Macron pour le « secret des affaires » exemple HSBC swiss leaks

vendredi 5 juillet 2019.
 

- Paradis fiscaux et évasion fiscale protégés par les Etats (février 2015)
- A) SwissLeaks – HSBC : une banque au lourd passé et au présent sulfureux
- B) « SwissLeaks » : révélations sur un système international de fraude fiscale

A) SwissLeaks – HSBC : une banque au lourd passé et au présent sulfureux

La banque HSBC est revenue sur le devant de la scène. Selon les informations publiées par plusieurs organes de presse le 9 février 2015, 180,6 milliards d’euros seraient passés, à Genève, par les comptes HSBC, entre le 9 novembre 2006 et le 31 mars 2007 (soit en moins de 5 mois !) |1|. Mohamed VI roi du Maroc, des vedettes du monde du spectacle, de multiples sociétés privées, auraient confié à HSBC la mission de dissimuler au fisc et à la justice de leur pays une partie de leurs revenus. Dans l’article ci-dessous, nous revenons sur l’histoire passée et récente d’HSBC, une des principales banques privées à l’échelle mondiale.

Le sigle HSBC signifie “Hong Kong and Shanghai Banking Corporation”. Dès ses origines, la banque est mêlée au commerce international de drogues dures. En effet, elle a été fondée dans le sillage de la victoire britannique contre la Chine dans les deux guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1860). Ces deux guerres ont joué un rôle décisif dans le renforcement de l’empire britannique et dans la marginalisation de la Chine qui a duré environ un siècle et demi. Au cours de ces deux guerres, le Royaume-Uni a réussi à imposer à la Chine d’accepter les exportations britanniques d’opium en provenance de l’Inde (qui faisait partie de l’empire britannique). La Chine a bien tenté de s’opposer au commerce de l’opium mais les armes britanniques, avec le soutien de Washington, ont eu le dessus. Londres a créé une colonie à Hong Kong et, en 1865, est fondée la Hong Kong and Shanghai Banking Corporation par un commerçant écossais spécialisé dans l’importation d’opium (à l’époque, 70 % du fret maritime qui passait par Hong Kong concerne l’opium venu des Indes). Depuis ce moment, l’histoire de la banque a suivi étroitement la politique extérieure du Royaume-Uni et les intérêts du grand patronat britannique en Asie. Après 1949 et la victoire de la Chine de Mao, la banque se replie sur Hong Kong, resté territoire britannique. Ensuite, entre 1980 et 1997, elle développe ses activités aux États-Unis et en Europe. Elle ne déplace son siège social de Hong Kong à Londres qu’en 1993, avant la rétrocession du territoire à la République populaire de Chine réalisée en 1997. HSBC reste incontournable à Hong Kong dont elle émet 70 % des billets de banques (le dollar de Hong Kong). Hong Kong constitue un élément clé dans la chaîne du blanchiment d’argent accumulé par la nouvelle classe dirigeante chinoise. Rappelons que le groupe mondial HSBC employait 260 000 personnes en 2014, est présent dans 75 pays et déclare 54 millions de clients |2|.

HSBC impliquée dans d’autres crimes financiers

Blanchiment, manipulation, vente abusive et frauduleuse, évasion fiscale… HSBC a plus d’un tour dans sa manche !

En plus du blanchiment d’argent de la drogue et du terrorisme |3|, HSBC est impliquée dans d’autres affaires : la manipulation du marché des taux de change (l’affaire a éclaté en 2013 et porte sur un marché quotidien de 5 300 milliards de dollars) |4|, la manipulation des taux d’intérêt interbancaire (dont le Libor) |5|, la vente abusive et frauduleuse de dérivés sur les taux d’intérêt, la vente abusive et frauduleuse de produits d’assurances aux particuliers et aux PME au Royaume-Uni (la FSA, l’autorité de contrôle britannique, a poursuivi HSBC dans cette affaire qui a révélé que la banque a vendu des assurances ne servant à rien ou si peu ! |6|), la vente abusive de Mortgage Backed Securities aux Etats-Unis, la manipulation du cours de l’or et du cours de l’argent (l’affaire a éclaté en janvier-février 2014 |7|) et l’organisation à une échelle massive de l’évasion fiscale des grosses fortunes (voir ci-dessous).

Hervé Falciani, le Edgar Snowden d’HSBC ?

Hervé Falciani, un citoyen franco-italien, a travaillé aux services informatiques de HSBC Suisse à Genève de 2006 à 2008. Avant de quitter la banque, il a copié 127 000 fichiers qui relient HSBC à des opérations massives de fraude et d’évasion fiscale dans laquelle elle joue un rôle souvent actif. Il s’installe en France. La Suisse décide de l’arrêter et lance un mandat d’arrêt international via Interpol pour « soustraction de données », « violation du secret bancaire et du secret commercial » et « présomption de service de renseignements économiques ». Il faut souligner que la Suisse n’a pas attaqué HSBC.

Début 2009, le domicile niçois de Falciani fait l’objet d’une perquisition effectuée par la police locale. Les infos qu’il détient sont explosives : parmi les 127 000 fichiers se trouvent des exilés fiscaux français (8 231 selon Falciani), belges (plus de 800), espagnols (plus de 600 noms), grecs (la fameuse liste dite Lagarde car la ministre française l’a remise aux autorités grecques en 2010, elle contient environ 2 000 noms), allemands, italiens, mexicains, états-uniens… Hervé Falciani remet tout ou une partie des informations qu’il détient aux autorités françaises et à celles d’autres pays.

Ensuite, selon ses dires, il collabore avec les autorités de Washington auxquelles il livre des informations qui font avancer l’affaire du blanchiment par HSBC de l’argent des cartels de la drogue du Mexique et de Colombie. Puis il se rend en Espagne en 2012 afin de collaborer avec les autorités espagnoles. Il y est d’abord arrêté en application du mandat d’arrêt lancé par la Suisse. La Suisse insiste pour que l’Espagne lui livre Hervé Falciani, ce que l’Espagne refuse en mai 2013 car la justice espagnole le considère comme un témoin privilégié dans plus grandes affaires de fraude et d’évasion fiscale |8|. En effet, la communication aux autorités espagnoles des données dérobées par H. Falciani avait permis dès 2011 de découvrir une grande quantité d’argent (environ 2 milliards €) déposée en Suisse par des membres de la famille d’Emilio Botin, le président de Santander (la première banque espagnole). Celui-ci, acculé, a versé aux autorités espagnoles 200 millions € d’amende. Les données livrées par H. Falciani ont également débouché sur le scandale du financement frauduleux du Parti Populaire, le parti du premier ministre Mariano Rajoy |9|. La justice espagnole fournit une protection policière permanente à Hervé Falciani. Les autorités belges et françaises rencontrent H. Falciani et utilisent les données fournies, instruisent des dossiers. Il n’est pas du tout certain que cela débouchera sur des condamnations pour fraude car il est plus que probable que des arrangements financiers (en Belgique, cela s’appelle des régularisations fiscales) permettront aux fraudeurs d’y échapper.

Il faut souligner que, dans cette affaire, non seulement la Suisse cherche à arrêter le lanceur d’alerte, c’est le cas également en Grèce où la justice a arrêté l’éditeur de la revue « Hot Doc », Kostas Vaxevanis, parce qu’il avait osé publier en octobre 2012 la liste Lagarde-HSBC-Falciani que les autorités grecques avaient égarée depuis trois ans |10|. Suite aux réactions citoyennes en Grèce et sur le plan international, le journaliste a finalement été acquitté lors de son procès. Il n’est pas facile de dénoncer une banque et les riches fraudeurs qu’elle protège ou, ce qui revient à peu près au même, de dénoncer les riches fraudeurs qui protègent les banques et leur sacro-saint secret bancaire. Il y a bien une véritable symbiose entre les grandes banques et la classe dominante, comme existent des passerelles permanentes entre les gouvernants et les grandes entreprises, en particulier celles de la finance.

HSBC a décidé de contourner une directive de l’Union européenne En 2013, l’Union européenne a annoncé qu’elle fixait une limite aux bonus que pouvaient recevoir les dirigeants et les traders d’une banque. Le bonus ne peut pas être supérieur au double de la rémunération salariale fixe. Si un dirigeant a une rémunération fixe de 1,5 million d’euros par an, les bonus ne pourront pas dépasser 3 millions d’euros (donc une rémunération totale de 4,5 millions). Qu’à cela ne tienne, la direction d’HSBC a annoncé en février 2014 qu’elle allait fortement augmenter la rémunération fixe de ces dirigeants afin que leur bonus ne soit pas réduit |11|.

Conclusion

La banque HSBC devrait être fermée, sa direction devrait être licenciée sans indemnité et poursuivie en justice. Le mastodonte HSBC devrait être divisé sous contrôle citoyen en une série de banques publiques de taille moyenne dont les missions devraient être strictement définies et exercées dans le cadre d’un statut de service public.

9 février 2015 par Eric Toussaint, CADTM

Notes

|1| Voir notamment http://www.lemonde.fr/economie/arti... ;

|2| Voir son site official : http://www.hsbc.com/about-hsbc

|3| Voir Eric Toussaint, « Les barons de la banque et de la drogue », publié le 14 avril 2014, http://cadtm.org/Les-barons-de-la-b... ;

|4| Voir Eric Toussaint, http://cadtm.org/Comment-les-grande... ;

|5| Voir http://cadtm.org/Les-grandes-banque... ; publié le 30 avril 2014

|6| Le Monde, “Cernée par les scandales, HSBC ternit un peu plus la réputation de la City”, 1er août 2012.

|7| Financial Times, “Fears over gold price rigging put investors on alert. German and UK regulators investigate”, 24 février 2014.

|8| Le Soir, « Vol de fichiers bancaires chez HSBC : le récapitulatif », 8 mai 2013, http://www.lesoir.be/239380/article... ;

|9| Le Monde, « Evasion fiscale : le parquet espagnol s’oppose à l’extradition de Falciani, ex-employé de HSBC », 16 avril 2013 http://www.lemonde.fr/europe/articl... ; The New York Times, « A Banker’s Secret Wealth », 20 septembre 2011, http://www.nytimes.com/2011/09/21/b... ; « The French government passed on to Spain data that it had obtained from Hervé Falciani, a former employee in HSBC’s Swiss subsidiary, naming almost 600 Spanish holders of secret bank accounts. Among those was one belonging to the estate of Mr. Botín’s father. » http://www.nytimes.com/2011/09/21/b... ;

|10| Kostas Vaxevanis, « Pourquoi j’ai publié la liste Lagarde », The Guardian, 31 octobre 2012 « http://www.presseurop.eu/fr/content... ;

|11| Financial Times, “HSBC plans to sidestep EU Bonus cap revealed”, 25 février 2014.

B) « SwissLeaks » : révélations sur un système international de fraude fiscale (Le Monde du 8 février 2015)

Les chiffres donnent le vertige. Le Monde publie le premier volet d’une enquête à la fois spectaculaire et inédite. Fruit d’investigations hors norme, menées entre Paris, Washington, Bruxelles ou Genève, elle dévoile les dessous d’un vaste système d’évasion fiscale accepté, et même encouragé, par l’établissement britannique HSBC, deuxième groupe bancaire mondial, par l’intermédiaire de sa filiale suisse HSBC Private Bank.

Le Monde, qui enquête sur l’affaire HSBC depuis son origine, est entré début 2014 en possession de données bancaires mondiales, portant sur la période 2005-2007 et établissant une gigantesque fraude à l’échelle internationale. Nous avons partagé ces données avec une soixantaine de médias internationaux, coordonnés par l’ICIJ, consortium de journalistes d’investigation. Leur révélation est susceptible d’embarrasser de nombreuses personnalités, de l’humoriste français Gad Elmaleh au roi du Maroc Mohamed VI en passant par l’acteur américain John Malkovich, mais surtout d’ébranler les milieux bancaires internationaux.

Selon les enquêteurs, 180,6 milliards d’euros auraient transité, à Genève, par les comptes HSBC de plus de 100 000 clients et de 20 000 sociétés offshore, très précisément entre le 9 novembre 2006 et le 31 mars 2007. Une période correspondant aux archives numérisées dérobées chez HSBC PB par Hervé Falciani, ancien employé de la banque.

En effet, à la fin de l’année 2008, cet informaticien français avait fourni aux agents du fisc français les données volées chez son employeur. Saisie de ces faits en janvier 2009, la justice française enquête depuis sur une toute petite partie des « listings Falciani », à savoir les quelque 3 000 ressortissants hexagonaux suspectés d’avoir dissimulé leur argent chez HSBC PB, et ce avec la complicité de la banque – de ce fait mise en examen comme personne morale pour « démarchage bancaire et financier illicite » et « blanchiment de fraude fiscale ».

Plus de 5,7 milliards d’euros auraient été dissimulés par HSBC PB dans des paradis fiscaux pour le compte de ses seuls clients français… Bercy a saisi la justice de soixante-deux cas seulement (dont celui de l’héritière de Nina Ricci, dont le procès doit s’ouvrir dans quelques jours à Paris), la plupart des contribuables hexagonaux « démasqués » par les listings Falciani ayant, il est vrai, régularisé entre-temps leur situation fiscale.

Le 28 janvier 2014, sous le titre « Listes HSBC : la saga d’une enquête explosive sur l’évasion fiscale », Le Monde publiait une première série d’articles dévoilant les dessous de l’enquête judiciaire française. Mais il manquait l’aspect mondial…

Quelques jours plus tard, une personne se présentait à l’accueil du journal, boulevard Auguste-Blanqui, à Paris. Cette source, dont nous protégeons l’anonymat, nous remit une clé USB contenant la totalité des fichiers établis à partir des « données Falciani », dans le plus grand secret, à compter de 2009, par les services fiscaux français, parfois en dépit des réticences du pouvoir politique.

Qui trouve-t-on sur ces listings – transmis par Bercy à plusieurs administrations étrangères –, et dont nous révélons les noms lorsqu’ils présentent un intérêt public ? Des trafiquants d’armes ou de stupéfiants, des financiers d’organisations terroristes, des hommes politiques, des vedettes du showbiz, des icônes du sport ou des capitaines d’industrie… Désireux, dans leur grande majorité, de cacher leur argent en Suisse. Et cela, bien sûr, très souvent, à l’instar des clients français, dans la plus parfaite illégalité. La disparité des profils des détenteurs de comptes est assez frappante. Les chirurgiens français désireux de blanchir leurs honoraires non déclarés y côtoient des diamantaires belges, des protagonistes de l’affaire Elf ou de nombreuses familles juives dont les avoirs avaient été mis en lieu sûr, en Suisse, au moment de la montée du nazisme en Europe… Le paravent de structures offshore

Nombre d’entre eux ont été illicitement démarchés en France par les gestionnaires de comptes de la banque. Tous ont été encouragés par le comité exécutif d’HSBC PB à mieux camoufler leur argent derrière le paravent de structures offshore, généralement basées au Panama ou dans les îles Vierges britanniques, et ce afin d’éviter certaines taxes européennes, notamment la taxe ESD, instituée en 2005. Les enquêteurs disposent désormais d’éléments matériels attestant ces différents délits.

Pour lire la suite de l’article, de même que des compléments très intéressants, cliquer sur l’adresse URL ci-dessous :

http://www.lemonde.fr/economie/arti...


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