Notre Dame des Landes : démocratie ou passage en force ?

dimanche 28 juin 2015.
 

Le jugement attendu le 17 juillet prochain sur les recours aux arrêtés du 20 décembre 2013 relatifs à la Loi sur l’eau et la protection des espèces protégées sera significatif de l’aspect démocratique des procédures officielles mises en œuvre lors des grands projets d’aménagement comme celui de Notre Dame des Landes.

Deux aspects distincts concernent directement des décisions de l’Etat :

- l’opportunité du projet lui-même avec les affirmations concernant les insuffisances et les nuisances du site aéroportuaire actuel de Nantes-Atlantique et les promesses économiques de Notre Dame des Landes (NDL) ;

- les analyses du site de Notre Dame des Landes avec les mesures compensatoires aux dégradations apportées à l’environnement, aux espaces naturels avec sa zone humide à 98 % et à la destruction des espèces protégées.

Opportunité du projet

Sur l’opportunité du projet, un « débat public » a été mené fin 2002, avec de gros dossiers constitués par l’Etat. Puis l’enquête d’utilité publique a été ouverte en 2006 et, suite au rapport de la commission d’enquête, la déclaration d’utilité publique publiée en 2008.

Formellement, l’avis favorable du commissaire enquêteur d’avril 2007 était assorti de quatre réserves, avec notamment le souhait d’un seul observatoire chargé d’établir un point zéro environnemental, et de quatre recommandations, comprenant les réalisations du tram-train à l’ouverture de NDL et de la liaison TGV Nantes-Rennes à l’horizon 2025.

Dégradations apportées à l’environnement

De l’eau a coulé sous les ponts et inondé la ZAD pour laquelle une enquête publique au regard de la « Loi sur l’eau » a été menée. A la lecture des conclusions de la commission d’enquête d’octobre 2012, la démarche affichée dans les textes « Eviter, réduire, compenser » ne semble pas en voie de réalisation. Rien n’est évité en termes de destructions, aucune réduction du projet n’est apparue et les compensations proposées sont hors des clous.

Rappelons que la concession de 55 ans accordée à AGO/VINCI fin 2010 comme l’ouverture de l’enquête publique juste avant la date du 1er juin 2012 portant application de la nouvelle loi « engagement National pour l’Environnement », bien plus protectrice de l’environnement et donc plus contraignante, participaient, pour le moins, de ce qu’on ne peut appeler qu’une manipulation démocratique.

Cette nouvelle méthode « expérimentale » de compensation fonctionnelle pour les zones humides détruites, proposée par AGO/VINCI est dérogatoire à la « loi sur l’eau » qui impose une compensation des surfaces à 200 % des zones détruites. Or, dans les conclusions de la Commission d’enquête « Loi sur l’eau », la réserve fondamentale était une impérative caution scientifique de cette méthode exploratoire de compensation fonctionnelle.

Après l’échec du coup de force de l’opération « César » d’octobre 2012 où 1000 gardes mobiles n’ont pas réussi à « vider la ZAD », le gouvernement, avec Jean-Marc Ayrault premier ministre, a mis en place une « commission du dialogue ». Cette commission a nommé un collège d’experts scientifiques. Les conclusions de ce collège, publiées en avril 2013, rejettent clairement la méthode de compensation et son applicabilité au site de NDL.

Quelle démocratie de fonctionnement ?

En dépit des travaux considérables produits aussi bien par des fonctionnaires que par des experts indépendants, un tel fonctionnement montre bien l’opacité démocratique voulue par le pouvoir avec des procédures de consultation et d’enquête publique qui ne sont pas, en droit, opératoires. Aussi, bien qu’elles aient formulé des objections de fond, ces différentes consultations ne sont pas un obstacle à la publication de décrets actant la poursuite des projets critiqués et à leur mise en œuvre.

Le pouvoir de l’Etat apparait ici absolu. En droit, les diverses conclusions ne sont qu’indicatives et, en fait, le pouvoir via ses préfets publie les décrets qu’il veut. C’est explicitement la règle du « cause toujours ! ».

Cette politique du rouleau compresseur ne s’embarrasse pas non plus de cautions démocratiques puisque les contre-expertises sont délibérément ignorées : ainsi les nombreuses études de l’ACIPA/CéDpa, des naturalistes en lutte, d’associations de défense de l’environnement, qui mettent largement en pièces les argumentaires et études de la DGAC, par exemple sur le réaménagement de Nantes Atlantique, ont toujours le silence pour seule réaction.

Démonstration est faite que ces procédures officielles ne sont nullement des exercices démocratiques susceptibles de modifier voir d’inverser des choix du pouvoir. Notre impératif reste de devoir de sans cesse développer le rapport de force.

Ainsi, les investissements citoyens et militants pour réaliser ces contre-études comme les Ateliers Citoyens mis en place pour le réaménagement de l’actuel aéroport de Nantes Atlantique sont en train de constituer non seulement des groupes d’expertises aptes à démonter les argumentaires officiels mais aussi à forger des exemples concrets de pratique autogestionnaire : les consciences et le pouvoir se construisent dès ces moments là.

Les 11 et 12 juillet prochain, une nouvelle fois à Notre Dame des Landes, ces démarches et mobilisations vont converger. A la veille du rendu de décisions de Justice pouvant conduire le gouvernement à décider la reprise des travaux, ce désormais traditionnel rendez-vous estival prend une importance encore plus grande.

Notre Dame des Landes est bien devenue terre de résistance pour refuser ce grand projet inutile et imposé mais aussi pour construire une autre société vraiment d’utilité publique.

Bertrand Vrain


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