FN et UMP : cette fois, toutes les digues sont rompues

lundi 23 février 2015.
 

Les enquêtes montrent que l’électorat de la droite classique a de moins en moins de réserves à l’encontre du Front national et des alliances électorales avec lui. Confirmation de cette transformation de l’espace politique lors des scrutins du printemps ?

TNS Sofres réalise chaque mois un baromètre de l’image du Front national au sein de la société française pour France Info, Le Monde et Canal+ (disponible ici). L’étude de janvier 2015 marque tout à la fois l’enracinement du parti d’extrême droite et de ses idées dans la société française, et la très forte porosité de l’électorat UMP à l’égard du FN. De quoi s’inquiéter de la situation politique de ce pays.

Lors de la législative partielle dans le Doubs, le Front national a obtenu 48,53% des voix, gagnant plus de 6.000 voix entre les deux tours. Cette très forte augmentation, alors même que la participation était en nette progression de près de 10%, ne peut s’expliquer sans un fort report des voix de l’électorat de droite au bénéfice de la candidate frontiste.

Bon nombre de commentateurs ont alors constaté l’échec du Ni-Ni de la direction de l’UMP ainsi que la mort du front républicain. Il restait à apprécier ce qui relève de coordonnées locales propres à la quatrième circonscription du Doubs et ce qui correspond à un mouvement de fond de l’électorat du parti de Nicolas Sarkozy. C’est ce que permet l’étude TNS Sofres et on n’est pas déçu.

UMP, à droite toute !

À la question « Quelle doit-être, selon vous, l’attitude de l’UMP à l’égard du Front national ? », 45% des sympathisants de l’UMP souhaitent des alliances électorales selon les circonstances et il s’en trouve même 8% pour vouloir le « traiter comme un allié en passant avec lui une alliance électorale globale ». Au total, plus d’un sympathisant sur deux (53%) de l’UMP souhaite donc un accord avec le Front national. La base du Ni-Ni, celle qui entend « refuser tout accord avec lui sans le combattre », représente un petit tiers avec 30% et il n’y a que 8% des sympathisants de l’UMP pour déclarer qu’il faut « combattre » le Front national.

Cette banalisation et cette proximité idéologique trouvent immédiatement leur traduction électorale. À la question sur leur souhait, à titre personnel, pour les élections départementales et régionales de 2015, 50% des sympathisants UMP aspirent à des alliances au plan local et ils sont 43% à désirer un accord national entre l’UMP et le FN.

L’étude ne fournit pas de ventilation régionale de ses travaux, mais il est probable qu’il existe une différentiation géographique de l’électorat UMP entre, par exemple, celui sans doute plus modéré à l’Ouest et celui plus radicalisé à droite sur le pourtour méditerranéen. Si tel est bien le cas, l’hypothèse de départements ou de régions basculant dans l’escarcelle de l’extrême droite devient tristement réelle.

FN, de la protestation à l’adhésion

L’électorat FN est souvent appréhendé comme essentiellement protestataire et dans sa dualité géographique : une composante populaire issue des bassins industriels en crise dans le quart Nord-Est, un électorat plus poujadiste et orphelin de la guerre d’Algérie dans le Sud-Est. Cette réalité initiale garde une partie de sa pertinence, mais d’autres mouvements très profonds sont à l’œuvre depuis l’élection présidentielle de 2012.

Le premier est une nationalisation du score du Front national. Des régions qui maintenaient autrefois le parti d’extrême droite sous la barre des 10% comme le Limousin ou la Bretagne, lui accordent désormais autour de 20%. Cela fait maintenant plus de trente ans que le Front national est au cœur de la vie politique française. Petit à petit, il a su étendre son emprise sur l’ensemble du territoire national au fur et à mesure que les différents partis tentaient de surfer sur ses thématiques.

Quelle que soit l’origine de l’actuel électorat FN, la cristallisation de celui-ci sur les positions racistes, réactionnaires de la droite extrême est désormais très avancée. Le sondage de la Sofres montre ainsi que 81% de l’électorat frontiste souhaite désormais une alliance sous une forme ou une autre (conjoncturelle ou permanente) avec l’UMP. Pour les échéances de 2015, ce sont 77% des sympathisants FN qui envisagent un accord national avec l’UMP. On n’est très loin du ni gauche, ni droite.

Vers une multiplication des alliances UMP-FN ?

Les prochaines échéances vont être décisives pour une réorganisation d’ensemble du champ politique français. L’aspiration d’une fraction majoritaire de l’électorat UMP en faveur de solutions xénophobes et autoritaires est désormais un fait. Nombre de ses élus envisagent d’autant moins de perdre leur poste qu’ils sont idéologiquement très proches de l’extrême droite.

Il faudra donc observer attentivement les futures départementales et régionales pour apprécier si le nombre d’alliances entre droite et extrême droite est contenu ou au contraire généralisé. L’UMP est dans une position extrêmement délicate. Électoralement devancée par le Front national, d’éventuels accords se feraient sous l’égide du parti de Marine Le Pen. Celle-ci est, désormais, en capacité d’absorber une partie de la droite traditionnelle et d’être le seul adversaire du Parti socialiste.

Au vu de l’entêtement de celui-ci dans sa politique d’ajustements structurels, il est temps de construire une autre perspective.

Guillaume Liégard. Publié sur le site de Regards.


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