Ferme-usine contre militants de la Confédération paysanne : histoire de lait et de caca

mardi 23 juin 2015.
 

Voici une histoire de lait et de caca (« digestat ») qui finissent dans la bonne odeur du fric. Pour cela, il faut mettre des vaches en boites à sardines et des paysans rétifs en prison… Neuf militants de la Confédération paysanne et d’associations citoyennes poursuivis suite à leurs actions contre la « ferme des 1 000 vaches » étaient donc jugés en appel mercredi à Amiens. Ils avaient d’abord été condamnés en première instance en octobre dernier. Mercredi, je participais donc à la manifestation de solidarité avec eux. Avec Martine Billard qui prit ensuite la parole en notre nom, nous conduisions une délégation de cinq membres de notre secrétariat national. Cette présence voulait signaler l’importance pour nous de ce qui se joue dans cette affaire.

Ce procès est d’abord celui de l’action syndicale et des lanceurs d’alerte. En première instance, les 9 ont été condamnés à des amendes et certains à des peines de plusieurs mois de prison avec sursis ! De la prison ! Que leur reproche la justice ? D’avoir refusé de se soumettre à un prélèvement d’ADN. Et d’avoir volé symboliquement une pièce du chantier pour l’amener au ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll. Aujourd’hui avait lieu le procès en appel. Le procureur a requis le maintien des mêmes peines. Oui, c’est ça : le procureur avait un avis cette fois ci. Pas comme dans les affaires de faux tracts de Le Pen, ou comme dans celle du hacker qui a diffusé partout mon image grimé en Hitler, deux cas ou « l’avocat de la société » n’avait aucun avis. A croire que pour cogner sur les militants syndicaux, toutes les vertus du ministère de la Justice sont à fleur de peau.

En réalité, le procès contre les syndicalistes est surtout celui de ce projet de ferme-usine. La ferme des 1 000 vaches est une aberration à tous les points de vue : agricole, écologique, sanitaire… Une aberration agricole d’abord. La ferme va produire 8 millions de litres de lait par an à 270 euros la tonne. Cela revient à casser les prix alors que le cours est de 350 euros. Cette logique est directement liée à la suppression des quotas laitiers depuis cette année en vertu de la nouvelle politique agricole commune européenne. Désormais, tout est permis. Le secteur, déjà en crise, va être encore davantage déstabilisé. Les petits producteurs, qui pourtant fournissent un lait de meilleure qualité, ne pourront pas faire face longtemps face à ces machines à casser les prix. Pour le savoir, il suffit de regarder en Allemagne. Cette logique des fermes-usines y a déjà été appliquée. Elle a liquidé des milliers de petites exploitations comme je l’ai signalé dans mon livre Le Hareng de Bismarck.

La ferme des 1000 vaches est aussi une aberration écologique. En effet, qui dit élevage massif, dit épandage massif. L’épandage c’est l’étalement du caca, pour faire bref… Et qui dit épandage massif, dit pollution massive aux nitrates. Le risque est réel pour la nappe phréatique, mais aussi pour toute la baie de Somme ! Bien sûr, cette pollution aura un impact sur la santé des riverains. Et je ne parle pas de la qualité du lait qui sortira de cette ferme où les vaches seront bourrées d’antibiotiques. Cette ferme doit être démantelée. Le site d’information écologistes Reporterre a récemment publié un témoignage accablant d’un ancien salarié de cette ferme. Les animaux, parqués à vie dans un espace de 1,5 mètre de large, y sont aussi maltraités que les salariés ! Telle est l’agriculture que les puissants veulent voir naitre dans « l’Europe qui nous protège ».

Mais l’homme à l’origine de ce projet, Michel Ramery, n’a rien à faire de tout ça… L’agriculture, il n’y connaît rien. Son métier : entrepreneur du BTP. Ce qui l’intéresse ? Faire du fric. Et il s’y emploie à merveille. Ses amis du PS qui proposent comme rêve à chacun de devenir milliardaire savent encourager les vocations. Grâce à eux il détient plus de marchés publics sur la région Nord-Pas-de-Calais que Vinci et Bouygues réunis. Son but réel avec cette ferme, c’est la méthanisation du fumier, qu’il revendra à EDF avec les encouragements et les subventions du gouvernement… La production de lait n’est en réalité qu’une activité annexe de cet agro-business, une sorte de matière première. Peu importe que l’épandage des 40 000 tonnes de « digestat » neutralise 3000 hectares de terres productives. Peu importe que cet agro-business ne crée que 10 emplois alors que, selon le ratio moyen des exploitations françaises, élever 500 vaches génère 35 emplois… Peu importe de polluer la nappe phréatique et de briser les reins des petits producteurs de lait. C’est la politique de l’offre chère à François Hollande et aux ultra-libéraux.

S’il y a un délinquant dans cette affaire, c’est Michel Ramery ! Pas les militants de la Confédération paysanne et des associations citoyennes. J’exagère ? Suite à l’article de Reporterre, les services de l’Etat ont ordonné un contrôle sur place il y a quelques jours. Ce contrôle a montré que le cheptel atteignait 800 vaches, au lieu des 500 autorisés ! Un petit arrangement avec la loi qui n’a pas empêché Michel Ramery d’attaquer ceux qui ont dénoncé son exploitation. Il faut dire que le ministre Stéphane Le Foll et ses maitres à penser de la FNSEA, le syndicat qui gère l’agriculture en France, soutiennent cette méga-ferme. Et qu’en pense la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal ? Il y a un an, elle disait que cette ferme « n’est pas notre modèle économique, ni notre modèle écologique ». Mais depuis, elle se tait. Heureusement que les syndicalistes paysans sont plus courageux pour défendre une agriculture paysanne écologique !


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