Du Front de gauche vers la "Gauche populaire"

mardi 5 mai 2015.
 

Le pouvoir au peuple ? Comment fédérer en bas ?

Gauche alternative ou gauche de transformation sont des appellations par défaut, sans contenu défini. Nulles. Gauche de gauche ou gauche radicale redoublent la confusion. Pour savoir quel nom doit être le nôtre, il nous faut être clairs sur notre projet.

S’il s’agit d’en finir avec la domination de classe, partons d’une analyse de classe. La structure de classe clive la société en deux  : entre le peuple dans son grand nombre et une minorité oligarchique, qui est à la fois dominante et, comme dit Gramsci, «  dirigeante  ». Elle domine par un monopole de ­propriété concédée, sous la houlette du capital financier. Elle dirige à travers un monopole de compétences appropriées par une soi-disant élite. Elle exerce ainsi son pouvoir à travers deux sortes de privilèges reconductibles, qui se mélangent et convergent, mais conservent un potentiel de divergences. Elle articule deux forces ­sociales distinctes, qui, dans l’arène politique, siègent, l’une, à droite et l’autre, plus ambivalente, plus flexible, à gauche.

Au sein du peuple, et c’est ce qui le définit, il n’y a pas de privilèges, mais des acquis, fruits de luttes séculaires. Mais ces acquis, toujours à reconquérir, sont inégalement partagés selon que l’on appartient ou non à des professions ou générations où l’on s’est trouvé en mesure de les défendre. La gauche élitaire, aujourd’hui PS, tend à capter les suffrages de la partie du peuple la mieux pourvue, avec laquelle elle peut tisser des connivences autour de réseaux de ­protection et d’ascension sociale. La droite, elle, exerce son emprise sur ceux surtout qui n’ont pas les moyens de s’y projeter. Et le FN en est l’avatar menteur qui peut s’afficher quand elle a phagocyté son partenaire de gauche.

Quant au parti du peuple, il se donne dans une constellation d’organisations, syndicats, associations, mouvements et rebellions (sociales, culturelles, écologiques, de sexe et de migration), représentative d’une gauche populaire, distincte de la gauche élitaire. Il ne pourra faire reculer le pouvoir néo­libéral qu’en rassemblant un puissant bloc opposé, une gauche dont il sera le pôle hégémonique  : une longue lutte. Il recrute pour l’essentiel ses militants dans des couches sociales qui préservent encore quelques acquis. Il restera impuissant s’il ne va pas vers l’autre moitié du peuple, la plus dépourvue et la plus jeune. Quelle est donc la forme politique qui convient à ce combat de classe, à la stratégie du peuple des sans-privilèges  ? L’histoire du Front de gauche montre qu’il existe un ensemble d’organisations politiques capables de se fédérer. Mais son ­slogan porteur, «  Le pouvoir au peuple  !  », n’a pas la moindre chance d’être entendu s’il ne commence pas par se l’appliquer à lui-même.

La fédération au sommet doit se ­réaliser en bas, au ras de la vie des gens, en vraies communautés politiques, associant en chaque lieu les adhérents et les sans-carte en collectifs durables démocratiquement constitués et responsables de la lutte politique sur leur espace vécu. Seule une pratique politique en symbiose avec une culture d’association et d’intervention pourra donner au mouvement sa consistance unitaire, de bas en haut. Si cette analyse est juste, le nom qui convient à ce tiers-parti est celui de gauche populaire.

Jacques Bidet, Tribune dans L’Humanité


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