

Le 20 juillet 2015, un massacre particulièrement lâche et traître a été perpétré contre des jeunes à Suruç au Kurdistan du Nord, provoquant la colère et la douleur de l’opinion publique internationale. Des centaines de jeunes membres socialistes de la SGDF savouraient leur joie, de voir leur rêve se concrétiser lorsqu’ils étaient sur le point de partir pour Kobani avec les jouets et les livres d’enfants qu’ils avaient collectés pour faire sourire les enfants de l’autre côté de la frontière syrienne, en pleine guerre contre les bandes barbares islamistes.

La plénitude et la noblesse de leur acte, inondaient leurs cœurs... jusqu’au moment où une bombe venait à exploser et saigner nos cœurs... C’est pourquoi, nous lançons un appel massif à la presse et à l’opinion publique à condamner fermement les opérations politiques et militaires menées contre les Kurdes. Pour exiger la libération sans conditions ni délai de Abdullah Ocalan. Pour exiger la fin du terrorisme d’Etat Turc qui ose attaquer le PKK qui lutte contre DAESH

Manifestation le Samedi 08 Août 2015 Place de la République à 16h

2) Erdogan tombe le masque et désigne son ennemi : les Kurdes

Les déclarations des responsables turcs se multiplient contre les Kurdes. Les bases du PKK sont bombardées de même que les zones 
où se trouvent les forces kurdes syriennes des YPG. L’Otan soutient Ankara, François Hollande veut renforcer sa coopération avec la Turquie.

Si certains avaient des doutes sur les buts réels poursuivis par Ankara, le président turc, Recep Erdogan, vient de les lever. Depuis l’attentat-suicide qui a fait 32 morts le 20 juillet à Suruç, la Turquie fait croire qu’elle a décidé d’entrer en guerre contre l’organisation de l’« État islamique » (« EI » ou Daech). Or, bien des questions se posent sur cette volonté affichée. Si des bombardements de sites djihadistes ont bien eu lieu – encore que personne ne sache exactement quels en ont été les résultats – il s’avère en réalité que les efforts turcs se portent sur la répression contre les forces kurdes de Turquie, le PKK, mais également contre celles de Syrie, puisque des positions des YPG (ceux qui ont défendu avec succès Kobané contre l’« EI ») ont été pilonnées par les chars turcs, faisant plusieurs morts.

Sous prétexte 
de l’attentat de Suruç

La manœuvre politique est grosse mais habile. Dans un premier temps, sous prétexte de l’attentat de Suruç, le gouvernement d’Ankara se rapproche de Washington en annonçant des raids sur les bases de l’« EI », entame un dialogue pour l’utilisation de ses bases aériennes par la coalition et parle de la création d’une zone débarrassée de l’« État islamique » (et donc pas sous contrôle kurde). Lorsque les opérations sont déclenchées, non seulement elles ne touchent pas que l’« EI », mais il s’avère que les cibles sont plutôt les militants et combattants du PKK ainsi que les activistes turcs de gauche, pourchassés et emprisonnés dans une opération policière de grande ampleur dont on se demande pourquoi elle n’a pas eu lieu plus tôt contre les cellules djihadistes. En tirant un trait d’égalité entre les égorgeurs de l’« État islamique » et les combattants du PKK et des YPG venus à la rescousse des populations civiles menacées (à Mossoul comme à Kobané), le gouvernement turc sait qu’il n’essuiera aucune critique de la part de ses alliés de l’Otan. D’autant que les États-Unis, tout comme l’Union européenne (UE), ont placé le PKK sur leur «  liste d’organisations terroristes  », malgré la trêve décrétée depuis 2013. Sur Twitter, Brett McGurk, qui représente la Maison-Blanche au sein de la coalition anti-« EI », s’en est défendu  : «  Il n’y a aucun lien entre les frappes aériennes contre le PKK et les récents accords visant à intensifier la coopération américano-turque contre l’“État islamique”  », a-t-il assuré. Mais il s’est senti obligé d’ajouter  : «  Nous respectons totalement le droit de la Turquie à l’autodéfense.  »

Les militants kurdes sont poursuivis, emprisonnés...

Lundi, le premier ministre islamo-conservateur, Ahmet Davutoglu, se faisait plus précis. «  C’est soit les armes, soit la démocratie, les deux ne sont pas compatibles  », a-t-il dit. Une stratégie visiblement soutenue par l’Otan. L’Alliance atlantique, réunie en urgence à Bruxelles à la demande d’Ankara, a assuré son allié turc de sa solidarité dans sa double offensive contre les rebelles kurdes et le groupe « État islamique ». «  Tous les alliés ont assuré la Turquie de leur solidarité et de leur ferme soutien, a répété le secrétaire général de l’Otan, le Norvégien Jens Stoltenberg, à l’issue de la réunion des ambassadeurs des 28 pays. Le terrorisme pose une menace directe envers la sécurité des membres de l’OTAN et envers la stabilité et la prospérité internationales.  » Parmi ces soutiens, la France évidemment. François Hollande a évoqué avec son homologue turc la lutte «  contre toutes les formes de terrorisme  » et ils ont convenu de nouveau de leur volonté de «  renforcer la coopération entre la France et la Turquie en ce domaine  ». On sait ce que cela signifie  : les militants kurdes en France sont poursuivis, emprisonnés et traînés en justice, alors que les hommes de main du pouvoir turc agissent en toute impunité sur notre sol. Du bout des lèvres, Hollande a dit  : «  Il faut faire attention à ne pas confondre les cibles  » (sic).

De quoi contenter Erdogan. «  Il est impossible pour nous de poursuivre le processus de paix avec ceux qui menacent notre unité nationale  », a-t-il déclaré. Il a également préconisé que les responsables politiques liés à des «  groupes terroristes  » soient privés de leur immunité et poursuivis en justice. Une phrase qui vise directement le parti d’opposition pro-kurde HDP (Parti démocratique du peuple), qui a effectué une percée aux législatives le mois dernier.

1) Communiqué du Congrès national du Kurdistan

suite aux raids aériens menés par l’armée turque contre la guérilla kurde :

La nuit dernière, 24 juillet, des avions de chasse appartenant à l’armée turque ont massivement bombardé des zones où se trouvent des positions de la guérilla kurde ainsi que d’importantes habitations civiles, dans les régions de Qandil, Xakurke, Behdinan, Zap, Gare, Haftanin, Basya, Metina et Avaşin.

Selon des sources locales, ces bombardements auraient fait des morts parmi la population civile ainsi que des dégâts matériels importants.

Cette offensive de grande envergure menée par le gouvernement AKP marque la rupture unilatérale du cessez-le feu qui avait été maintenu jusque-là grâce aux efforts répétés du peuple kurde et de son Leader Abdullah Öcalan. Alors qu’il fait preuve d’une persévérance inouïe pour faire avancer les pourparlers de paix avec l’Etat turc, Abdullah Öcalan subit un isolement carcéral total depuis le 5 avril. Depuis 2013, l’armée turque a mené plusieurs opérations contre les forces de défense kurdes (HPG) alors même que celles-ci étaient en position de cessez-le feu. Cependant, le HPG n’a pas répondu aux provocations. Avec ces derniers bombardements, l’Etat turc a de nouveau déclaré la guerre aux Kurdes et rompu le cessez-le feu.

La Turquie a ajouté un nouvel échelon à sa coopération avec l’organisation terroriste Daesh en Syrie. Soutenant déjà cette organisation dans le but de briser la révolution du Rojava, l’Etat turc frappe aujourd’hui lourdement la guérilla kurde qui résiste contre les gangs de Daesh, et procède par ailleurs à de grandes vagues d’arrestations dans les milieux kurdes en Turquie.

Le Congrès national du Kurdistan (KNK) appelle le gouvernement régional du Kurdistan d’Irak, les partis politiques, les organisations de la société civile et la population du Sud-Kurdistan à s’opposer à l’intervention armée de la Turquie sur leur territoire.

Il appelle également la communauté internationale, l’ONU en particulier, à juger les crimes contre l’humanité commis par Daesh avec la complicité de la Turquie, à Suruc, à Kobanê et dans le reste du Rojava.

2) Ankara face aux Kurdes pour aider Daech

Ankara masse des dizaines de milliers de soldats à la frontière syrienne pour contrer toute unité kurde.

Àquoi joue la Turquie  ? La question vaut d’être posée alors que dans la Syrie voisine, les combats redoublent d’intensité contre les djihadistes de l’organisation dite de l’«  État islamique  » («  EI  »). Sur des fronts différents, ils mettent aux prises les forces de défense kurdes, les YPG, notamment autour des villes d’Aïn Issa, de Kobané et de Hassaké  ; la coalition dirigée par les États-Unis a multiplié les bombardements sur des zones tenues par l’«  EI  ». Enfin, l’armée syrienne, épaulée par le Hezbollah libanais, vient de chasser les islamistes de Zabadani, ville proche de la frontière libanaise. À terme, c’est bien la bataille 
de Mossoul qui se profile

«  L’“EI” a lancé une vaste offensive à l’aube et a réussi à pénétrer à Aïn Issa. Les combats continuent à l’intérieur, dans la partie sud de la ville, pour les expulser  », a fait savoir Redur Khalil, un porte-parole des Unités de protection du peuple kurde. Aïn Issa se trouve à 55 km au nord de Raqqa, ville dont l’«  EI  » a fait de facto sa capitale, et est située sur un axe de communication majeur qui relie la ville syrienne d’Alep, à l’ouest, à celle de Mossoul, à l’est. La localité a été prise le 23 juin par une coalition des forces kurdes et de rebelles arabes, peu après leur conquête de la ville frontalière de Tall Abyad, le 16 juin. La chute de Tall Abyad avait représenté un revers cinglant pour l’«  EI  », qui utilisait cette localité frontalière pour faire passer de Turquie armes et combattants. Les forces antidjihadistes avaient poursuivi leur offensive en s’emparant d’Aïn Issa. Pour contrer cette offensive, les djihadistes ont envoyé des commandos à Kobané, où ils ont commis des massacres (230 personnes, essentiellement des civils, ont été tuées), fixant ainsi des troupes kurdes qui auraient pu être dépêchées vers Aïn Issa.

Après de longs mois d’avancée pratiquement ininterrompue, les hommes du «  calife Ibrahim  », ainsi que se fait appeler Abou Bakr Al Baghdadi, ont subi un sérieux revers à Kobané, au Kurdistan syrien. Sur le plan international, le dégel en cours entre les États-Unis et l’Iran et la perception de la menace que représente l’«  EI  » ont amené Washington à multiplier les attaques aériennes contre le fief djihadiste, la ville de Raqqa. Il s’agit de fragiliser ce sanctuaire islamiste pour couper la route aux troupes de l’«  EI  » engagées en Irak. À terme, c’est bien la bataille de Mossoul, que les Kurdes d’Irak voient comme la «  mère des batailles  », qui se profile.

Ankara veut empêcher la jonction des territoires kurdes syriens

De la même manière, les forces gouvernementales syriennes tentent de desserrer l’étau autour de Damas et, parallèlement, reprennent le contrôle de la frontière syro-libanaise, dans la région du Qalamoun, avec l’aide du Hezbollah. Là encore, l’«  EI  » ouvre de nouveaux points de fixation, notamment à Alep, avec l’aide du Front al-Nosra, branche d’al-Qaida en Syrie.

Et pourtant, la Turquie, l’une des principales armées de l’Otan, cherche à prendre l’avantage non pas pour contrer l’«  État islamique  » mais pour empêcher la jonction des territoires kurdes syriens. Il y a quelques jours, la presse turque affirmait que l’armée avait convoqué pour cette semaine les commandants des troupes stationnées le long de la frontière avec la Syrie afin d’étudier la possibilité d’une incursion sur le territoire voisin. Elle y a déployé des chars, des missiles antiaériens et des troupes, après une intensification des combats au nord de la ville syrienne d’Alep. 54 000 militaires sont maintenant massés le long de cette frontière. Les pressions diplomatiques, notamment américaines, ont dû se faire plus fortes sur le gouvernement d’Ankara, qui affirme maintenant qu’une entrée en Syrie n’est pas à l’ordre du jour.

L’un des enjeux des offensives en cours réside dans l’attitude des tribus, dont le rôle est primordial pour chasser ou, au contraire, installer l’«  État islamique  ». Pour l’«  EI  », gagner les tribus est fondamental afin de s’assurer le contrôle d’un territoire. Haïan Dukhan et Sinan Hawat, auteurs d’une étude intitulée l’«  État islamique  » et les tribus arabes de l’est de la Syrie, avancent trois raisons au ralliement de chefs tribaux à Daech, l’acronyme arabe de l’«  EI  ». «  Ce qui fait accepter l’“EI”, c’est d’abord le bénéfice économique et la protection, puis la peur et l’intimidation, et enfin les griefs contre le régime  », expliquent-ils.

Pierre Barbancey, L’Humanité


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