"Le hareng de Bismarck" de Jean-Luc Mélenchon : à lire absolument

mardi 12 mai 2015.
 

C’est un livre qui doit faire événement en ce mois de mai 2015. C’est un livre qui se tient à distance des petites polémiques du jour qui nourrissent nos chaines d’informations continues où une info chasse l’autre avec la durée de vie du kleenex les jours de grand rhume. C’est un livre qui nous sort des débats absurdes sur le nombre de bambins supposés musulmans dans les maternelles d’ici ou là. C’est un livre qui nous extrait du commentaire sur les disputes de la famille « Bélier contre immigrés » c’est à dire les Le Pen père, fille, petite fille et gendre. C’est un livre surtout qui plonge au cœur des problèmes économiques et sociaux de notre temps et qui a pour ambition d’expliquer pourquoi l’Union européenne mène à la chlague une absurde politique d’austérité qui provoque des dégâts sociaux dans toute l’Europe.

Ce livre, c’est le dernier ouvrage de Jean-Luc Mélenchon « Le hareng de Bismarck (Le poison allemand) » (Editions Plon). Le sous-titre annonce le contenu. Pour l’auteur, l’Europe souffre de l’arrogance politique de cette droite allemande (CDU-CSU) conduite par Angela Merkel enfermée dans le corset du capitalisme d’Outre Rhin. Là bas, comme l’explique Jean-Luc, le vieillissement de la population impose ses contraintes. Du coup, les retraités forment le gros des électeurs de cette droite. A la différence de notre modèle français où notre système de retraite est un système par répartition, le modèle allemand de retraite est un système par capitalisation. Pour assurer leurs vieux jours, les retraités allemands exigent toujours plus de dividendes et le maintien d’un euros fort. Donc, moins de salaires et d’investissements. Conséquence, c’est la finance qui règne sans partage et même le SPD (le PS allemand) la défend sans complexe dans des coalitions avec la droite.

Cet ouvrage fera peut être connaître au lecteur ce que l’on nomme « l’ordo-libéralisme » qui règne en Allemagne, c’est à dire cette théorie d’un ordre libéral non discutable dans l’espace public démocratique car selon lui les règles de l’économie sont sacrées et que la politique elle, est objet de passions non rationnelles et dangereuses pour la bonne marche de l’économie.

On découvrira en parcourant ces 200 pages que l’Allemagne n’est pas ce paradis écologique dont nous parlent certains. C’est même tout le contraire, le capitalisme allemand est particulièrement pollueur. Qui le savait ? Sur le terrain social, c’est une catastrophe, plus de 16 % de la population vit sous le seuil de pauvreté ce qui représente 13 millions de personnes ! Qui le dit ? Leur système éducatif est en crise. Leur service public à l’abandon. Leur système fiscal est de plus en plus injuste et de moins en moins redistributif, etc, etc… Et pourtant presque personne n’osent l’avouer dans le débat public français et qui n’a jamais entendu à la TV ou la radio un journaliste ou un politique (UMP ou PS, ils sont là dessus aussi interchangeables) nous asséner que "l’Allemagne, elle, a eu le courage de faire les réformes nécessaires..." ? On lira donc avec intérêts pour une fois les tristes et authentiques résultats de ces réformes.

Il faut donc lire le livre de Jean-Luc Mélenchon pour qu’enfin nous puissions discuter démocratiquement pour savoir si l’Allemagne est bien ce modèle économique que nous resservent les libéraux du soir au matin, et sur lequel nous devons prendre exemple séance tenante. Il permet aussi de comprendre que le gouvernement Merkel n’a pas la moindre légitimité pour insulter tous ceux qui, comme le gouvernement de M. Alexis Tsipras en Grèce, veulent sortir de l’austérité et de l’absurde remboursement d’une dette illégitime. La thèse de ce livre est qu’en Europe, et un premier lieu en France, c’est tout l’inverse de l’Allemagne qu’il faut faire. A propos de la sacro-sainte dette que, selon Mme Merckel (tiens et aussi Mme Le Pen, le saviez vous ?) chaque peuple devrait rembourser aux banques au prix des pires maux, ce « Hareng de Bismarck » rappelle comment, par trois fois, l’Allemagne n’a pas remboursé sa dette au cours du 20e siècle et ce fut tant mieux pour son peuple. Ce salutaire rappel historique permet de mieux mesurer la valeur éthique de la « fermeté » de cette droite allemande qui veut imposer aux autres peuples une doxa économique lorsque ses intérêts sont en jeu, mais qui rencontra plus de clémence dans son histoire de la part de ses mêmes autres peuples lorsqu’elle traversa des difficultés.

Plutôt que de se coucher piteusement face à elle, comme le fait le gouvernement actuel malgré les promesses de campagne du candidat Hollande, il est donc temps de tenir tête à cette Allemagne dont beaucoup de responsables politiques nous insultent ouvertement et nous espionnent même, sans que cela soulève un grand débat en France. Il est temps de lui résister politiquement, de refuser qu’elle serve de référence, par un quasi terrorisme intellectuel pour nous faire baisser les yeux sitôt que nous dénonçons l’injustice de notre monde et la folie des choix économiques de l’Union européenne sous influence allemande.

Non, il n’existe pas en Europe un pays de cocagne Outre Rhin que nous devrions regarder au garde à vous comme un exemple de réussite et en conséquence, balancer par dessus bord tous les acquis sociaux et notre conception républicaine de la Nation. L’Allemagne n’est pas ce pays imaginaire que tant d’observateurs ignorants ou malveillants nous chantent si souvent.

Un dernier mot. Le livre de Jean-Luc Mélenchon est un pamphlet. C’est à dire un texte qui s’assume comme tranchant et voulant provoquer le débat. Je connais un peu l’univers médiatique et devine d’avance que dès les premières pages (ou même la couverture) certains vont avoir des vapeurs et crier au scandale, à la germanophobie ou même y voir un appel à la guerre contre le peuple allemand. Il n’a rien de cela. Je laisse les ignorants à leur ignorance et les malveillants à leur malveillance, mais tout esprit libre et épris d’un idéal d’émancipation, trouvera dans ce texte des arguments rationnels à la recherche de l’intérêt général. Une chose est certaine, nous avons toujours considéré que le peuple allemand est un peuple frère et que la paix avec lui est quelque chose de précieux à chérir et maintenir. Le peuple allemand est un grand peuple qui a beaucoup apporté à la civilisation et à la France. Il a été le berceau de la pensée socialiste et du mouvement ouvrier. C’est le combat de nos frères de Die Linke, et notre ami Oskar Lafontaine, qui nous a servi de source d’inspiration pour quitter le PS et fonder le Parti de Gauche. Donc, malheur aux crétins qui viendront nous traiter de ce je ne sais trop quoi après avoir lu ce livre, ou sans même l’avoir lu.

L’expérience des siècles précédents nous apprend que la paix est une construction politique constante car fragile et qu’à contrario l’ultra libéralisme du 21e siècle fracture le vieux continent en repassant sur les mêmes failles qu’antan. Les trois guerres qui nous ont tragiquement opposé à l’Allemagne ne sont pas nées de la seule folie d’un Hitler ou je ne sais trop quels arguments psychologisants mettant l’économie et la politique à distance. N’ayant rien appris de cette histoire tragique, l’ultra libéralisme et les fanatiques qui l’impulsent, par leurs égoïsmes, exacerbent les vieux nationalismes se qui réveillent. Danger donc. Et l’un des mérites du livre de Mélenchon est aussi de mettre le doigt sur les propos agressifs et méprisants contre la France de beaucoup de responsables allemands.

Pour éclairer les consciences et lutter contre cela aussi ce livre est utile, et même indispensable car il apporte des faits, des arguments et des analyses. Vraiment, lisez ce livre intelligent.


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