Les élections départementales se déroulent dans un chaos opaque

dimanche 22 mars 2015.
 

C’est le fruit du grand bidouillage territorial organisé par Manuel Valls et François Hollande. Mes camarades qui mènent campagne jettent leurs dernières forces dans cette bataille avec grand cœur. Partout ils essayent d’informer, de mobiliser, de rassembler. Ils ont bien du mérite. Tout est fait pour enfumer et rendre incompréhensible les enjeux de ces élections. Et la campagne du PS, du FN et de l’UMP ressemble à un match de ping-pong cynique. Comme d’habitude, les temps d’antenne sont accaparés sans nuance ni précaution par ceux dont les médias ont décidé qu’ils étaient dignes d’intérêt. En ce moment, le tableau, c’est le tripartisme. Simple et rustique, comme une bonne émission où on n’utilisera pas plus de 400 mots pour parler entre les pages de publicité.

Tout est fait maintenir tout le monde dans le brouillard. Le système a besoin de l’abstention. Il a besoin que le résultat des élections fonctionne comme la mise en place d’un tableau alarmant mais sans frais excessifs. Une abstention massive permet cela. Cependant, je ne m’exagère pas l’importance du calcul a l’œuvre. La vérité est que l’équipe de Rouletabille qui dirige le pays est déjà a bout de souffle, décide et fait n’importe quoi au gré des humeurs et de pressions qu’elle subit. La seule chose qu’elle respecte, le seul contrat qu’elle honore c’est celui qu’elle a avec la Commission de Bruxelles.

Dans cette affaire de départementales, le bazar est a son comble. Hollande et Valls ont changé le mode de scrutin en instaurant un système baroque avec deux élus par canton. Pourquoi avoir refusé la proportionnelle à l’échelle du département comme nous le proposions ? Cela aurait été plus simple. Ils ont aussi redécoupé les cantons pour tenir compte de leur nouveau mode de scrutin. Les derniers recours n’ont été rejetés que quelques semaines avant le début de la campagne. Ajoutez à cela les annonces et démentis successifs sur le fait de tenir les élections régionales en même temps que les départementales. Voilà pour le cadre. Mais ce n’est pas tout.

Quelles seront les compétences des nouveaux élus des 22 et 29 mars ? Mystère. Personne ne le sait. La loi sur les nouvelles compétences est encore en cours d’examen au Parlement ! Elle a été adoptée en première lecture mardi dernier seulement, le 10 mars. Le texte adopté diffère sur plusieurs points de la volonté du gouvernement. Par exemple, il maintient les routes et les collèges dans les compétences des départements alors que le gouvernement voulait les transférer aux régions. Mais il transfère les transports scolaires. Et tout ça peut encore changer. En effet, le texte doit repasser devant l’Assemblée et devant le Sénat en deuxième lecture, après les élections ! Comment faire campagne dans ces conditions ? Les gens sérieux sont consternés. Quel sens a la démocratie dans ces conditions ? Par exemple, nos camarades candidats en Aveyron proposent la gratuité des transports scolaires. Mais si le Conseil général perd cette compétence, comment tenir cette promesse ?

Les élus pourront-ils aller au bout du mandat confiés par les électeurs ? Rien n’est moins sûr. On se souvient que dans son premier discours de politique générale, il y a un an, Manuel Valls avait annoncé vouloir supprimer purement et simplement les Conseils généraux d’ici 2020. Depuis, il a fait marche arrière. Mais la loi actuellement en débat sur les compétences des collectivités continue sur le projet initial. Elle vide progressivement les Conseils généraux de leur substance. En effet, elle transfère leurs compétences essentielles aux régions, aux intercommunalités ou autres métropoles. Le bras droit de Manuel Valls, Carlos da Silva, a d’ailleurs vendu la mèche au cours du débat à l’Assemblée en avouant que, selon lui, « les Conseils généraux sont voués à disparaître ».

Tout ce bidouillage me révulse. Le mal qu’il fait est incommensurable. Partout, le dégoût et le désintérêt pour la chose publique, dévastée de cette façon, préparent les pires abandons. Comment mieux prouver l’intérêt de convoquer l’Assemblée constituante pour passer à la 6e République ? Cela permettrait que le peuple français se saisisse lui-même du débat sur l’organisation territoriale de la République. Le résultat serait nécessairement plus démocratique et plus efficace que les décisions de quelques têtes d’œufs qui se fichent du sujet, ne le connaissent pas et ricanent en sourdine parce qu’ils se croient seuls a connaître le motif de l’action. Le motif ? C’est le démembrement général de l’État et de l’organisation républicaine du territoire au profit d’une compétition généralisée des « territoires » telle que l’ont décidé la Commission européenne et le gouvernement allemand.

Ces élections locales sont aussi des élections nationales. Tout le pays va voter en même temps. Dans tous les cantons, on trouve une situation assez proche avec généralement quatre camps : le FN, la droite UMP-UDI, le PS, et l’autre gauche, souvent rassemblée. Ici ou là, il faut compter avec quelques autres candidats ou des dissidents en mal d’investiture. Il y aura donc une lecture nationale des résultats. Cette élection sera d’abord un test pour Manuel Valls. Il s’est énormément investi dans la campagne. Surtout, il gouverne depuis un an exactement. En un an, le chômage a battu de nouveaux records. En un an, de nouveaux cadeaux au Medef ont été faits, avec le Pacte de responsabilité et la loi Macron. En un an, la majorité parlementaire de Valls a explosé en vol, l’obligeant à agir avec l’autoritarisme de l’article 49-3 pour imposer la loi Macron. En un an, la pression de la Commission européenne sur notre pays s’est encore renforcée. Tout le monde le sait, l’heure est venue du plus phénoménal vote sanction jamais subi par un gouvernement.

Quels sont nos buts dans cette élection ? Nous nous sommes fixés trois objectifs. Nous avons bien travaillé dans chacun d’eux. Le premier objectif était de présenter des candidatures dans le maximum de cantons, autonomes vis-à-vis du PS. Le maillage du terrain ne doit jamais être abandonné. Nous y sommes arrivés. Mes camarades du PG n’ont pas ménagé leurs efforts pour arriver à cet objectif. C’est un acquis précieux, dans la lignée des efforts faits l’an dernier aux municipales. Cette fois-ci, le PCF a fait le choix de l’autonomie à l’égard du PS dans l’essentiel des cas. Le Front de gauche se présente donc uni dans les deux-tiers des départements. Ailleurs, mes camarades du PG ont cherché d’autres alliés à gauche, sans jamais céder sur l’exigence d’autonomie.

Nous avons ensuite bien avancé vers notre deuxième objectif : élargir le rassemblement de l’autre gauche. Dans 38 départements, nous sommes en alliance avec Europe Écologie-Les Verts comme dans l’Indre, l’Ariège, l’Oise. Parfois, les communistes n’ont pas voulu participer à l’alliance PG-EELV comme en Isère. Ailleurs, c’est seulement dans certains cantons, comme à Lille. L’important est que le mouvement s’amplifie : des solidarités militantes et des réflexes d’actions communes se nouent. Souvent, Nouvelle Donne participe aux candidatures avec nous.

Enfin, nous voulions faire de ces élections une étape dans l’enracinement citoyen de notre action. Il s’agit ici de la mise en œuvre de la stratégie de dépassement par le peuple de la logique du cartel de partis qui prévaut d’habitude. Là aussi, le bilan est positif. Dans une trentaine de départements, les candidatures ont été construites d’une manière assez originale, bien au-delà de nos partis, à partir de réunions aux bords flous dans une démarche d’implication citoyenne. C’est le cas dans plusieurs cantons du Jura ou de Haute-Garonne, et dans l’Aveyron. Dans tous ces cas, l’analyse des résultats sera décisive pour la suite. Chaque configuration sera soigneusement décortiquée, bureau par bureau pour bien comprendre ce qui se sera passé. Les départementales sont une répétition générale. Bien sûr, il ne faudra pas compter sur le gouvernement ni les instituts, les politologues et toute la sainte kyrielle des bavards sans consistance des soirs de résultat, pour décrypter les scores. De toute façon, le gouvernement a fait ce qu’il fallait pour rendre la situation illisible à notre sujet. Nos scores seront donc dispersés entre la comptabilité des « divers gauche », EELV et Front de gauche. Je m’en suis déjà expliqué ici assez précisément. Pour autant, il ne faudra pas focaliser sur la soirée de résultats

Quand au fond de notre discours dans l’élection il doit continuer a être un exercice d’éducation populaire. Pour nous-mêmes d’abord, dans l’art de convaincre et de quadriller le terrain. Ensuite pour incruster des références dans les esprits. Nos candidats s’opposent à l’austérité. Ils combattent la réforme territoriale antidémocratique et la concentration des pouvoirs, des richesses et des services dans les métropoles au détriment d’un aménagement équilibré du territoire. Ils défendent partout la solidarité et les services publics. En la matière, les Conseils généraux peuvent agir, notamment auprès des personnes âgées, pour soutenir l’économie sociale et solidaire. Nous faisons des propositions pour une planification écologique départementale : développer les circuits courts, renforcer l’agriculture bio et paysanne, mettre en place une économie circulaire pour réutiliser les déchets, recycler etc.

L’exigence démocratique est le troisième pilier. En cohérence avec l’exigence de 6e République, nos candidats s’engagent à ne pas cumuler les mandats, à agir en lien avec les assemblées citoyennes créées dans la campagne. Pardon de vous avoir infligé ce moment de ce qui apparait ainsi résumé comme un catéchisme. Est-ce que ce sera suffisant face à la grève électorale que pratiquent beaucoup de nos concitoyens ? Certains sondages annoncent jusqu’à 60% d’abstention. La colère froide est immense dans le pays. Le PS y contribue tous les jours par sa politique. Valls aggrave le mal avec cynisme en instrumentalisant le FN pour étouffer le débat. Incapable de convaincre, le PS veut prendre la gauche en otage dans un chantage insupportable : l’austérité Hollande et la loi Macron ou le FN. De notre côté, nous construisons, pas à pas, un autre chemin.

Mais il est essentiel de refuser la folklorisation des élections. Chaque conscience gagnée doit être instruite en même temps. Nous construisons une force dans les élections. Pas seulement celle de nos organisations qui apprennent toujours plus avant la discipline de combat et de pensée sans laquelle on ne peut rien construire de sérieux. Mais une force dans le peuple lui-même. Si modeste que soit un progrès, il nous aide pour l’étape suivante comme un point de départ plus avancé que celui que nous avions trouvé d’abord. Vous autres qui me lisez, pensez-y : il faut convaincre, même millimétriquement, mais ne jamais cesser de vouloir le faire. Un jour, tout se retourne et le travail porte ses fruits. À condition d’avoir été clairs.


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