La débâcle de juin 1940 expliquée par la NSA... (document)

vendredi 15 décembre 2017.
 

Du 10 mai au 22 juin 1940 et l’invraisemblable armistice : les mystérieuses raisons de la défaite-éclair figurent noir sur blanc dans les archives de la NSA…

En Mai 1940, l’armée allemande a mis en pièces les forces conjuguées de la France, la Grande Bretagne, la Belgique et les Pays Bas au terme d’une campagne terrestre qui aura duré moins d’un mois et demi.

Depuis, historiens et stratèges de tous bords émettent de savantes hypothèse sur les causes d’un tel désastre. Les uns insistant sur une prétendue supériorité allemande en hommes et en armement, d’autres mettant en exergue la supériorité supposée des divisions de Panzers allemandes sur leurs homologues françaises.

On connaît d’ailleurs la formule du Général Maurice Gamelin expliquant à Churchill non sans une immodestie assez malvenue compte tenu de ses prestations comme Commandant en Chef jusqu’à son limogeage du 17 mai et son remplacement par Weygand, les raisons de la rouste que lui a infligée le camp d’en face : « une infériorité en nombre, une infériorité en équipement, une infériorité dans la méthode ... ».

Sauf que la légende de l’infériorité des moyens a fait long feu.

TICOM explique le Blitz

Globalement, les alliés de 1940 possédaient autant de divisions et d’avantage de canons et de blindés que l’ennemi. Certes leurs forces aériennes étaient inférieures à celles de nazis mais leur rôle ne fut pas décisif dans la percée réussie du massif des Ardennes que l’état-major français, rallié à l’avis éclairé du Maréchal Pétain, jugeait infranchissable. L’Histoire a jugé avec sévérité la validité d’un tel postulat ayant conduit les troupes allemandes à attaquer lâchement leurs adversaires littéralement médusés à l’Ouest de Sedan dès le 12 mai…

Quant au Renseignement portant sur l ’écoute des communications, la majorité des historiens qui se sont penchés sur la question s’est bornée à magnifier le rôle de la petite équipe pluridisciplinaire de Bletchley Park incarnée par le malheureux Allan Turing, parvenue à percer les secrets de la machine à chiffrer allemande Enigma…

Bref, le mystère demeurait entier sur cette question sensible que l’inconscient collectif hexagonal a toujours cherché à évacuer de son Histoire contemporaine. Jusqu’à ce que la NSA, les omniprésentes Grandes Oreilles US, lèvent progressivement le secret sur les archives de TICOM.

TICOM (Target Intelligence Committee) est un projet peu connu du grand public, lancé par les États Unis durant la deuxième moitié de la Seconde Guerre Mondiale, et consistant à recueillir tout le savoir-faire nazi disponible dans le domaine de la cryptographie, autrement dit, du codage et du décodage des communications. Une mine d’informations dont la NSA allait être le gardien sourcilleux pendant près de 50 ans...

La plupart des rapports TICOM ont été rédigés après la guerre à partir de la documentation, des systèmes, dispositifs et autres machines à chiffrer saisis, et de l’interview des principaux acteurs du drame dont, comme le veut la tradition, les meilleurs spécialistes allemands ont trouvé après la guerre, de nouveaux employeurs, tant à l’Ouest qu’au sein du bloc soviétique…

Et les archives de TICOM ne laissent planer aucun doute sur les raisons du succès de la « Blitzkrieg » à la teutonne…

Ainsi, un certain Wilhelm Fenner, responsable du service de décryptage du Haut Commandement Militaire allemand (« OKW/chi » ou ’Oberkommando der Wermacht Chiffrierabteilung’) aurait tenu lors de son debriefing, les propos suivants notamment reproduits dans le rapport TICOM DF-187B : « Avant même le début des hostilités avec la France, les systèmes du Haut Commandement français avaient été décodés. Il s’agissait d’un code à 4 ou 5 chiffres qui était systématiquement transposé. On a découvert dans les cryptogrammes, quelques passages parallèles (répétitions). L’intervalle entre ces passages était constant et devait donc correspondre à la largeur de la boite de transposition comme l’ont montré ultérieurement des études crypto-analytiques...En dépit de l’intelligence de ce système de cryptage, l’existence de courts passages parallèles s’est avérée fatale... »

NSA, la mauvaise conscience française

De son côté, le Colonel Randewig, responsable de toute l’organisation de l’interception des communications à l’Ouest pendant la guerre-éclair, accouché par les hommes du TICOM à la fin de la guerre, tient les propos suivants dans le rapport FMS P-038 consacré au Renseignement Radio des allemands : « Dès décembre 1939, les allemands ont réussi à casser un système cryptographique utilisé par le Commandement français dans ses messages aux districts militaires. Il avait été maintenu en dépit des dispositions prises avant l’ouverture des hostilités en septembre 1939. Les allemands sont parvenus à casser ce code parce que la station-radio coupable de ce manquement aux ordres donnés a été réprimandée et a ensuite envoyé les mêmes messages au moyen du système approprié.. » ou encore : « Le 16 juin, le lendemain de la traversée de l’Aisne par le groupe d’armée A, la principale station radio du Ministère de la Guerre qui était également utilisée par le Haut Commandement français a cessé d’émettre et a passé la main à la station principale de Tours que l’on a estimé être celle du nouveau poste de commandement du Général Weygand...Un message intercepté le 13 juin nous a révélé la décision du Haut Commandement français de se replier au sud de la Loire...Le 15 juin le trafic radio français commença à donner des signes de complète désorganisation. Les États-majors s’appelaient en vain. Les messages aveugles devinrent plus fréquents et le nombre des messages non-codés a augmenté considérablement. Plusieurs codes étaient employés bien que leurs utilisateurs devaient certainement savoir qu’ils n’étaient pas sûrs. La confusion des opérations radio démontrait la désintégration croissante des forces françaises... »

Mais c’est sans conteste Erich Hüttenhain, un mathématicien égaré dans la cryptologie qui affinera perfidement le trait lors de ses interviews menés en Grande Bretagne par les hommes du TICOM alors que la guerre n’était pas terminée.

Il a en effet affirmé à plusieurs reprises (« Einzeldarstellung aus dem Gebiet der Kriptologie » page 14 à 16) et fourni des preuves tangibles que le code utilisé pour chiffrer les messages entre le Ministère de la Guerre et les districts militaires était un système à 4 chiffres de 10 000 valeurs, chiffrées par courtes séquences additives. S’agissant d’une méthode de chiffrement présentant une sécurité limitée, conservée pendant de nombreuses années malgré l’avis de plusieurs experts, les messages de caractère stratégique émanant du Ministère n’avaient plus de secrets pour les allemands lors du lancement de la campagne de France. (« en septembre 1939 lorsque la Deuxième Guerre mondiale a éclaté, au lieu de changer de procédure de chiffrement, le Ministère de la Guerre a ordonné que ce système de transposition soit étendu à l’ensemble des districts militaires. Dans la mesure où le système à 4 chiffres est resté en vigueur, les allemands ont pu déchiffrer ce trafic jusqu’en juin 1940 date à laquelle le Haut Commandement allemand avait eu connaissance de toutes les opérations militaires importantes menées par les forces françaises... »)

Rançon, de la gloire, c’est à Hüttenhain que sera confié en 1956, la création du ZfCh (Zentralstelle für das Chiffrierwesen) qui sera jusqu’en 1989 l’autorité unique allemande en matière de politique de chiffrement applicable par tous les établissements publics fédéraux appelés à faire usage d’un cryptage opérationnel...

Nombreuses sont les preuves recueillies par TICOM qui expliquent le pari insensé pris par l’État Major allemand, à partir des informations recueillies par ses unités de décryptage, de concentrer la totalité de ses divisions blindées sur le secteur des Ardennes, et de les utiliser pour encercler puis détruire tout le flanc nord des alliés.

Ainsi, le document TICOM référencé DOCID 3560861 qui précise :

* (page 9) : « Les principaux succès de l’organisation de cryptographie de l’armée allemande, depuis sa création, jusqu’à la fin de la guerre consistent, avant 1939, à avoir réussi à déterminer les ordres de bataille des armées française, néerlandaise et britannique. Un résultat obtenu par le décryptage des codes français et des chiffrages à double transposition de l’armée néerlandaise...Durant la campagne de France de 1940, d’avoir déterminé les ordres de batailles mobiles de l’armée française en ayant décrypté les codes du Ministère de la Guerre... »

* (page 16) : « Les succès les plus impressionnants de la période 1939-1944 semblent avoir été atteints sur les systèmes français. La clé de chiffrage de la machine à chiffrer Hagelin B211 (adoptée par la France et aujourd’hui obsolète) et des succès limités ont été obtenus sur la machine française BC-38. Le code d’un important attaché militaire a été cassé au début de la guerre. Après 1940, tous les systèmes de Vichy étaient automatiquement compromis dès lors qu’ils étaient pris en compte par la Commission d’Armistice de Wiesbaden... »

* (page 22) : « en 1940, le taux de décryptage des codes diplomatiques français était estimé à 75 %... »

Et c’est donc tout naturellement qu’est tombé le mythe selon lequel en 1940, l’armée française était la plus puissante et la mieux équipée d’Europe. Une caractéristique encore renforcée dans l’esprit des politiques de l’époque exception faite de quelques voix discordantes, par l’apport du petit corps expéditionnaire britannique et de la puissante flotte anglaise.

Bref, c’est tout de même un comble de devoir faire appel aux archives de la NSA pour rétablir la réalité des faits de la campagne de France….


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