Comment expliquer le décrochage du vote Mélenchon dans les derniers jours avant l’élection présidentielle

vendredi 27 février 2015.
 

A propos du dernier livre de Laurent Bouvet : L’insécurité culturelle.

Pour ceux qui ne connaissent pas M. Bouvet, il s’agit d’un professeur de science-politique, ayant publié de nombreux ouvrages et articles, directeur de l’observatoire de la vie politique de la Fondation Jean Jaurès, donc proche du PS mais avec lequel il entretient des relations complexes. Non adhérent de ce parti, à ce jour je ne sais plus exactement dans quelle sensibilité il se reconnait (Manuel Valls, la Gauche forte, etc..) et laquelle il influence vraiment. Qu’importe.

Son dernier ouvrage s’interroge particulièrement sur les raisons de la progression du vote FN (vous pouvez également consulter l’une de ses dernières interviewes dans Libération après la partielle du Doubs) et les difficultés que rencontre la gauche dans son ensemble, PS comme toute « l’autre gauche », c’est à dire notamment le Parti de Gauche et le Front de Gauche. C’est sur ce dernier point précis que l’on me demandait de réagir. Une commande identique avait été faite à l’historien Benjamin Stora qui lui a apporté une réponse très stimulante. Somme toute, pour ma part j’ai trouvé dans ce livre les reproches faits à la campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2012 assez superficiels et manifestement observés à la jumelle idéologique plus qu’à l’observation méticuleuse. Mais je ne souhaite pas caricaturer son travail qui mérite évidement d’être débattu et critiquer de façon plus approfondie que ce que je le propose ici de façon un peu polémique. Dans la période que nous traversons, la bataille idéologique et culturelle est plus que jamais nécessaire, et la confrontation intellectuelle doit être féconde.

Dans la mesure où le désaccord que j’exprimais avec lui, dans cette tribune de Marianne, me semble encore correspondre avec nombre de choses que j’entends de la part du gouvernement actuel, et notamment le Premier Ministre, je juge utile de le porter à votre connaissance sur ce blog.

Étrange accusation que celle de Laurent Bouvet qui nous attribue une responsabilité « symétrique » à celle des sociaux-libéraux au pouvoir dans la progression du FN. Pour que le débat soit utile, il faudrait que ceux qui le suscitent le mènent avec des arguments rigoureux et formulent jusqu’au bout les conséquences de leurs propositions.

Cette mise en garde faite, le chapitre qu’il m’est demandé de commenter brièvement me pose problème dans son explication du résultat de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle de 2012.

Passons que l’auteur néglige que la dynamique de la campagne Mélenchon n’ait disposé que de quelques mois quand les Le Pen sont installés dans le paysage depuis 25 ans.

Pour Laurent Bouvet, la candidate du FN a devancé le candidat du Front de Gauche, essentiellement parce qu’elle a mieux répondu à « l’insécurité culturelle » des électeurs. Et il pense nous le démontrer en rappelant qu’à une semaine du vote, les sondages donnaient Mélenchon et Le Pen à des niveaux équivalents, et en expliquant que Mélenchon décrocha à cause du grand discours prononcé en fin de campagne à Marseille sur les plages du Prado : un discours trop « multiculturaliste » et faisant la part trop belle à « l’immigration méditerranéenne ».

Ici, mon désaccord avec Bouvet est total. Il n’existe aucune base scientifique qui permette de considérer que ce discours du Prado soit responsable de la perte d’une partie de notre électorat au profit du FN. La vérité, établie par plusieurs études, est que 30 % des électeurs de François Hollande ont hésité jusqu’au jour du premier tour à voter pour Mélenchon, soit un différentiel de 9 points ! Leur choix final a été le fruit d’une campagne massive en faveur du« vote utile » pour le candidat du PS. Pourquoi effacer ces faits ?

Je ne crois donc pas à la thèse facile du glissement de l’électorat populaire de Mélenchon vers Le Pen parce que le premier serait finalement apparu trop favorable à l’immigration. Et si le glissement d’une partie de cet électorat de la gauche vers le FN devient une hypothèse aujourd’hui à cause de la politique de François Hollande, n’est-il pas de notre responsabilité, à nous la gauche des Lumières passionnée d’égalité, de refuser, coûte que coûte, le poison de la division raciste au sein de notre peuple ?

Prenons donc garde à ce que l’appel à une réponse de gauche à la supposée « insécurité culturelle », ne se transforme en l’adoption, pour seul programme, de la culture sécuritaire.


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