Jean-Luc Mélenchon : « L’Europe n’est pas viable si elle est dominée par un seul gouvernement »

mercredi 20 mai 2015.
 

A lire dans l’Humanité Dimanche, notre entretien avec Jean-Luc Mélenchon qui publie « le Hareng de Bismarck ». Un pamphlet dans lequel le député européen du Parti de gauche défend l’expérience grecque et s’en prend au gouvernement d’Angela Merkel et à son ordo-libéralisme cette doctrine économique qui confie à l’État pour rôle essentiel de garantir une « concurrence libre et non faussée ». Extraits.

HD. Qu’est-ce qui vous a décidé à écrire ce livre ?

JEAN-LUC MÉLENCHON. Le sort réservé à Tsipras ! J’ai été outré du comportement du gouvernement allemand, et du fait que Hollande ne réagisse pas. C’est une faute politique lourde contre l’idéal européen de permettre qu’un État membre de l’Union soit traité de cette manière. Après avoir fait de la Grèce un laboratoire économique, ils en font un pilori politique : voilà comment sont traités ceux qui résistent ! Quand Tsipras a gagné, j’ai rencontré François Hollande pour plaider la cause des Grecs. Je lui ai dit : si on laisse agir contre eux, ce sera ensuite le tour de la France. Nous sommes déjà, au fond, traités comme des Grecs. Le comportement de Berlin n’est supporté nulle part, et la germanophobie explose partout en Europe. Ce sentiment peut virer à la haine xénophobe. Nous devons donc expliquer leur raison d’agir. Berlin se met au service d’une politique : l’ordo-libéralisme. L’autre but du livre c’est de stopper l’idée qu’il y a un endroit où le système marche, informer de la situation réelle de ce pays. Enfin, le troisième volet est d’alerter, d’éclairer sur la lâcheté des dirigeants français.

HD. On a davantage le sentiment que les dirigeants français adhèrent à cette politique ...

J. -L. M. Bien-sûr, c’est aussi leur politique.

HD. Ne craignez-vous pas qu’en s’en prenant directement à l’Allemagne, cela n’exonère les autres dirigeants de leurs responsabilités, et ne détourne le regard ?

J. -L. M. Mon livre n’est pas fait pour amnistier qui que ce soit. Mais le gouvernement qui fait respecter cet ordo-libéralisme en Europe, c’est celui de la droite allemande. Bien entendu, quand on critique l’Allemagne, on critique les traités européens, et ceux qui les ont signés.

HD. Pourquoi cette forme du pamphlet ? Ne pensez-vous pas qu’elle prête le flanc aux accusations de germanophobie, et risque de desservir le fond de votre propos ?

J. -L. M. Montrer du doigt les mauvaises manières c’est une attitude de classe bien connue. Quoi que je fasse, je suis critiqué sur « la forme ». Jamais le fond. Ce n’est pas grave. Le conflit créé la conscience, explique Marx. Je venais d’éditer un livre théorique, « l’Ère du peuple ». Son registre pédagogique n’a pas permis les débats que j’espérais. Le pamphlet donne une liberté de ton. Pour le lecteur, ça fait sourire, ça détend la gravité du propos. Je ne prétends pas être au niveau d’écriture et d’investigation de Bruno Odent qui m’a inspiré. Je suis un lanceur d’alerte politique : l’ordo-libéralisme met la paix en danger en Europe...

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR DIÉGO CHAUVET ET BENJAMIN KÖNIG


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