Gérard Filoche : « Plus on facilite le licenciement, plus il y a de chômage »

lundi 13 juillet 2015.
 

Le gouvernement veut voir établi un «  barème  » des indemnités accordées par les prud’hommes en fonction de la taille de l’entreprise. N’est-ce pas l’introduction d’une inégalité de traitement des salariés, qui ne pourront plus prétendre aux mêmes réparations pour un préjudice équivalent  ?

Gérard Filoche Oui, bien sûr. Le remplacement des juges par des barèmes n’a jamais été un procédé très démocratique. Le licenciement est codifié par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, par la Charte européenne de 1999, par la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, lesquelles imposent qu’il y ait une information sur le licenciement, qu’il y ait une motivation au licenciement et, surtout, qu’il y ait la possibilité de se défendre et de faire recours en cas d’abus de la part de l’employeur. On ne parle même pas de droit du travail, ce sont des droits de l’homme  ! En plus du fait que les indemnités sont déjà très basses, là ils s’attaquent à des situations qui finissent aux prud’hommes, c’est-à-dire celles où il y a conflit entre le salarié et le patron, c’est-à-dire les licenciements abusifs  ! L’instauration de barèmes va profiter aux délinquants patronaux qui ont transgressé la loi.

Manuel Valls affirme que les employeurs «  hésitent à embaucher car ils ressentent trop d’incertitudes dans leur environnement  » , tout en admettant que «  cette crainte est parfois exagérée ou purement psychologique  ». Le respect du droit du travail, est-ce un «  frein à l’embauche  » ou une chimère inventée par le Medef  ?

Gérard Filoche C’est une complète chimère qui remonte aux années 1986, quand Yvon Gattaz, père de Pierre Gattaz (et président du patronat français – NDLR), voulait la fin du contrôle sur les licenciements en disant qu’il allait créer de l’emploi. Et ça fait 30 ans que le chômage augmente. Ça ne marche évidemment pas  ! Plus on facilite le licenciement, plus il y a de chômage. Ces discours sont de la propagande médiocre sans aucun effet sur l’emploi. Ce sont les carnets de commandes qui font de l’emploi. Si Valls veut créer de l’emploi, je lui conseille, par exemple, de rendre les 11 milliards qu’il a retirés aux collectivités territoriales.

Le gouvernement reporte à l’été l’évaluation des effets du pacte de responsabilité, tout en annonçant immédiatement de nouveaux allégements fiscaux et sociaux pour les PME. Est-ce la voie à suivre  ?

Gérard Filoche À chaque fois que l’argent a été donné, prenons l’exemple des PME de la restauration (15 milliards sous forme de baisse de TVA pendant 5 ans), les entreprises n’ont pas créé un seul emploi, n’ont rien modernisé. Elles ont juste augmenté leurs profits. Et c’est pareil pour les multinationales, qui reçoivent 41 milliards de l’État alors qu’elles vont blanchir leur argent au Luxembourg. La théorie de Macron, c’est le ruissellement  : en donnant de l’argent à ceux d’en haut, ça finit par retomber jusqu’en bas. Mais ça ne marche pas  ! Ceux d’en haut siphonnent, et rien ne retombe, si ce n’est pour les banques et les entreprises financières.

Propos recueillis par 
César Prieto, L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message