Le bilan libre et non faussé des libéralisations

vendredi 10 juillet 2015.
 

SNCF  : le privé arrive en gare

Rentabilité et ouverture à la concurrence sont devenues les maîtres mots d’une stratégie d’aménagement du territoire qui ne répond plus aux exigences de service public. Fermetures de lignes, de gares, de guichets, report modal vers la route, abandon du fret, la nouvelle carte ferroviaire consacre le recul du rail, la casse du service public et la suppression en cascade de postes de cheminots. Une carte à trous qui dessine les contours de véritables déserts ferroviaires. Remises fin mai au gouvernement, les conclusions du rapport Duron sur l’avenir des lignes Intercités (TET) témoignent une fois de plus de la priorité accordée aux lignes dites «  rentables  ». «  Plutôt que de proposer une ambition nouvelle pour le service public, la commission Duron propose des coupes claires dans l’offre TET en supprimant de nombreuses lignes ou tronçons et dessertes. Des transferts massifs du train vers la route sont envisagés, profitant très opportunément des dispositions de la loi Macron visant à la libéralisation des autocars  », analyse la fédération CGT des cheminots. Et alors que Bruxelles tente d’imposer aux pays de l’Union une ouverture totale du rail à la concurrence, le rapport Duron va jusqu’à préconiser l’anticipation, en ouvrant, dès que possible, le trafic voyageurs aux opérateurs privés. Le tout facilité par la réforme ferroviaire qui, en éclatant l’entreprise historique SNCF en trois entités, permet la vente à la découpe du rail français. Mobilisés contre ce texte durant des mois, les cheminots maintiennent la pression, pour la sauvegarde d’un véritable service public ferroviaire dans une Europe de la coopération, loin de la vision dogmatique du tout-concurrence.

La Poste  : les bureaux disparaissent dans la nature

Un processus de privatisation par étape. Depuis le 1er mars 2010, La Poste est devenue une société anonyme à capitaux publics. Moins d’un an plus tard, le marché est ouvert à la concurrence. Si l’entreprise, détenue par l’État à hauteur 73 % et par la Caisse des dépôts à 26 %, reste monopolistique, elle accélère sa libéralisation. Prenant prétexte de la baisse de l’activité du courrier, réelle, mais pas aussi forte que prétendu par la direction, les restructurations dans les centres de distribution et de tri battent leur plein. Donnant lieu à des luttes au long cours et victorieuses comme récemment à Thuir (Pyrénées-Orientales) après 97 jours de grève. Les bureaux de poste ne sont pas épargnés. Ils sont nombreux à fermer leurs portes, en milieu rural comme en ville. À cause du rouleau compresseur des réorganisations, 90 000 emplois ont été supprimés en dix ans. Cette perte de terrain du service public semble avalisée par le gouvernement. Il a signé le contrat de présence postale 2014-2015, avec l’Association des maires de France et La Poste, qui s’engage à maintenir 17 000 points dans l’Hexagone. Un accord de façade. Dans certains départements, la moitié des bureaux de plein droit ont déjà été remplacés par des agences postales communales (APC) ou des relais poste commerçants (RPC). La Poste se défausse ainsi d’une partie de ses responsabilités sur les commerçants ou les maires. Le service public postal n’est plus la priorité stratégique de l’entreprise qui mise désormais sur la Banque postale et les prestations commerciales pour son développement.

EDF  : les usagers paient la note

Depuis le 1er juillet 2007 et la libéralisation du marché de l’électricité, les prix se sont envolés de plus de 30 %. La dernière augmentation tarifaire remonte à novembre 2014 (+ 2,5 %). Le plan gouvernemental visant à faire racheter par EDF – pour quelque 2 milliards d’euros – une partie d’Areva devient l’occasion de passer au chantage. Ainsi, selon le Journal du dimanche, Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, aurait demandé au gouvernement, en contrepartie, une augmentation des tarifs de l’électricité de 2,5 % en 2015, 2016 et 2017. En clair, faire payer au contribuable usager la facture du dossier Areva et les investissements dans le nucléaire français.

Marion d’Allard, Clotilde Mathieu et Cécile Rousseau, L’Humanité

http://www.humanite.fr/le-bilan-lib...

Dans la Nièvre, aucun service n’échappe à la casse organisée

Se rendre à la mairie pour envoyer un recommandé car le bureau de poste s’est changé en agence postale communale. Se casser le nez devant l’agence des finances publiques désormais fermée l’après-midi. Devoir faire 40 kilomètres à travers le Morvan pour pouvoir accoucher. Voilà le lot d’un nombre grandissant de Nivernais, qui font face à une offensive tous azimuts contre leurs services publics.

Dans ce département bourguignon d’un peu plus de 214 000 habitants, on a la sourde impression qu’une chape de plomb pèse sur les services publics. Et même si l’incompréhension et le découragement frappent une partie de la population, ceux qui voient le vent venir travaillent à la prise de conscience et au rassemblement pour la reconquête des services publics.

À Saint-Saulge, tout aurait dû se passer sans vague. Les habitants ont appris par la presse que le bureau de poste allait fermer et qu’il allait être remplacé par une agence postale communale (APC). Comme 72 autres bureaux dans le département, celui-ci n’était «  pas assez fréquenté  », selon la direction départementale de La Poste. Une fréquentation en baisse «  provoquée par La Poste elle-même, puisqu’elle incite les usagers à se servir en priorité des automates  », s’insurge Angélique Lajnaf, factrice et militante CGT. Or les prestations des automates «  ne sont pas comptées par la direction  », précise la factrice. Quand on y ajoute une modification ubuesque des horaires d’ouverture qui contraint les usagers à se rendre dans un bureau plus important pour affranchir une lettre ou un colis, il devient aisé de pointer «  une baisse de la fréquentation  ».

«  En colère contre La Poste… 
mais pas contre mon facteur  »

À Saint-Saulge, les habitants n’ont pas été dupes du pis-aller proposé par le maire et consistant à faire sous-traiter les services postaux par la municipalité. Wilfried Gay, secrétaire de la section du PCF du Centre Nivernais Morvan, explique comment un collectif de citoyens improvisé pour la circonstance a mis en place la pétition «  En colère contre La Poste… mais pas contre mon facteur  ». Partie prenante de ce collectif, il a complété l’offensive en apportant le soutien de la section communiste, coorganisant un rassemblement devant la mairie, le 30 mai. Ce jour-là, 426 signatures ont été remises au député socialiste Christian Paul. Ce dernier a fait part de son étonnement de voir La Poste prendre la décision de fermer un bureau dans un ancien chef-lieu de canton et s’est engagé à prendre contact avec le directeur technique régional.

Usagers ou salariés de La Poste floués par des décisions libérales implacables peuvent aussi compter sur la CGT, qui sera tout l’été sur les marchés de la Nièvre et devant les bureaux de poste. Le syndicat appellera à la lutte pour un service postal public de qualité. La CGT alerte aussi sur la réduction des horaires d’ouverture des ex-hôtels des impôts, devenus des centres de finances publiques, et dont le Journal du Centre se faisait l’écho, jeudi 11 juin. Christine Raguillat, contrôleuse fiscale et secrétaire générale du syndicat CGT finances, explique la démarche, par ailleurs déjà vue  : «  La direction départementale des finances publiques incite à la dématérialisation des opérations (comme la télédéclaration des impôts) et fait tout pour que le contribuable ne se déplace plus à la trésorerie.  » Elle ajoute  : «  C’est un moyen de flécher les suppressions d’emplois et les fermetures de trésoreries, notamment dans les petites villes.  »

Le 18 juin prochain, les salariés se retrouveront en intersyndicale (CFDT, CGT, Solidaires) afin de contrer le processus qui prévoit la fermeture de six trésoreries d’ici à la fin de l’année. Dans les hôpitaux nivernais, l’heure est aussi au démantèlement. Malgré le découragement qui guette et dont font état une grand nombre de syndicalistes, des luttes se font jour. Comme à Decize, où la communauté hospitalière de territoire (CHT) prévoyait de fermer la maternité. Les usagers se sont alors organisés en collectif et ont lutté avec la CGT pour sa réouverture. Validée sur le papier, elle n’est toujours pas effective. «  La preuve d’un manque de volonté de la part des décideurs  », lance Laurent Laboureau, secrétaire général CGT santé dans le département. «  On a interpellé les parlementaires du département, seules une députée et une sénatrice ont répondu. On n’a rien reçu de Christian Paul  », précise-t-il. À Château-Chinon, l’hôpital n’assure plus les urgences après 22 heures et, à Cosne-Cours-sur-Loire, la radiologie, la maternité et la chirurgie ont été cédées au privé. Dans la Nièvre comme ailleurs, l’urgence appelle à un renouveau nécessaire des services publics.

Olivier Morin, L’Humanité


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