"La France doit passer de la résistance à la libération" (Jean-Luc Mélenchon)

samedi 7 février 2015.
 

Interview de Jean-Luc Mélenchon dans le Journal Du Dimanche ce 1er février 2015.

Vous avez applaudi à la victoire de Syriza en espérant dans toute l’Europe un effet domino. Mais la Grèce a un taux de chômage de 25% et la France de 10% !

Ce qui est commun à toute ­l’Europe, ce sont les politiques d’austérité qui détruisent nos sociétés. Et elles aggravent le problème de la dette en prétendant le résoudre. François Hollande nous a enfermés dans cette impasse.

La Grèce doit-elle « payer » sa dette ?

Elle ne le pourra jamais. « Effacer la dette », la « rééchelonner » : peu importe le mot qu’on utilisera : c’est inévitable. Cette dette n’est pas payable. Ce n’est pas la seule. Les solutions techniques existent pour que cela ne coûte rien. Hollande est maintenant au pied du mur : il doit donner des preuves concrètes de son affection tardive pour Tsipras ! À lui de prendre l’initiative d’un moratoire sur la dette grecque. Assez joué au couple Thénardier avec Merkel !

Vous demandez donc aux Français de payer pour les Grecs ?

Personne ne paiera ! La Banque centrale européenne doit faire comme celle des États-Unis et racheter toute la dette. Les Français devraient plutôt se demander comment une dette contractée auprès des banques privée est à présent à 80 % dans des caisses publiques ! Une commission d’enquête parlementaire sur la dette en Europe serait très utile.

Votre situation en France n’est pas celle d’Alexis Tsipras en Grèce…

En effet. La situation n’est pas aussi mûre. Et nous nous heurtons à un obstacle majeur : le mode de scrutin. En Grèce, la « caste » a perdu grâce à la proportionnelle. En France, elle résiste grâce à la monarchie présidentielle. C’est pourquoi je veux mobiliser pour la VIe République. J’annonce qu’à partir du 20 février et jusqu’au 18 mars, nous allons organiser des élections pour former une assemblée représentative du Mouvement pour la VIe République. Une partie sera tirée au sort, l’autre élue à partir des milliers de signataires du site M6R. Cette assemblée doit représenter tous ceux qui veulent renverser ce système qui permet à la « caste » de se maintenir au pouvoir en dépit de ses parjures.

En Grèce, Tsipras a noué une alliance avec des nationalistes de droite…

Il manque deux sièges à Syriza pour être majoritaire. Le parti communiste orthodoxe grec a refusé de soutenir Syriza. Le PS qui a gouverné avec la droite et l’extrême droite est haï. Que devait faire Tsipras ? Retourner aux urnes.

Pourriez-vous imaginer, vous, de faire alliance avec Nicolas Dupont-Aignan ?

Idée politicienne ! Laissons la « caste » mélanger les étiquettes de gauche et de droite pour faire pareil, M. Macron d’un côté, Mme Lagarde de l’autre ! Quand la droite et le PS tournent le dos à leur histoire et deviennent des partis purement libéraux, le vrai clivage change : le peuple d’un côté, l’oligarchie de l’autre. La finance n’a plus peur de la gauche officielle : elle a peur du peuple. C’est lui qu’il faut fédérer.

En France, de quoi rêvez-vous ? D’un rassemblement, d’une alliance ?

Le Front de Gauche a atteint sa limite : il faut voir bien plus grand. Quand nous, les Verts, les socialistes dissidents, Nouvelle Donne ne votons pas le budget et ne participons pas à la majorité gouvernementale, nous avons le devoir de proposer autre chose aux Français. Nous rassembler est une exigence morale. Les couteaux sans lame ne servent à rien ! Ne perdons pas de temps. Car il faut mettre le peuple en appétit ! Il a montré de quoi il est capable seul avec la manif Charlie ! Alors le temps des simples cartels de partis est fini. Je souhaite une alliance citoyenne où le peuple commande. Aujourd’hui, le peuple est grand, mais la politique est petite ! Avec la Grèce commence un nouveau cycle. Et la France aussi doit passer de la résistance au libéralisme à la libération.

Vous faites l’impasse sur le PS ?

Le PS est un astre mort. Ses cadres sont totalement coupés de la société française. Son logiciel est périmé. Productivistes aveuglés, ils comptent sur une croissance infinie dans un monde qui ne l’est pas. Sociaux-libéraux, ils cajolent la finance. Leur seul argument, c’est le « vote utile » ! Les citoyens sont seuls juges par leur vote. Pas d’arrangements au sommet !

Le PS vous accuse de diviser la gauche et ainsi d’ouvrir la voie à la droite et à l’extrême droite…

Ce chantage odieux ne marchera plus ! Si quelqu’un a mis le camp progressiste en danger, c’est le PS. Il veut obliger tout le monde à reboucher le trou qu’il a lui-même creusé. En 2012, on n’est pas monté sur le pédalo, ce n’est pas pour aller aujourd’hui sur le Radeau de la méduse.

Diriez-vous que Marine Le Pen menace la République ?

Elle n’est pas la seule ! Et les autres, quand ils acceptent de ­déposséder le peuple de sa souveraineté pour aller la remettre aux mains de la Commission européenne ? Et quand ils détruisent l’État et vendent les services publics ? Où est le danger pour la Ve République puisqu’elle s’en réclame ? Ce qui est un danger, c’est bien cette Constitution : elle permet à un tel personnage, avec une telle doctrine politique, d’exercer un pouvoir aussi considérable !

Vous dites que, pour 2017, vous ne voulez pas être un « obstacle » au rassemblement de cette gauche alternative…

Ma situation est simple : je suis disponible. De bon cœur, j’irai au poste de combat que l’on m’assignera. Je ne suis pas un simple protestataire. Si nous devions gouverner, je saurais le faire. Je veux notre victoire. Je crois qu’il faut travailler à une candidature commune. Pour cela, il faut un programme partagé. Nous avons commencé avec les Chantiers de l’espoir. Avec Cécile Duflot, Pierre Laurent, Clémentine Autain et bien d’autres, nous venons de signer un texte pour un programme partagé en affirmant vouloir gouverner ensemble. Mais l’essentiel pour moi est que cette élection-là serve à changer la règle du jeu politique. Si à la prochaine présidentielle est resservi le potage habituel, les Français se détourneront de l’assiette. La meilleure candidature en 2017 c’est la VIe République, celle où les citoyens refondent leur pays en définissant une nouvelle Constitution ! L’idée peut rassembler de tous côtés. Sinon, le désastre est certain.

Au nom de cette nouvelle alliance, Emmanuelle Cosse peut-elle être votre candidate commune en Île-de-France ?

Pourquoi pas ? Si l’on s’entend au niveau national sur un accord dans toutes les régions ? La force de notre alliance, ce sera sa diversité, sa clarté, et surtout le pouvoir qu’y aura le rassemblement des citoyens. La méthode, c’est celle de Grenoble, où un raz-de-marée citoyen a tout changé aux municipales.


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