« Les républicains » vont succéder à l’UMP... ce hold-up qui se prépare

mercredi 29 avril 2015.
 

En ces temps si troubles où l’on veut que la télévision commerciale remplace les bibliothèques, où l’histoire est piétinée jusqu’au fond des poubelles, où la culture est méprisée, où les concepts sont retraités dans de grandes lessiveuses médiatiques, où les mots sont transmutés, voilà que M. Sarkozy, qui avait déjà pris Guy Môquet et Jean Jaurès en otage, prépare un nouveau vol sous notre nez. Il veut ripoliner son parti « l’UMP » avec un simple mot, « les Républicains ». Parce que ce n’est pas banal, il ne faudrait pas que cela passe comme une lettre à la poste. Ainsi sa machine de guerre électorale capturerait pour elle seule ce mot devenu système, si original en France, fruit d’une longue et belle histoire de luttes pour la souveraineté populaire.

La République, c’est mot pour mot « la chose publique ». C’est en République que chacune et chacun se définit comme citoyen. Tous composent la nation. Certes, il existe dans le monde de nombreuses républiques.

Mais, en France, on ne prête serment ni sur la bible, ni sur le billet de banque quand on accède à la fonction suprême. Notre pays a cette particularité d’être une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale », selon le préambule de la Constitution. Notre République n’a pas de véritable équivalent en Europe. La laïcité par exemple n’est nulle part ailleurs un principe constitutionnel.

Le projet sarkozyste qui malaxe le mot laïcité pour le réduire aux menus des cantines à l’école, qui a éteint la lumière vacillante de la démocratie quand il a foulé aux pieds le résultat du référendum sur le traité constitutionnel européen, il y a déjà dix ans, et qui a jeté par-dessus bord le mot « social » au profit des intérêts des milieux d’affaires, est à rebours du projet républicain issu de 1789.

Après avoir créé un ministère de « l’identité nationale », pour porter main-forte à la fausse mais violente théorie du « grand remplacement », alors que l’immigration ne représente que ... 0,36 % de notre population, il a bafoué l’idéal universaliste de la République française, blessé la citoyenneté qui dépend d’un statut de droit et non d’un tri par situation, servant notamment à refuser le droit de vote à une partie des créateurs de richesses de notre pays, contributeurs aux caisses sociales et du Trésor public.

Le hold-up en préparation ne vise pas seulement à imiter le parti américain ou à tenter de rejeter les autres forces en dehors du concept républicain, il vise à voler un nom, propriété de tous les citoyens pour dévoyer un projet, des concepts, un sens, des valeurs. Cela se fait sur un fond « d’alternance » politique pour de mêmes choix économiques, sociaux, culturels, éducatifs, soumis à Bruxelles et aux milieux d’affaires, alors que le premier ministre lui-même appelle le parti auquel il appartient à se débarrasser du mot « socialiste » pour peut-être devenir « démocrate », au nom d’une « révolution copernicienne » annoncée.

Rappelons que le clivage entre la droite et la gauche est précisément né avec la naissance de la République. Le 28 août 1789, lors du débat sur le veto royal à la Constituante, les députés opposés à cette mesure et hostiles à la toute-puissance du clergé se regroupent à gauche du président du bureau, tandis que les partisans du veto royal, de la sauvegarde de la monarchie et de la prépondérance de l’Église catholique, se placent à droite. Ainsi sont nées droite et gauche. Certes, depuis, la droite a endossé les habits de la République. Le combat acharné des républicains du XIX e siècle pour que la nation épouse les principes fondamentaux de la République et pour rendre irréversibles ses conquêtes permit d’intégrer dans ses rangs bon nombre de ses anciens adversaires. Ce fut une victoire républicaine de longue haleine qui ne gommait en rien les clivages intenses, désormais bordés par les principes universels. Ceux qui persistaient à la nommer « la Gueuse » se situaient à l’extérieur de son périmètre.

Ainsi, la République peut-elle être réactionnaire, autoritaire ou coloniale, mais aussi sociale, laïque et démocratique. En se déclarant très à droite par rapport à l’histoire de la droite depuis la Libération, en insistant sur le rôle supérieur « du curé ou du pasteur » sur l’instituteur, en menant campagne sur l’opposition entre l’identité française et d’autres fantasmées ou en opposant la démocratie à la République – l’une étant le régime du laisser-faire, l’autre celui de l’ordre et de l’autorité –, M. Sarkozy joue avec les limites du cadre républicain, intimement mêlé à la laïcité, à l’école publique, à la démocratie, aux services publics, à l’égalité des droits.

Ajoutons qu’à travers cette manœuvre, M. Sarkozy, qui n’a jamais caché sa fascination pour le modèle américain, cherche à en transposer ici ses caractéristiques politiques afin de fédérer, à l’image du Parti républicain, l’ensemble des composantes de la droite et d’une bonne partie de son extrême sur une orientation particulièrement dure : prédominance de la loi de l’argent et du religieux, ultralibéralisme, négation du principe d’égalité, néoconservatisme. Tout un programme pour notre pays !

M. SARKOZY QUI AVAIT DÉJÀ PRIS GUY MÔQUET ET JEAN JAURÈS EN OTAGE VEUT RIPOLINER SON PARTI ET CAPTURER CE MOT POUR SA SEULE MACHINE DE GUERRE ÉLECTORALE

Ainsi, cherche-t-il avec opportunisme à réduire la République à une vision étroite qui flirte avec ses limites, une version rabougrie de la République, césarienne, antidémocratique, soumise aux grands vents de la finance mondialisée.

La République ne dit pas tout mais elle dit beaucoup. La République française n’existe que si elle appartient à chacune et chacun de ses citoyens, de droite comme de gauche. Elle est le bien commun de tous les Français, le cadre bordé par les principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Vouloir se l’approprier sur une orientation politique qui en nie les principes fondamentaux relève du vol pur et simple et d’un profond mépris pour l’ensemble et la diversité de ses citoyens.

Nous persistons à penser, avec Jaurès, que « sans la République, le socialisme est impuissant, sans le socialisme, la République est vide », que la République poussée jusqu’au bout, logique avec elle-même, qui ne trahit pas ses principes fondamentaux, qui n’est pas en porte-à-faux avec sa devise, pose les jalons d’une société du bien commun, de la propriété collective, de la démocratie, de la solidarité humaine et de la défense de l’environnement. Bref, l’opposé de celle que propose M. Sarkozy !

Car, au fond, est-ce défendre la fraternité que d’appeler « assistanat » les principes de solidarité qui régissent nos systèmes de sécurité sociale, de retraite et d’assurance chômage ? Est-ce défendre la liberté que d’encourager la toute-puissance du capital sur la vie quotidienne de millions de salariés, d’empêcher tout pouvoir décisionnel au monde du travail dans l’entreprise et sur la production ? Est-ce défendre l’égalité que de justifier en permanence le règne de la compétition de tous contre tous ou de stigmatiser une partie de nos concitoyens en raison de leur religion ? Est-ce enfin « républicain » que de manier le fameux « ni-ni » en renvoyant dos à dos l’extrême droite et les partis républicains ?

Répondre à ces questions c’est prendre conscience que la République, bien plus qu’un ordre figé, est un combat permanent pour que se réalisent aujourd’hui, dans le monde réel, ses principes universels. Que tous les républicains fassent que M. Sarkozy en soit pour ses frais !


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