Bayrou : le « troisième homme » que cherchent à fabriquer les sondages

samedi 17 mars 2007.
 

Les principaux médias, dont les propriétaires appartiennent aux plus grandes fortunes de notre pays, essaient de remplacer le débat sur le programme des candidats par une avalanche de sondages d’opinion. Ils cherchent ainsi à faire une place au soleil à Bayrou selon le principe bien connu : couverture médiatique, sondage en hausse, couverture médiatique plus étendue... Principe que le dit François Bayrou dénonçait, il y a quelques mois, avant d’en être le bénéficiaire.

Mais ces sondages dont on nous rebat les oreilles ne sont qu’une photographie de l’opinion à un moment donné et n’ont, à 40 jours de l’opinion, aucune valeur prédictive quant au vote du 22 avril.

Dans une remarquable tribune du Monde, le 9 mars, Loïc Blondiaux, Professeur à l’IEP de Lille constatait que les sondages n’étaient « représentatifs que des gens qui acceptent d’y répondre ». Or, précise-t-il, près d’une personne sur deux refuse de répondre aux questions des sondeurs. Au nom de quoi, dans ces conditions, les fabricants de sondages font-ils comme si les personnes qui acceptaient de répondre « possédaient les mêmes caractéristiques politiques » que celles qui refusaient de répondre ? Absolument rien, en effet, ne permet de tirer une telle conclusion.

François Miquet-Marty (LH2) indique, quant à lui, que 55 % des sondés ne sont pas sûr de leurs votes. C’est d’ailleurs chez les électeurs potentiels de Bayrou que le pourcentage d’indécis est le plus élevé. « Le doute plane plus haut que Bayrou » titrait ainsi judicieusement « 20 minutes » !

Au total donc, presque la moitié des personnes sondées refusent de répondre aux questions des sondeurs et sur la moitié qui accepte de répondre, 55 % sont indécis. Ce qui signifie (le calcul n’est pas très difficile à faire) que sur 100 personnes interrogées, un peu plus du quart seulement (à peu prés 28 %) sont sûres de leurs votes. Mais c’est sur la base de sondages aussi étroits, aussi peu fiables que les principaux médias essaient de fabriquer et de nous imposer un Bayrou candidat de 2ème tour.

Le comble est atteint lorsque les médias affichent imperturbablement des prévisions concernant les résultats du 2ème tour des élections. Tout le monde sait pourtant parfaitement, les instituts de sondage en tout premier lieu, que de telles prédictions n’ont strictement aucune valeur avant que le 1er tour ait eu lieu. Dès le soir du 1er tour, en effet, toutes les cartes seront rebattues et tout le monde sait bien que Ségolène Royale bénéficiera d’une grande partie des voix qui se seraient portés sur Buffet, Besancenot, Voynet ou Bové ; qu’elle bénéficiera également d’une bonne partie des voix de Bayrou et même (eh oui !) d’une partie de celles de Le Pen. Mais la fonction de la publication de ces sondages de 2ème tour est ailleurs : il s’agit de faire bouger les intentions de vote au 1er tour en affirmant que Bayrou battrait Sarkozy au 2ème tour.

En 2002, ce n’est qu’à peu prés une semaine avant l’élection que les sondages ont permis d’envisager sérieusement la présence de Le Pen au 2ème tour. Cela n’a rien d’étonnant : 20 à 25 % ne l’électorat ne se décide qu’une semaine avant le scrutin.

En 2005, lors du référendum sur le projet de Constitution, quinze jours avant le 29 mai, la plupart des sondages donnait le « oui » largement gagnant.

A plus de deux mois des élections, la plupart des prévisions se sont avérées fausses : la victoire de Giscard en 1981, celle de Rocard en 1988, celle de Delors, puis de Balladur en 1995, un deuxième tour Chirac-Jospin en 2002, la victoire du « oui » au référendum du 29 mais 2005. Un peu de recul devrait donc nous aider à prendre les sondages actuels pour ce qu’ils sont : une photographie très déformée de l’opinion, à un moment donné et en aucun cas une prévision un tant soit peu fiable de ce que seront les votes des électeurs le 22 avril et le 6 mai prochain.

Il faut, certes, prendre au sérieux l’offensive des principaux médias en faveur de Bayrou et contrer cette offensive en expliquant ce qu’est Bayrou, non pas un « homme neuf » mais un vieux routier de la Droite qui a voté toutes les lois anti-sociales de Raffarin et de Villepin. L’heure n’est donc, ni à perdre son sang froid en prenant pour argent comptant les sondages qui cherchent à placer Bayrou au firmament, ni à se positionner, comme l’ont fait à leur façon DSK et Delanoë, sur le terrain de Bayrou, c’est-à-dire de la Droite.

Au contraire, la montée au créneau des principaux médias pour imposer un deuxième tour avec deux candidats de droite indique à quel point la classe dirigeante a peur d’une victoire de Ségolène Royale et des forces sociales qui verraient dans la victoire de la candidate du Parti Socialiste leur propre victoire. Cette montée au créneau nous indique aussi clairement comment Ségolène Royal peut gagner : en se positionnant clairement à gauche pour rassembler son camp, tout son camp.

Jean-Jacques Chavigné


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